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Liseby Elysé, originaire de l’île de Peros Banhos : un retour aux Chagos après un demi-siècle d’exil

Liseby Elysé, 71 ans, accoudée avec fierté à un mur orné d’une fresque éclatante, contemple un passé gravé dans la mémoire collective : celui de la vie autrefois paisible sur l’archipel des Chagos.

À 71 ans, Liseby Elysé, Chagossienne native de l’île de Peros Banhos, rêve enfin de fouler à nouveau la terre qui l’a vue naître. Elle avait à peine 20 ans quand elle a été déportée à Maurice, arrachée brutalement à son île, à sa vie douce et paisible. Alors que l’annonce de la reconnaissance de la souveraineté mauricienne sur les Chagos est tombée, une nouvelle lumière brille dans ses yeux fatigués par des décennies de lutte. « La première chose que je ferai sera de me jeter dans l’eau et de nager », confie-t-elle avec un sourire empreint de nostalgie.

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« La vie était belle aux Chagos. On avait tout en abondance. Tout était frais, nous ne mangions même pas de sel », se souvient-elle avec tendresse. Peros Banhos était pour la septuagénaire un havre de paix, un monde où chacun avait sa maison, son jardin et son travail. Une île où tout était cultivé et partagé, loin du tumulte du monde extérieur. « Chacun avait sa tâche, sa maison. La vie était douce », se remémore-t-elle. Mais cette douceur, elle l’a perdue le jour où elle a embarqué sur ce « bateau maudit », qui l’a amenée à des milliers de kilomètres de chez elle. C’était en 1965… 

Quatre jours de martyr

Liseby Elysé n’oubliera jamais ce jour. Le voyage vers Maurice a été son pire cauchemar. « Le bateau a mis quatre jours pour arriver à Maurice. J’étais enceinte, mais à force de vomir à cause des secousses, j’ai perdu mon bébé », dit-elle d’une voix cassée. Une tragédie qui la hante encore. « Je pense toujours à ces moments, à ma maison, à ma famille, à mon île. Les souvenirs restent gravés à jamais », partage-t-elle.

Un combat long et acharné

Depuis son arrivée à Maurice, il y a 50 ans, Liseby Elysé n’a jamais cessé de lutter pour le droit des Chagossiens à retrouver leur terre. En 2006, elle faisait partie d’une délégation de 100 personnes qui ont visité Peros Banhos, Salomon et certaines parties de Diego Garcia. Mais cette visite, bien que poignante, n’était qu’une étape dans un combat beaucoup plus vaste. Liseby Elysé a été l’une des cinq natifs à avoir témoigné devant la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye, en 2018. « Pa ti kapav tini sa zour la. Larm lizie koule tousel », souligne-t-elle.

« Je pars immédiatement »

Aujourd’hui, après des années de résilience et de batailles judiciaires, elle accueille avec joie l’annonce de la reconnaissance de la souveraineté de Maurice sur l’archipel. « Je suis très contente d’apprendre cette nouvelle. C’est un grand jour pour nous, les Chagossiens. Si on me dit d’y aller demain, je pars immédiatement », fait ressortir Liseby Elysé. La mère de famille évoque avec émotion ses souvenirs les plus chers. « Mon meilleur souvenir, c’est quand je nageais dans la mer des Chagos. Mon chien m’avait suivie, il pataugeait dans l’eau avec moi. Je ne sais pas s’il est mort dans la mer ou ailleurs, mais ces moments, je ne les oublierai jamais », se remémore-t-elle avec tristesse.

Le rêve d’un dernier retour

Pour la septuagénaire, ce combat pour un droit de retour sur l’archipel des Chagos est bien plus qu’une simple question de justice territoriale. C’est, lâche-t-elle, une quête personnelle, voire une reconquête de son identité. « Je suis née aux Chagos, et si je le peux, je mourrai là-bas », dit-elle avec détermination. Liseby Elysé confie par ailleurs qu’elle détient le passeport britannique et a même mis les pieds en Angleterre, mais son cœur est resté dans son île. « Mes enfants vivent en Angleterre mais pas moi. Je ne veux qu’une seule chose. C’est retourner dans mon île », dit-elle. La mère de famille sait exactement ce qu’elle fera une fois de retour aux Chagos. « Une fois les pieds là-bas, je ferai d’abord le signe de la croix, je nagerai dans la mer, puis j’irai au cimetière pour prier pour mes ancêtres. Apre sa mo pou kwi en bon seraz », sourit-elle. Les mots de Liseby Elysé sont simples, mais leur profondeur trahit une souffrance et une force hors du commun. 

Gardienne de la mémoire de son peuple

Aujourd’hui, alors que l’horizon s’éclaircit pour la communauté chagossienne, Liseby Elysé reste la gardienne de la mémoire de son peuple. Elle incarne cette génération qui a tout perdu mais qui, par son courage et sa ténacité, a montré qu’on ne peut pas effacer un peuple de son histoire. « Je remercie Dieu pour l’accord entre Maurice et le Royaume-Uni au sujet de la souveraineté sur les Chagos. C’est un long combat que nous avons mené, mais nous avons enfin gagné », se réjouit Liseby Elysé. Et bientôt, peut-être, la septuagénaire pourra plonger à nouveau dans l’eau cristalline des Chagos, là où tout a commencé.

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