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Livre : un reporter, trois femmes et un suicide mystérieux

Une jeune femme, soupçonnée de meurtre,  s’éprend d’un journaliste d’investigation qui enquête sur elle. Un trait qui caractérise l’ensemble des œuvres littéraires de Yoga Serge Palan. Publié en 2009, « Speranza-Fortuna » montrait un auteur au style particulier, déconcertant, mêlant fiction et réel.

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Serge Palan est attachant, solitaire, avec parfois des accents désespérés. Dans ses livres, on a l’intime conviction que le narrateur et lui font corps. Il s’empare des endroits connus, dont il cite les noms, il nomme les voitures, des parents, avec leurs professions réelles, afin de donner de la substance à ses récits. Il s’égare souvent dans des évocations philosophiques, des pans de l’histoire de Maurice, mais précise parfois les dates et les faits. C’est le style de Palan, qui déconstruise sans ambages les codes narratifs pour élaborer sa propre logique.

Voilà donc Sana-Jana, grand reporter à Hebdo-News, qui se voit confier une enquête sur la mort mystérieuse d’un homme dans le domicile d’une belle femme franco-mauricienne. Le lecteur, s’il souhaite plonger dans ce roman, doit mettre de côté toute sa culture littéraire pour décrypter le style Palan. 

On ne cessera de le dire : les filles, sous la plume de Palan, sont toujours de belles plantes, qui s’entichent de lui, bravant leurs communautés, les regards, les tabous. À sa première rencontre avec Janice-Jorice Jasmin de Jamain, richissime héritière de la bourgeoisie franco-mauricienne, celle-ci le tutoie sans ménagement. Déjà, il reçoit notre enquêteur en short et débardeur. Elle est déjà sous le charme de celui qui revendique régulièrement dans ses romans, ses racines dravidiennes. Et la belle dame lui invite à faire trempette dans les eaux du littoral nord, non sans lui avoir acheté un maillot. Un copieux repas s’ensuit : viande rôtie, salade de laitue, marinade de poulet, pain.

Pour le descriptif, Sana-Jana est dithyrambique devant « une beauté si prononcée, une physionomie si sympathique, des traits ciselés et frappant l’attention. Comme si une comédienne du grand écran en cinémascope et technicolor avait tout à coup décidé de se matérialiser sur une côte du nord, dans une île nommée Maurice ». Mais Sana-Jana, non plus, n’est pas mal, même s’il « se voyait inférieur en race, comparé à la jeune Blanche ». N’est-il pas « doté d’un physique grand, élancé, musclé par des exercices physiques presque quotidiennes. Un visage non ingrat de descendant ‘dravidien’, fier de sa dignité humaine ? » Voilà de quoi faire jeu égal à la jeune Blanche.

La suite est tout autant improbable que la rencontre entre les deux protagonistes que tout oppose. On pouvait penser que la jeune Franco-Mauricienne était le principal élément féminin du récit. Nenni, une troisième femme — je ne vous ai pas parlé de la belle Jemimma, la belle ‘métisse’, secrétaire de direction du journal où travaille Sana-Jana, qui est secrètement amoureuse de Palan —, Speranza-Fortuna, autre métisse, celle-là Italo-Mauricienne et qui donne son nom au livre. Il va de soi qu’elle aussi craque pour notre journaliste en un temps record.

Le reste de l’histoire, qui avait pris des allures d’un de ces romans chers à Guy des Cars, prendra une tournure inattendue et surréaliste. Tout le secret de Palan tient à sa capacité de retourner les situations et toujours soucieux de raccourcis.

Au décryptage du récit, l’on se rend à l’évidence que l’histoire tourne autour d’une seule personne, Sana-Jana, dont le narrateur s’est employé à le glorifier par l’entremise de ses personnages féminins. Sans doute, une lecture psychanalytique aurait permis de mieux éclairer cette démarche.

Speranza-Fortuna, de Yoga Serge Palan,
(208 pages)
Éditions de la Tour

 

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