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Lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent : quatre arrestations par l’Icac

Dr Deshmukh Reebye Le Dr Deshmukh Reebye a été autorisé à voyager après son arrestation. Il a formulé une demande à la Cour pour qu’il quitte Maurice le 23 décembre.
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La Commission anti-corruption, (Icac) passe à l’offensive. Elle a interpelé quatre personnes, jeudi. Deux proches de Marc Hansley Désiré Neptune, alias Coco, ont été appréhendés à Résidence Kennedy, dans le cadre d’une enquête sur le blanchiment d’argent lié au trafic de drogue. Deux autres personnes ont éte traduites devant la justice dans la même journée. Il s’agit du cardiologue Deshmukh Reebye accusé d’avoir accepté deux billets d’avion de la compagnie Chemtech après l’avoir favorisée dans l’achat de dispositifs médicaux. Denis Patrick Juganaden, lui, a été interpellé après avoir dupé l’Agricultural Marketing Board.

Le cardiologue Deshmukh Reebye, âgé de 71 ans, a été arrêté par les officiers de l’Icac. Les hommes de Navin Beekarry lui reprochent d’avoir enfreint les articles 15 (a) et 83 de la Prevention of Corruption Act (Poca).

Selon les enquêteurs, cet habitant de Pope Hennessy Street, Curepipe, a « wilfully, unlawfully and criminally » accepté des cadeaux, soit deux billets d’avion. Arrêté, il fait face à une charge provisoire de « receiving gift for a corrupt purpose » devant la cour de Port-Louis. Il a recouvré la liberté conditionnelle après avoir réglé une caution de Rs 30 000 et signé une reconnaissance de dette de Rs 1 million.

L’arrestation du Dr Reebye fait suite à l’enquête de la Commission anti-corruption sur des pratiques douteuses de certains docteurs exerçant pour le ministère de la Santé et des représentants de produits médicaux. Les faits remontent au 13 décembre 2012. La Commission reproche au Dr Reebye d’avoir accepté deux billets d’avion de la compagnie Chemtech. Selon les enquêteurs, ces cadeaux ont été reçus après qu’il eut favorisé l’achat de dispositifs médicaux que la compagnie fournissait au ministère de la Santé, cela en faisant fi des procédures d’appel d’offres.

Le premier voyage dont il a bénéficié gratuitement remonte à juillet-août 2012 en Chine. À son retour au pays, il demande l’achat de produits médicaux de cette compagnie sans passer par un appel d’offres. Le deuxième voyage intervient en 2013. Le Dr Reebye s’était envolé pour le Canada du 17 au 24 janvier. Selon les documents de la Commission anti-corruption, le docteur avait reçu une somme de Rs 69 800 de la part de Chemical & Technical Suppliers (I.O) Ltd pour son billet d’avion.

Cette société de la compagnie Chemtech fournissait des produits médicaux au Cardiac Centre du Trust Fund for Specialised Medical Care. Ce déplacement à l’étranger était lié à une conférence de Numed. Toutefois, à son retour au pays, il n’a pas informé le ministère de la Santé de ce voyage.  L’Icac reproche également à la compagnie Chemtech de n’avoir pas non plus notifié ces « parrainages » au ministère de tutelle. La directrice est, elle, poursuivie sous une charge de « treating of public official », sous l’article 14 de la PoCA.


Le Dr Reebye considéré comme un ‘bosseur’ par ses pairs

Le Dr Deshmukh Reebye est considéré par ses pairs comme un «excellent médecin qui s’est tout le temps dévoué pour son travail». Zoom sur l’homme à travers le regard de ses confrères.

« J’ai beaucoup d’estime pour le Dr Deshmukh Reebye. Il a beaucoup fait dans le domaine de la cardiologie pédiatrique ». C’est ce que disent les différents les confrères de celui sur qui lequel pèse une allégation de corruption. Ils ont choisi tous de garder l’anonymat.  Les qualificatifs ne manquent pas non plus pour décrire l’homme : bosseur, quelqu’un de dévoué pour son travail. Il est aussi considéré comme un excellent médecin qui a su faire preuve de courage et d’abnégation pour se former davantage afin de mettre ses compétences au service de la cardiologie à Maurice.

À 60 ans, il n’a pas hésité à tout laisser derrière lui pour vivre sur un campus pour être formé dans le domaine de l’angiographie cathétérisme pédiatrique, expliquent deux médecins que nous avons interrogés.

« Quand il était encore dans le service public, il travaillait davantage que les plus jeunes que lui, car il aime son métier », explique un médecin qui a côtoyé le Dr Reebye durant de longues années. Pour cause, il est le seul à Maurice à pratiquer la cardiologie interventionnelle pédiatrique.

Selon nos interlocuteurs, sa contribution dans le service de la cardiologie pédiatrique est énorme. C’est ce qu’ils souhaitent retenir de lui. Il préfèrent laisser la justice décider s’il est coupable de corruption ou pas. Pour eux, certains médecins n’ont d’autre choix que de puiser de leurs poches ou de profiter des facilités que des compagnies privées mettent à leur disposition pour qu’ils puissent aller vers la super-spécialisation. « Comment voulez-vous qu’un médecin aille se former si on ne lui donne pas les moyens de le faire ? » s’interroge un de nos interlocuteurs. Il affirme ne pas condamner ceux qui le font, car au final, ce sont les patients qui bénéficient par la suite de leurs nouvelles compétences. Pour lui, ces dénonciateurs ne souhaitent que ternir l’image du Dr Deshmukh Reebye.


Amertume chez les médecins

« Les médecins ne vont plus vouloir siéger sur les comités d’évaluation pour l’acquisition de nouveaux appareils ». C’est ce que nous affirmé un médecin dans le sillage de l’arrestation du Dr Deshmukh Reebye. Selon lui, ce serait « fou » de répondre à la requête du ministère de la Santé pour examiner les offres des soumissionnaires lors des appels d’offres et faire leurs recommandations. « Avec ce qui lui est arrivé, on encourt le risque d’être accusé de favoritisme. Que le ministère se débrouille pour choisir le type d’équipements qu’il souhaite acheter. Les médecins vont graduellement refuser de participer à ces évaluations » dit-il. Cela d’autant plus qu’ils ne perçoivent aucune allocation pour cela. « Nous sommes payés pour soigner les patients, nous allons nous contenter de faire cela », conclut-il.

Une dizaine de médecins dans le collimateur

Le cardiologue Deshmukh Reebye n’est pas le premier à faire face à la justice depuis l’ouverture de l’enquête de l’Icac en 2017 sur l’acquisition d’équipements et produits médicaux destinés aux hôpitaux. C’est le Dr Nizam Domah, consultant et responsable du département de cardiologie, qui fut le premier arrêté par la Commission en novembre 2017. Il lui est reproché d’avoir obtenu un voyage pour l’Afrique du Sud aux frais de l’entreprise Azur Medical Ltd. En retour, il avait favorisé la compagnie dans l’exercice de remplacement d’équipements du laboratoire cardiaque. La compagnie a été épinglée dans cette affaire. Un Charged Nurse, qui siège au sein du Bids Evaluation Committee du ministère, Ramraz Hoolass, fait également face à la justice. Lui aussi avait obtenu un voyage. Les enquêteurs ne comptent pas lâcher du lest. Une dizaine d’autres médecins sont dans leur collimateur. Ils sont soupçonnés d’avoir commis des délits similaires.


Une affaire d’oignons : l’Icac procède à une arrestation pour blanchiment 

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Denis Juganaden réfute les allégations portées contre lui.

Après avoir décroché un contrat de Rs 6 millions, Denis Patrick Juganaden est arrêté pour avoir blanchi Rs 280 000.

Une arnaque à l’oignon. C’est ce que tente de déterminer les enquêteurs de la Commission anti-corruption (Icac). Ils ont procédé à l’arrestation de Denis Patrick Juganaden, représentant de la compagnie Seven Sept Ltd, jeudi 6 décembre. Les enquêteurs reprochent à cet habitant de Pailles, âgé de 44 ans, d’avoir enfreint l’article 3 (1) (a), 6 et 8 de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA).

L’affaire remonte au 6 mars 2013. Un exercice d’appel d’offres est lancé par l’Agricultural Marketing Board (AMB) pour l’importation d’oignons. C’est la compagnie Seven Sept Ltd qui décroche le contrat pour l’approvisionnement de 392 tonnes d’oignons en provenance de Madagascar. Le contrat s’élève à USD 181 110, soit environ Rs 6 millions.

Le problème, c’est que l’AMB avait accusé réception uniquement d’une partie de livraison, soit l’équivalent de USD 18 200. N’ayant pas reçu le reste de la livraison, l’AMB réalise que le « certificat d’existence » attestant l’incorporation de la compagnie était un faux.  Après avoir alerté les autorités, l’Icac s’est saisie du volet de blanchiment dans cette affaire. Les enquêteurs ont conclu que Denis Juganaden avait empoché un chèque de Rs 280 000 dans une banque commerciale. Il aurait utilisé cet argent pour rembourser ses dettes et financer la rénovation de ses propriétés. Une accusation que récuse le prévenu. « C’est totalement faux, j’ai des preuves et laissons l’enquête suivre son cours », nous a-t-il répondu.


Deux femmes interpellées : le clan Neptune blanchit son capital dans l’achat des véhicules

Deux femmes, qui sont des proches de Marc Hansley Désiré Neptune, alias Coco, ont été interpellées par les officiers de l’Icac, à l’aube jeudi 6 décembre, à Résidence Kennedy. Les deux femmes sont soupçonnées d’avoir blanchi plusieurs millions de roupies. Des documents prouvant des transactions financières importantes ont été saisis. Les enquêteurs ont découvert que les deux femmes ont fait l’acquisition de trois grosses cylindrées, dont une de 350 CC et une autre de 1 000 CC. Plusieurs millions de roupies ont également été déboursées pour l’achat de plusieurs voitures et une pelleteuse. Les officiers de l’Icac soupçonnent qu’il s’agit de l’argent provenant de la vente de drogue.

Après plusieurs heures d’interrogatoire, l’une des deux femmes est maintenue en détention. L’Icac n’écarte pas la possibilité de procéder à d’autres interpellations dans les jours à venir. L’opération de jeudi matin a vu la participation des commandos Marine, des éléments de la Special Supporting Unit (SSU), de l’hélicoptère de la police ainsi que les officiers de l’Icac.

Quant à Coco, il est toujours en cavale. Il est désormais le suspect le plus recherché après avoir donné du fil à retordre aux officiers de la commission antidrogue le 19 novembre dernier. Il s’est enfui à bord d’un « JCB » lors d’une course-poursuite. Quatre officiers de l’Icac avaient été blessés lors de cette opération.

 

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