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Loi sur l’enrichissement illicite: duel musclé entre Bhadain et Bizlall

Le face-à-face entre le ministre de la Bonne gouvernance Roshi Bhadain et Jack Bizlall, syndicaliste et militant anticorruption, a tenu toutes ses promesses. Le ton et la température ont pris  l’ascenseur à plusieurs reprises dans le studio de Radio Plus, samedi dans l’émission « Au Cœur de l’Info », où les arbitres étaient Nawaz Noorbux et Jugdish Joypaul.

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Roshi Bhadain et Jack Bizlall ont croisé le fer en direct sur le Good Governance and Integrity Reporting Bill et les amendements constitutionnels que propose d’apporter le gouvernement pour permettre la saisie des biens des citoyens ne pouvant expliquer l’origine de leur fortune. Le débat a été très animé et le ton entre les deux hommes est monté en plusieurs occasions. Pourtant, tout avait bien commencé, Jack Bizlall et Roshi Bhadain indiquant qu’ils se connaissaient depuis un bon moment et qu’ils s’appréciaient même. Puis, dans le feu de l’action, les deux hommes, deux escrimeurs de premier plan, ont de temps à autre abandonné le ton conciliant. C’est une histoire d’interruptions, l’un accusant l’autre de lui couper la parole, qui a fait voler en éclats la cordialité sur le plateau. À un moment, Jack Bizlall a même lancé : « Laissez-moi dire à Bhadain... Je l’appelle Bhadain maintenant, et non Roshi. Je dois prendre un peu de distance, car zafer la pe vinn so. » Mais Roshi Bhadain ne s’est pas laissé faire non plus : « Il est bon que Jack apprenne malgré son âge… » Même durant les pauses publicitaires, les deux hommes, emportés par leur élan, ont continué à guerroyer verbalement. Puis, à la fin de l’émission, Nawaz Noorbux leur a posé la question: « Êtes-vous toujours amis ? » À cela, Roshi Bhadain a répondu : « Bien sûr ! » Jack Bizlall a, lui, répliqué « Pa sitan sur le principe de la Constitution ». Tout laissait quand même penser qu’ils allaient se quitter bons amis, mais ils en ont vite remis une couche, l’un demandant à l’autre ce qu’il avait « accompli » durant sa carrière et l’autre répliquant que son interlocuteur a dû « courber l’échine ». Mais rassurez-vous, ils ont quitté les locaux de Radio Plus après avoir échangé une poignée de mains. Les quelques clichés que nous publions décrivent mieux que les mots l’ambiance régnant sur le plateau de Radio Plus samedi...

Les craintes de Jack Bizlall

Pour Jack Bizlall, les effets néfastes de cette législation se feront toujours sentir dans les années à venir. Il s’oppose à la façon dont l’article 8(a) de la Constitution sera amendé et aurait préféré, à la place, une nouvelle Constitution, dans le cadre d’une Seconde République. Dans son combat contre la fraude et la corruption, le gouvernement, selon lui, aurait pu atteindre ses objectifs en renforçant les lois existantes. Le Good Governance and Integrity Reporting Bill pourrait être contesté en Cour suprême et ensuite au Privy Council. Plusieurs catégories de professionnels pourraient voir la confiscation de leurs biens. La loi pourrait être utilisée comme « outil politique » par le gouvernement. « Ce n’est pas moi, mais Ivan [Collendavelloo] qui a dit que premier dimunn ki pou gayn tasser, c’est PTr. » Il s’est aussi appuyé sur le fait que certains pouvoirs seraient retirés des mains du Directeur des poursuites publiques pour être placés entre celles d’une autre institution. Pour lui, le gouvernement pourrait manipuler les institutions à travers les personnes qu’il a nommées pour les diriger. Il pense également que cette loi pourrait être utilisée comme « arme » par le MSM pour « éliminer légalement » ses adversaires sur la scène politique. Une telle législation serait une aubaine pour tout gouvernement en proie à une dérive totalitaire.

Les assurances de Roshi Bhadain

Il n’y a aucun risque de dérive ou d’abus potentiel pour la bonne et simple raison, selon lui, qu’aucun pouvoir n’est concentré entre les mains de l’exécutif. « C’est un board dirigé par un ex-juge du Common-wealth qui décidera s’il faut réclamer un ordre de saisie. La demande devra être faite devant un juge des référés. C’est ce dernier qui accèdera ou pas à cette demande. C’est lui qui décidera de la suite à donner à cette affaire. Et au cas où il ne peut prendre de décision, il devra porter l’affaire en Cour suprême. Et la personne incriminée pourra même faire appel au Conseil privé, si elle n’est pas satisfaite avec le verdict de la justice mauricienne », a souligné Roshi Bhadain. Une telle loi, selon le ministre, ne peut être utilisée comme un outil politique, car l’agence (Integrity Reporting Services Agency) ne sera habilitée qu’à réclamer, à travers une correspondance, une explication à une personne sur la provenance de ses biens. « Surtout que cette personne peut choisir de ne pas répondre », a-t-il souligné. Si l’agence veut nuire à un individu, tout ce qu’elle « peut faire », c’est lui écrire une lettre pour lui demander des explications sur ses richesses. « C’est tout. Pour la saisie des biens, une demande en cour est indispensable. Et c’est le juge des référés qui tranchera. Pena okenn fason ena abus. Tou seki Jack inn dir, li pe fer demagozi », a souligné le ministre de la Bonne gouvernance.


 

Bhadain explique les amendements

Il y a eu trois amendements initiaux au Good Governance and Integrity Reporting Bill (nominations au sein de l’Integrity Reporting Services Agency et l’Integrity Reporting Board faites par le Président ; seuil de Rs 10 millions à partir duquel un ordre de saisie peut être demandé ; validité d’un ordre de saisie de 6 semaines). Roshi Bhadain a expliqué les trois autres modifications que le gouvernement entendait apporter. « En premier, il était prévu qu’une personne ne respectant pas le délai de 21 jours pour répondre à l’agence soit punie. Ce délit a été enlevé. La personne concernée pourra s’expliquer par voie d’affidavit. En cas de refus, l’agence pourra faire une demande auprès d’un juge pour un disclosure order », a-t-il déclaré. L’autre amendement concerne la rétroactivité de sept ans. « Contrairement à ce qu’on pensait, elle ne sera pas restreinte à 2009 à partir de l’adoption de ce projet de loi, mais évoluera chaque année. En 2050, par exemple, la loi concernera les avoirs acquis depuis 2043 », a précisé le ministre. Le dernier amendement concerne un bâtiment construit avec de l’argent illicite sur un terrain acquis en toute légalité. « Le juge pourra émettre un unexplained wealth order touchant uniquement la partie représentant la valeur des biens inexpliqués », a déclaré Roshi Bhadain.

Bizlall réclame

Jack Bizlall demande un amendement à la Constitution afin de définir les quatre types de propriétés à Maurice afin d’avoir de meilleurs paramètres de contrôle. Il dit aussi avoir déposé, au ministère de la Bonne gouvernance pour enquête, trois dossiers relatifs à des personnes soupçonnées de s’être enrichies illégalement. Il a aussi évoqué une lettre qu’il a envoyée au Secrétaire au Cabinet en avril 2010 pour dénoncer la distribution des terres de l’État au profit de personnes proches du pouvoir. « Je regrette qu’il n’y ait pas eu de suite », a-t-il souligné. Enfin, il réclame une enquête sur un parlementaire qui aurait acheté une dizaine de terrains et sur la clinique MedPoint.


 

Les autres thèmes

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Arrestation de Shakeel Mohamed

Roshi Bhadain a explicité ses propos tenus en conférence de presse mercredi. « J’ai répondu en mon nom personnel lors de la conférence de presse à la question d’un journaliste. J’ai dit que c’est absurde de venir dire qu’une personne peut fuir la justice alors qu’elle est un député et participe aux travaux de l’Assemblée nationale chaque mardi. Cela ne fait pas trop de sens. J’ai dit que nous allons éliminer les accusations provisoires pendant notre mandant. » Quant à Jack Bizlall, il soutient que cette arrestation « est l’occasion de faire une enquête approfondie sur l’affaire  Gorah-Issac ».

Assirvaden: «L’arrogance de Bhadain»

Le président du PTr estime que le ministre de la Bonne gouvernance a fait preuve « de grande arrogance » lors du débat sur Radio Plus. « Il croit tout savoir, mais s’est retrouvé sur la défensive », a déclaré Patrick Assirvaden. Interrogé, Paul Bérenger a dit ne pas avoir écouté le débat, tout comme ses lieutenants d’ailleurs. Ils étaient tous pris par la conférence de presse hebdomadaire.

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Critiques contre la police

Le ministre Roshi Bhadain soutient qu’il a « beaucoup de respect pour le Commissaire de police », qui est « un professionnel ». Il affirme aussi que l’ACP Heman Jangi « fait son travail » et qu’il ne peut « lui faire un procès d’intention ». Il précise aussi qu’il n’a « pas évoqué » le chef du Central CID lors de la conférence de presse de mercredi aux côtés du ministre Showkutally Soodhun. [padding-p-1 custom_class=""][/padding-p-1]

Vote du GGIRB

Jack Bizlall a demandé un vote libre sur le Good Governance and Integrity Reporting Bill. Roshi Bhadain a exprimé sa certitude que ce projet de loi sera adopté par l’Assemblée nationale et que le gouvernement obtiendra les trois quarts requis pour amender la Constitution. « Eski bann parlementaires pas pou vote ene la loi ki pou develop pays ? Zot pou bizin vote. » Et de souligner qu’il va demander une division of votes. [padding-p-1 custom_class=""][/padding-p-1]

« Lois archaïques »

Roshi Bhadain a annoncé que « la loi sur la sédition sera revue […] ». Et d’ajouter : « Il y a des lois archaïques, comme celles sur la sédition, la diffamation criminelle et scandalising the Court. D’autres pays les ont abolies. Qu’est-ce qu’un gouvernement doit faire ? Les laisser ? Il faut les enlever. Il faut amender le code pénal. » Il a aussi soutenu que « des réformes sont nécessaires au niveau des charges provisoires ». Il a posé la question suivante : « Eski ena zournalis ou avoca inn arete par lapolis depi desam 2014 ? » Et de donner la réponse : « Non ! » [padding-p-1 custom_class=""][/padding-p-1]

Constitution

Pour Jack Bizlall, « il ne faut pas jouer » avec la Constitution de Maurice. Jack Bizlall : « Ne touchons pas à la Constitution sans passer par une nouvelle Constitution. On ne doit pas l’amender pour protéger les intérêts des uns. Je vais me battre contre cette tentative. Je ne suis pas un militant de salon, vous allez me retrouver sur le terrain », a-t-il lancé. Pour Roshi Bhadain, une Constitution « ne doit pas entraver » le développement d’un pays. C’est la raison, a-t-il dit, pour laquelle beaucoup de pays n’ont pas de Constitution écrite. « Une Constitution n’est pas une Bible. [...] Ce n’est qu’un document que les Britanniques nous ont laissé », a-t-il déclaré pour justifier la décision du gouvernement de modifier la Constitution afin d’inclure « une autre dérogation » permettant à l’État de récupérer les biens d’un citoyen.

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