
À Maurice, des tonnes de fruits et légumes finissent à la poubelle pour des raisons purement esthétiques. « Les fruits et légumes ‘moches’ jouent un rôle significatif » dans le gaspillage alimentaire mauricien, observe la Dr Daya Goburdhun, professeure associée en sciences et technologies alimentaires à la Faculté d’agriculture de l’Université de Maurice. « Des taches, des brûlures, ou des formes irrégulières suffisent à les rendre ‘invendables’ aux yeux des distributeurs, consommateurs, hôtels et supermarchés, alors qu’ils sont parfaitement comestibles. »
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Depuis 2018, les recherches menées dans le cadre des initiatives Food Loss et Food Waste Reduction and Recovery montrent que le gaspillage alimentaire est aggravé par un manque criant d’information. Une méconnaissance qui génère, selon la chercheuse, « une consommation peu responsable » et aux multiples facettes.
Pour y remédier, l’Université de Maurice (UoM) mise sur l’éducation avec le projet Food Literacy & Sustainable Nutrition (FOLSUN). L’initiative entend développer « une éducation complète sur les pratiques alimentaires durables et saines » à travers des ateliers, des campagnes d’information et des formations pratiques axées sur la planification des courses ou encore la conservation des restes. L’idée est simple : apprendre à acheter, stocker et consommer différemment pour éviter le gaspillage.
Le programme s’attache à développer des compétences précises. « Les consommateurs apprendront à lire et comprendre les dates de consommation sur les étiquettes, ainsi que la durée de conservation des aliments », détaille la chercheuse. Objectif : aider les Mauriciens à faire des choix éclairés, autant sur la valeur nutritionnelle que sur la durabilité des produits.
FOLSUN va plus loin, en abordant aussi la question des portions adaptées et de la planification des repas. Pour accompagner les foyers, un outil concret est déjà disponible : un guide gratuit de recettes originales, Valorising food leftovers and imperfect fruits and vegetables, qui rassemble 45 idées pour redonner vie aux restes et aux produits imparfaits.
L’innovation de FOLSUN, c’est sa vision globale. « Une alimentation responsable, basée sur des produits locaux, de saison, frais et peu transformés, permet de réduire le gaspillage alimentaire en favorisant des achats adaptés et en valorisant l’économie locale », insiste la Dr Goburdhun. Mais cette démarche a aussi un autre effet : elle « contribue également à prévenir les maladies non transmissibles (MNT), telles que l’obésité, le diabète et les maladies cardiovasculaires, en limitant la consommation d’aliments ultra-transformés riches en sucres, graisses et additifs ».
Le lien entre gaspillage et santé publique devient évident. « Plusieurs études scientifiques ont montré que la consommation d’aliments ultra-transformés présente des effets néfastes sur la santé, notamment les MNT et certains cancers », rappelle la chercheuse. Et de souligner l’importance de la gestion des portions : consommer les bonnes quantités, ni trop ni trop peu, permet d’éviter la surconsommation et ses dérives.
Miser sur le compost et les communautés
La lutte contre le gaspillage ne s’arrête pas à l’assiette. FOLSUN développe des partenariats avec des entreprises spécialisées dans le compostage afin de promouvoir des solutions simples et peu coûteuses pour recycler les déchets alimentaires. La collaboration avec l’ONG FALCON, par exemple, encourage la mise en place de systèmes de compostage à domicile ou au sein de petites communautés. Une approche « systémique », comme la décrit la Dr Goburdhun, qui passe aussi par « la formation des producteurs, planteurs, distributeurs et consommateurs, afin d’optimiser les quantités achetées et stockées ».
Mais le projet ne se limite pas à une démarche académique. FOLSUN entend toucher le plus grand nombre grâce à la mobilisation des écoles, des associations, des entreprises et des communautés locales. Les réseaux sociaux deviennent un relais essentiel, avec « des campagnes digitales avec défis, astuces et témoignages pour toucher un public plus large ».
L’ambition est claire : transformer la lutte contre le gaspillage en un effort collectif. « Nous ne pouvons pas agir seuls. C’est pourquoi nous lançons un appel à la participation de tous : particuliers, entreprises alimentaires ou non, ONG et gouvernement », plaide la chercheuse. « Ensemble, nous pouvons avoir un impact significatif et durable. »
Un webinaire ce lundi
À l’occasion de la Journée internationale de sensibilisation aux pertes et gaspillages alimentaires, célébrée ce lundi 29 septembre 2025, la Faculté d’agriculture de l’UoM organise un webinaire de 13 h à 15 h 30 réunissant des experts internationaux et locaux. Ce rendez-vous virtuel vise à sensibiliser, partager des solutions concrètes et encourager une action collective pour réduire les pertes et gaspillages alimentaires, tant à l’échelle locale qu’internationale, afin de construire un avenir plus durable et sécurisé sur le plan alimentaire.
Bon à savoir
Maurice vise 50 % de gaspillage en moins d’ici 2033
Le gouvernement vise une réduction de 50 % du gaspillage alimentaire dans la distribution et la consommation d’ici 2033, en ligne avec l’objectif ODD 12.3 des Nations unies. L’année 2023 a été choisie comme référence pour mettre en place une méthodologie et un suivi standardisé.
Pour atteindre ce but, plusieurs mesures sont prévues : une Stratégie nationale sur les pertes et gaspillages alimentaires, des incitations aux dons et à la redistribution des denrées, des campagnes de sensibilisation, ou encore des réductions en supermarché sur les produits imparfaits ou proches de la date de péremption.
Le gouvernement explore également des projets innovants pour valoriser les excédents : production de farine d’insectes ou transformation des sous-produits en engrais, des initiatives qui combinent durabilité et économie circulaire.

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