Il fait partie de la nouvelle génération de militants culturels, déterminés à préserver et à promouvoir leur héritage linguistique et culturel. À 28 ans, Lionel Lajoie est un fervent défenseur du kreol morisien. Il est profondément convaincu que la langue, tout comme la culture et la cuisine d’un pays, peut servir de ciment pour unir une nation, et ainsi consolider la nation mauricienne.
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Dans la lignée des héritiers de feu Dev Virahsawmy, Lionel Lajoie a récemment participé au festival « Anou mont lor lasenn » organisé en hommage à cette figure emblématique de la langue créole mauricienne (voir plus loin). Il y a présenté une pièce avec deux amis.
Si la langue a toujours fait partie de son univers, étant le fils d’un journaliste, son amour pour le kreol morisien est venu pendant ses études supérieures, lorsqu’il a découvert avec émerveillement les auteurs mauriciens, se reconnectant avec la richesse culturelle et littéraire du pays. Avant cela, il avait principalement été exposé aux auteurs étrangers mis en avant pendant ses études secondaires.
« On se plaint que les jeunes ne lisent plus, mais il faut peut-être aussi des textes à l’école qui parlent de leurs propres réalités. Ce serait beaucoup plus engageant de retrouver leur histoire dans des livres. Cela peut aussi nourrir l’amour pour son pays et être une solution au ‘brain drain’ que nous connaissons actuellement », estime le jeune homme.
C’est ainsi qu’après un BA French & Creole Studies à l’Université de Maurice, il poursuit actuellement un doctorat avec une thèse portant sur l’utilisation du Kreol Morisien dans les médias, dont le titre est : « Contact de langue et représentations en contexte plurilingue mauricien ». Pourquoi ce choix ? Lionel Lajoie, qui a fait un stage d’un an à la Creole Speaking Union, s’explique : « Les médias ont le rôle de prescripteur et de gardien de la langue. La langue est un outil essentiel pour les médias, et c’est intéressant de voir et de comprendre quelle est la place du kreol morisien, qui est en phase d’institutionnalisation. Pour le moment, il n’y a pas de prise de conscience. La langue est en retrait dans les médias. D’ailleurs, il n’y a pas de journal en kreol morisien. »
Pourtant, insiste le jeune homme, chacun doit pouvoir jouer son rôle pour faire avancer une cause. « Les intellectuels et les universitaires remplissent un rôle. Les artistes contribuent également. Mais les dirigeants et les médias doivent aussi comprendre leurs rôles », souligne-t-il.
Lui, a compris le sien. Son engagement pour la reconnaissance de la langue créole à Maurice est au cœur de ses actions et de ses recherches. « Je veux apporter ma contribution pour que le kreol morisien ait la place qu’elle mérite. C’est notre langue maternelle et nationale, utilisée par plus de 90 % de la population. A partir de ce chiffre, on peut donc penser que nos échanges se font en créole et que la plupart d’entre nous rêve en créole, visualise le monde en créole et apprend à comprendre la vie dans cette langue », affirme-t-il.
Lionel Lajoie, qui vit de sa passion, enchaînant en freelance les projets de traductions, d’écriture et de corrections, ne se contente pas de défendre la langue créole dans le cadre académique. Il est également poète et slameur, utilisant son art pour sensibiliser et inspirer. Cela fait 12 ans qu’il s’est mis à la poésie. À l’origine, il écrivait des poèmes en français. Depuis ses études, il écrit en kreol morisien.
« En essayant d’écrire un poème en créole pour la première fois, j’ai tout de suite aimé. D’ailleurs, c’est vrai ce que Nelson Mandela disait, que parler à un homme dans une langue qu’il comprend, vous touchez l’esprit, alors que parlez-lui dans sa langue maternelle, vous toucherez le cœur. Ce que j’écris en créole vient du cœur », confie-t-il.
« Kontign Larout Depi », une création originale avec ses deux amis
Lionel Lajoie et ses deux amis ont participé au festival « Anou mont lor lasenn » organisé par le Theatre, Film & Performing Arts Lab de l’Université de Maurice, en collaboration avec la Creole Speaking Union. L’événement s’est tenu du 23 au 25 juillet et les pièces présentées au festival ont rendu hommage à Dev Virahsawmy.
Inspiré du roman « Swiv La Rout Ziska » de ce dernier, Lionel Lajoie a présenté « Kontign Larout Depi ». Cette pièce originale, mêlant slam et rap, a été conçue par Lionel Lajoie et deux collaborateurs, Milan Lafleur, rappeur, et Ivans Lafleur, slameur.
Amis depuis le collège, ils faisaient partie du club de slam. Partageant le même amour pour les mots et le rap, ils ont mis leur créativité en commun pour créer cette pièce, composant cinq textes inédits inspirés du roman et qui retracent les différentes étapes de la vie.
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