
Les directives de la Financial Crimes Commission sont contraignantes. Toutes les organisations à Maurice doivent instaurer des procédures internes contre corruption et blanchiment, sous peine d’amendes pouvant atteindre Rs 20 millions, redéfinissant ainsi les règles du jeu économique.
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Le message de la Financial Crimes Commission (FCC) est sans équivoque : l’heure n’est plus aux approximations. Avec la publication récente de ses « Guidelines on Legal Persons », l’organisme de régulation financière mauricien place l’ensemble du tissu économique devant une obligation de résultat. Sociétés privées et publiques, partenariats, trusts, fondations, ONG, associations, coopératives, organismes publics : aucune organisation n’échappe désormais à l’impératif de conformité en matière de lutte contre les crimes financiers.
Contrairement à ce que pourrait suggérer le terme « guidelines », ces directives ont bel et bien force de loi. Me Yousuf Ali Azaree, avocat spécialiste de ces questions, dissipe toute ambiguïté : « Sous l’article 52 du Financial Crimes Commission Act 2023, toutes les personnes morales à Maurice, sociétés, partenariats, trusts ou fondations, ont l’obligation légale de mettre en place des procédures adéquates pour prévenir les crimes financiers. »
Pour se mettre en règle, les organisations doivent structurer leurs procédures internes autour de cinq principes essentiels, détaille Me Yousuf Ali Azaree : engagement de la direction pour garantir la responsabilité et la supervision ; évaluation des risques afin d’identifier les vulnérabilités potentielles ; mesures de contrôle adaptées pour limiter ces risques ; revue et suivi réguliers des procédures mises en place ; formation et communication continues pour impliquer l’ensemble du personnel.
« Ce cadre vise à donner aux organisations une feuille de route claire pour démontrer leur sérieux et se protéger en cas d’enquête », indique l’avocat. Car c’est bien là l’enjeu : en cas de poursuite, une entreprise devra prouver qu’elle avait mis en place des « procédures adéquates ». « Montrer des preuves concrètes de conformité – formations régulières, politiques de communication, contrôles internes, suivi et application systématique – peut permettre d’éviter les sanctions ou de se défendre efficacement », souligne Me Yousuf Ali Azaree.
Ces directives constituent le standard officiel que la FCC utilisera pour juger de la conformité d’une organisation. « Ne pas suivre les guidelines expose à des pénalités administratives et prive une entreprise de la possibilité d’invoquer la défense de ‘procédures adéquates’ en cas de poursuite », précise l’avocat. En clair : ignorer ces obligations revient à se priver de toute défense juridique en cas d’enquête.
« Le défaut de conformité constitue une infraction pénale et peut entraîner une amende allant jusqu’à Rs 20 millions », poursuit l’avocat. Le dispositif de sanctions est, en effet, gradué. Une entité qui néglige ses obligations s’expose à une amende mensuelle de Rs 10 000 jusqu’à correction de la non-conformité, avec un plafond fixé à un million de roupies. Mais en cas de condamnation pour défaut de procédures adéquates, l’amende peut grimper jusqu’à Rs 20 millions.
Un filet qui ratisse large
Le champ d’application des directives est volontairement exhaustif. « En réalité, toute organisation, qu’elle soit incorporée ou non, qui mène des activités à Maurice est soumise à ces règles », souligne Me Yousuf Ali Azaree. Au-delà des acteurs économiques classiques, ce sont donc aussi les associations à but non lucratif, les fondations philanthropiques ou encore les coopératives qui doivent se conformer au nouveau cadre.
La question des contrats en cours se pose naturellement. L’avocat tempère : « Les guidelines peuvent s’appliquer aux relations existantes, mais pas de manière rétroactive au point de les invalider. Les entités doivent simplement revoir et ajuster leurs relations contractuelles pour assurer leur conformité à l’avenir. » Une période d’adaptation s’ouvre donc, mais le compte à rebours est lancé.
Un volet particulier des directives cible une zone grise souvent exploitée : les cadeaux, l’hospitalité et les dépenses promotionnelles.
« Ces activités sont souvent exploitées comme vecteurs de corruption ou de trafic d’influence », avertit Me Yousuf Ali Azaree. Toutes les entités doivent désormais adopter une politique écrite encadrant non seulement les cadeaux en espèces ou en nature, mais aussi les invitations, parrainages, voyages d’affaires ou événements promotionnels.
« Disposer d’une telle politique constitue une preuve tangible de ‘procédures adéquates’ au sens de la loi », insiste l’avocat. Un simple déjeuner d’affaires, un cadeau de fin d’année à un partenaire commercial, une invitation à un événement sportif : autant de pratiques courantes qui doivent désormais être documentées, justifiées et encadrées par des règles internes claires.
lanceurs d’alerte : Protection renforcée
Le dispositif s’accompagne d’un volet protecteur pour ceux qui dénoncent les pratiques illicites. Me Yousuf Ali Azaree rappelle que l’article 46(2) du FCC Act offre des garanties substantielles : « Aucune poursuite civile ou pénale ne peut être intentée contre une personne qui fait une divulgation honnête. Elle est également protégée contre toute mesure disciplinaire ou représailles de la part de son employeur. »
Cette protection couvre les signalements liés à la corruption, au blanchiment ou à la fraude, et vise à lever les freins qui empêchent souvent les témoins de crimes financiers de s’exprimer. Un signal envoyé tant aux employés qu’aux directions : la culture du silence n’est plus une option.
Pour Me Yousuf Ali Azaree, ces directives marquent une rupture.
« Les guidelines de la FCC ne sont pas de simples conseils, mais une composante à part entière du cadre légal. Toute organisation qui souhaite éviter des risques juridiques et financiers doit les considérer comme contraignantes », conclut-il.
Le tissu économique mauricien entre dans une nouvelle ère de compliance. Les organisations qui n’ont pas encore entamé leur mise en conformité jouent désormais contre la montre. Car au-delà des sanctions financières, c’est leur réputation et leur capacité à faire des affaires qui sont en jeu dans un environnement où la traçabilité et la transparence deviennent la norme.

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