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Livre : des Mauriciens aux cotés des ‘Poilus’ dans la Première Guerre mondiale

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Il existe encore une génération de Mauriciens qui a participé à la Seconde guerre mondiale, la plus connue de toutes les guerres à Maurice. Mais qui se souvient de la Première guerre mondiale, alors que des Mauriciens y sont allés avec une profonde conviction pour combattre le ‘Boche’ ? Christine Chompton-Ahnee et Christine Renard dressent l’inventaire de ces Mauriciens qui ont participé à la « sale guerre » dans un livre à paraître, intitulé « Les Mauriciens dans la Grande Guerre, 1914-1918 ».

La statue, sculptée dans le bronze, située devant le collège Royal de Curepipe, est celle de deux soldats d’égale dimension et de grade, brandissant une couronne de fleurs. Tous les ans, à la date du 11 novembre, une cérémonie réunissant des officiels de l’État mauricien et une poignée d’ambassadeurs viennent déposer des fleurs aux pieds de ces deux soldats inconnus, dans une certaine indifférence. C’est le jour de l’Armistice, commémorant la fin de la Première guerre mondiale, le premier conflit mondial armé de tous les temps, auquel des Mauriciens ont participé.

L’ouvrage, parti d’un projet pédagogique intitulé L’Île Maurice et la Grande Guerre, a fini par devenir, selon les mots de leurs auteures, « un véritable chantier historique révélant des documents oubliés, éparpillés et parfois inédits, permettant d’éclairer un pan assez méconnu de l’histoire mauricienne ». Pourquoi cet oubli ? Sans aucun doute parce que, d’une part, la Seconde guerre mondiale, en raison de sa nature et de son envergure, a fini par occulter la Première et, d’autre part, il reste encore des Mauriciens qui ont participé à ce deuxième conflit mondial du XXe siècle. Enfin, et c'est sans doute le facteur le plus déterminant, l’immense bibliographie, autobiographie et autres archives permettent encore de mettre en relief la nature particulière de la Seconde Guerre mondiale. Et pourtant, c’est bien dans la Première guerre mondiale que se nichent les germes de la Shoah.

Le soldat Victor Momphlait, de l’armée australienne.
Le soldat Victor Momphlait, de l’armée australienne.

 

Raoul Ferrat, engagé dans l’armee francaise.
Raoul Ferrat, engagé dans l’armee francaise.

 

Assassinat de l’archiduc autrichien

Ce premier conflit mondial n’a jamais aussi bien porté son nom. C’est l’assassinat de l’archiduc autrichien François-Ferdinand par un jeune Serbe nationaliste, le 28 juin 1914, qui déclenche d’abord une grande crise diplomatique entre l’Autriche-Hongrie et la Serbie. Puis, à cause des alliances passées entre différentes puissances européennes, la crise se mue en conflit armé, se généralise et engage des pays coalisés. L’effort de guerre est exigé partout où se trouvent des colonies. Parmi elles, l’île Maurice, colonie anglaise mais où vit une importante communauté française encore fidèle à la France. Celle-ci est l'alliée de l’Angleterre et de la Russie dans la Triple Entente, en guerre  contre la Triplice, réunissant l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie.

Les Mauriciens sont-ils de tout cœur aux cotés de la Triple Entente’dans une guerre qui ne paraît pas les concerner ? C’est là où le travail de documentation des deux auteures prend toute sa dimension pour faire apparaître un élan patriotique commun au sein de toutes les communautés de l’île.  Dès l’entrée en guerre du Royaume-Uni contre l’Allemagne, des milliers de Mauriciens se présentent devant l’Hôtel du Gouvernement en scandant : « Vive l’Angleterre, vive la France, vive la Russie ». La foule se rend ensuite devant le consulat de France et celui de Russie. Quelques-uns veulent aussi manifester devant les consulats d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie, mais ils en sont dissuadés.

Allégeance aux Alliés

La solidarité ne souffre d’aucune défaillance : toutes les communautés de l’ile démontrent leur allégeance aux Alliés. Commerçant et conseiller municipal à Port-Louis, Goolam Mohamed Issac, décoré par le sultan turc Mehmed V, écrit : « Nous n’avons, nous mahométans de Maurice, que des affinités religieuses avec la Turquie, mais il ne s’agit pas de religion dans la circonstance et nos devoirs de citoyens de la grande et magnanime Albion doivent primer sur tout. » L’appel de Goolam Mohamed Issac trouve un écho favorable auprès de plusieurs personnalités indo-mauriciennes.

Le 20 septembre 1914,  celles-ci sont rassemblées au théâtre de Port-Louis, et la plus éminente d’entre elles, Boodhun-Lallah, premier avocat indo-mauricien, déclare : « (…) N’oublions pas, Messieurs, que l’Angleterre défend une juste cause, elle ne cherche pas à s’agrandir (…). Elle cherche à protéger le faible contre celui qui, méconnaissant toutes les lois humaines établies jusqu’ici, a traîtreusement  envahi les territoires neutres et commet des atrocités sans nom. »

Combattants volontaires ou appelés au service militaire, les Mauriciens sont présents dans tous les forces terrestres, navales, le génie, l’aviation et la santé, et partout. On sait que ce sont des Franco-mauriciens ou Français d’origine mauricienne qui sont affectés dans ces services, grâce à la documentation rassemblée  par les auteures, les autres communautés ne portant, elles que des noms de familles.

« La barbarie scientifique »

Manuel Arpadon Antony, engagé dans le Mauritius Labour Battalion.
Manuel Arpadon Antony, engagé dans le Mauritius Labour Battalion.

La Première guerre mondiale a été le premier conflit où les agresseurs ont fait usage d’armes terribles. Au chapitre intitulé Les horreurs de la guerre, le capitaine Maurice Huillard donne une idée de qu’il appelle « la barbarie scientifique ».

« Les armes nouvelles, fusils à répétition, canons à tir rapide, mitrailleuses automatiques, semaient la mort avec une rapidité foudroyante (…) On voyait, sous la faux invisible des balles, tomber les rangées d’hommes comme les épis mûrs oscillent et s’affaissent devant le geste du moissonneur (…) Notre agresseur ne devait pas s’arrêter là (…) Ce furent les lance-flammes et les gaz suffocants et vésicants… » Pourtant, une vingtaine d’années plus tard, le monde allait connaître sa période de barbarie la plus extrême lorsque ces mêmes ‘Boches’, devenus nazis, mettront au point leur «  solution finale » pour exterminer, Juifs, Noirs, Tziganes et homosexuels.

Bien que le sort des Mauriciens durant la Première guerre mondiale n’a pas ressemblé à celui des tirailleurs sénégalais, il convient de saluer leur volontarisme et engagement, l’île étant si éloignée des lieux du conflit. L’ouvrage de  Christine Chompton-Ahnee et Christine Renard a justement ceci de particulier qu’il fait ressortir la capacité d’une population hétérogène à se fédérer autour d’une cause juste.

Les Mauriciens dans la Grande Guerre 1914-1918, de Christine Chompton-Ahnee et Christine Renard (205 pp)
Publiée par Éditions VIZAVI

 

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