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Lucinda Guillaume…à cœur ouvert 

S’affirmer et parler à cœur ouvert de son vécu en tant que fille, femme, maman, compagne et employée… Lucinda Guillaume s'est livrée à Le Dimanche/L’Hebdo à l’occasion de la Journée internationale des femmes observée ce mercredi 8 mars.

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C’est aujourd’hui, à l’âge de 36 ans, que Lucinda Guillaume, née à Rodrigues, révèle qu’après la séparation de ses parents, elle a construit sa vie sur le seul désir de fonder un jour sa propre famille. « J’avais cinq ans lorsque ma mère est partie du foyer conjugal pour venir vivre à Maurice. Je suis restée avec mon père à Rodrigues. Deux ans plus tard, je suis venue vivre avec ma maman. Elle avait reconstruit sa vie. J’en ai voulu à mon père de m’avoir laissée partir », confie-t-elle, des larmes aux yeux. 

Si elle s’adapte facilement auprès de son beau-père, la séparation avec son père lui est amère. D’autant qu’elle n’a plus la liberté de vie dont elle jouissait à Rodrigues. Elle est toutefois contente de retrouver son frère aîné avec lequel elle s’amuse à grimper aux arbres et à faire ces autres folies de l’enfance. Au fil des années, sa mère donne naissance à d’autres enfants. Lucinda a désormais deux frères et trois sœurs.

Après le primaire, elle intègre le Lycée de Beau-Bassin. En situation précaire et n’excellant pas dans les études, Lucinda abandonne l’école après le Grade 8 (ex-Form II). Elle parle pourtant très bien l’anglais et le français. Comment cela se fait-il ? « En imitant les personnages dans les films pendant des années et des années, j’ai fini par chopper leur accent et maintenant je me la joue comme les stars ! » répond-elle dans un éclat de rire. 

En anticipant infatigablement ce que je pouvais faire pour plaire aux autres, j’étais également prisonnière du regard des autres»

Sa mère l’inscrit à des cours de coiffure et de couture. « J’en ai fait un peu ici et là. À 18 ans, j’ai commencé à travailler comme machiniste dans une usine et j’y suis restée pendant deux ans. » Par la suite, elle exerce comme coiffeuse, puis « baby-sitter », empaqueteuse. Elle enchaîne les petits boulots. 

En 2005, elle fait la connaissance d’un peintre en bâtiment. De cette histoire d’amour naît son premier enfant. Trois ans plus tard, sa relation de couple bat de l’aile. Un bébé sur les bras, elle trouve refuge chez sa grand-mère. Livrée à son sort, elle travaille comme femme de ménage à Port-Louis pour subvenir aux besoins de son enfant.

Deux ans après, Lucinda décide de se donner une seconde chance en amour. De cette relation naît son deuxième enfant. Mais encore une fois, sa relation amoureuse ne dure pas. Avec ses deux enfants, la jeune mère célibataire revient vivre auprès de sa maman. Pour gagner sa vie, elle cumule des heures et des heures de boulot. Et elle « trace » pour élever ses enfants et faire de sorte qu’ils ne ressentent pas l’absence de cette figure paternelle. 

Un appel téléphonique change sa vie. « J’ai composé le numéro de Kevin en pensant que c’était mon oncle Kevin. Quand je lui ai dit que j’étais Lucinda, lui pensait que c’était Lucinda, son ex-belle-sœur. Au final, on a bien ri de cette confusion qui a fini en une belle histoire d’amour et la naissance de mon troisième enfant. Cela fait 12 ans que nous sommes ensemble », indique Lucinda.

« Happy ending » à l’horizon

Alors, a-t-elle pu se marier et fonder cette famille dont elle rêve depuis toute petite ? 

« Non, pas encore. Mais c’est pour bientôt. Nous avons des projets en cours. Je pense que la vie s’ouvre enfin à moi avec de bonnes choses. »

Elle confie que ses précédentes relations ont pris fin justement parce que ses anciens partenaires ne voulaient pas entendre parler de mariage. « La mo panse apre 12 an ansam, mariaz inevitab. Nek li bizin kontan mwa enn tigit plis ki li pas letan ek so bann kamarad. Lerla korek. Mo rev lakaz ek mariaz pou enfin realize. Zanfan nou deza ena », dit-elle en riant.

En tant que femme qui a connu plusieurs moments difficiles, Lucinda ne nie pas que depuis la séparation de ses parents, elle a recherché cet amour fusionnel. Mais aussi ce regard affectueux d’un compagnon de vie qui l’aimerait suffisamment pour se marier et fonder une famille. « Là, c’est enfin le bon. » 

Comment a-t-elle fait face à ses souffrances ? « Pendant longtemps, j’ai tenu rancœur à mon père de m’avoir laissée quitter Rodrigues. Il ne m’a pas retenue. Mais aussi à ma mère, d’avoir quitté mon père. Enfant, j’ai mal vécu tout cela. Cela a suscité en moi la peur d’être abandonnée à chaque fois que je construisais des amitiés et des amours. »

D’ailleurs, Lucinda n’a pas d’amis. C’est son chien Tommy qui est son plus grand confident lorsqu’elle met des mots sur les maux dont elle ne peut parler à personne. « Li konn tou », dit-elle avec le sourire. 

En amour, elle n’avait eu, jusque-là, que des déceptions et des « relations destructrices ». En raison de cette peur de l’abandon, elle a accepté bien des choses : humiliations, insultes… Et des coups, parfois, rien que pour une minute de bonheur où on lui accorderait de l’importance. « En anticipant infatigablement ce que je pouvais faire pour plaire aux autres, j’étais également prisonnière du regard des autres. Dans les conflits, il y avait des coups durant les accès de colère en raison des caractères différents. Chacun voulait avoir raison pour des futilités. C’était dur. Maintenant, j’ai appris à me défendre. Et maintenant, j’ai toujours le dernier mot. » 

Aujourd’hui, je revendique mes droits et je me fais respecter en tant que fille, femme, maman, compagne et employée»

Un jour survient le déclic. Lucinda prend conscience qu’elle gâchait sa vie à cause de ces failles, ces blessures en elle. Alors, elle s’est demandé ce qu’elle pouvait faire pour être heureuse. 

« J’ai réalisé que je n’ai jamais baissé les bras malgré les aléas de la vie. En acceptant mes choix et en prenant du recul, cela a été plus facile pour moi de gérer mes souffrances, sans les attribuer aux autres. Et c’est ce qui m’a permis d’avancer dans la vie pour me reconstruire. Aujourd’hui, ma vie, telle que je la veux, s’ouvre à moi », soutient la jeune femme. 

Cela lui a aussi donné du courage pour aller de l’avant. Un courage qu’elle a également puisé dans les conseils que lui avait donnés un jour une dame chez qui elle travaillait comme femme de ménage. « En me remerciant pour mes services, elle m’avait dit : ‘quoi qu’il t’arrive dans la vie, ne baisse jamais les bras’. Et à chaque fois que je traversais des moments difficiles, ses mots résonnaient dans ma tête. Cela me motivait à garder un mental fort pour aller de l’avant. »

Si sa foi en Dieu l’aide à croire en un avenir meilleur, elle révèle avoir « comme tout le monde » des moments de solitude. « Sans doute, c’est la petite fille brisée par la séparation de ses parents et qui a été arrachée à sa terre natale qui se manifeste à l’intérieur de moi. Mais tout ce que j’ai enduré m’a beaucoup appris sur moi-même. Aujourd’hui, je revendique mes droits et je me fais respecter en tant que fille, femme, maman, compagne et employée. »

En partageant son histoire, Lucinda indique que son message à l’occasion de la Journée internationale des femmes est que quoi qu’elles subissent en ce moment ou qu’elles aient subi dans le passé, il n’est jamais trop tard pour se reconstruire une vie accomplie. « Vouloir, c’est pouvoir. » Elle en est intimement convaincue.

 

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