Le décès de six jeunes pèlerins en route vers le Ganga Talao, le dimanche 3 mars, a plongé leurs proches dans une profonde consternation. Après les funérailles qui ont eu lieu lundi, ils peinent toujours à accepter le dur coup du destin qui s’est abattu sur eux.
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Ils avaient des projets d’avenir. Des rêves de jeunes hommes en devenir qui avaient encore tout à découvrir de la vie. Mais leur destinée, semble-t-il, était autre. Dimanche, Lavlesh Kumar Jugdhur, 18 ans, Abhay Kumar Bhoojedhun, 21 ans, Paroumal Soobrayen, 19 ans, Nilesh Mootia, 19 ans, Keshav Doomun, 20 ans, et Koovalesh Seedoyal, 20 ans, ont péri dans de terribles circonstances à Arsenal, lorsque leur kanwar a heurté une ligne du Central Electricity Board. Ce groupe de jeunes effectuaient le pèlerinage vers Grand-Bassin, dans le cadre de la fête Maha Shivratri.
Trois des six victimes nourrissaient le projet de se rendre à l’étranger pour assurer leur avenir, confient leurs proches. C’était notamment le cas d’Abhay Kumar Bhoojedhun, un habitant de Triolet. Ayant réussi aux examens du Higher School Certificate, le jeune homme avait commencé à réfléchir sur les diverses options d’études supérieures. Peu avant le drame, il avait partagé son intention de s’inscrire dans une université en Malaisie.
Quant à Lavlesh Kumar Jugdhur, il avait lui aussi tout prévu pour ses études supérieures. Bien que toujours au collège, il avait confié à ses proches ses intentions d’aller rejoindre son frère aîné au Canada. Ainsi, ils auraient partagé leur vie estudiantine dans le même pays, même si cela impliquait d’être loin de la famille. Le Canada, véritable eldorado pour de nombreux Mauriciens, représentait une opportunité en or pour Lavlesh, qui était en quête d’un avenir meilleur.
De son côté, Paroumal Soobrayen avait déjà fixé son objectif professionnel. Passionné de cuisine et du milieu hôtelier, il avait entamé les démarches pour aller travailler dans un hôtel à l’étranger. Employé au sein de l’hôtel Lux, un 5-étoiles, à Maurice, il avait expliqué à ses proches qu’il avait acquis de l’expérience dans le domaine. Vu les opportunités pour un meilleur salaire et un meilleur niveau de vie dans d’autres pays, le jeune homme voulait tenter le coup.
Il avait économisé son salaire à cette fin. « Li ti pe viz gran ek li ti pe dir bizin avanse dan lavi », relatent les proches du défunt. 2025 devait être l’année où Paroumal Soobrayen s’envolerait vers d’autres cieux, selon ses proches.
Un rescapé toujours aux soins intensifs
Les médecins légistes Sudesh Kumar Gungadin, Maxwell Monvoisin et Prem Chamane ont pratiqué les autopsies à la morgue de l’hôpital SSRN, à Pamplemousses. Le rapport a conclu que Paroumal Soobrayen et Koovalesh Seedoyal ont succombé à une électrocution. Quant à Abhay Kumar Bhoojedhun, Keshav Dhomun, Vijaysingh Mootia et Lavlesh Kumar Jugdhur, ils sont décédés des suites d’un choc causé par des brûlures extrêmes.
Un des rescapés est toujours aux soins intensifs et son état est jugé sérieux par les médecins traitants. D’autres rescapés seront entendus par la police à partir de ce lundi 11 mars, dans le cadre de l’enquête policière.
À ce stade, la thèse d’un acte accidentel est privilégiée. Les enquêteurs de la police de Terre-Rouge veulent établir s’il y aurait eu un quelconque acte de négligence dans cette affaire.
Dinesh, 13 ans, frère de Nilesh Mootia : « Li ti dir mwa nou pou zwenn kan ariv Grand-Bassin »
« Mo frer ti dir mwa nou pou zwenn kan ariv Grand-Bassin, akoz nou pann resi sorti ansam », confie Dinesh Mootia, 13 ans, à Le Dimanche/L’Hebdo, avec l’accord de sa mère. Le jeune garçon affirme avoir été aux côtés de son frère Nilesh et des autres victimes durant les préparatifs pour le pèlerinage vers le lac sacré.
Nilesh, raconte-t-il, était parti récupérer un appareil compresseur avant de se rendre à Grand-Bassin : « Nou ti pran enn konpreser prete ar mo gran frer pou pintir kanwar. Li ti fini retourn li. » Une fois à la maison, le dimanche 3 mars, avant de débuter le pèlerinage, son frère a pris une douche et il a ensuite rejoint ses amis pour le pèlerinage, ajoute Dinesh Moutia.
Le jeune garçon explique qu’il a attendu vainement un appel téléphonique de son frère Nilesh, ce jour-là : « Li ti dir li pou telefonn mwa pou koz ek mwa avan li sorti, me pann resi. » À ce moment-là, Dinesh était, lui, en route pour Grand-Bassin.
Avant le drame, il avait reçu des messages de son frère. Nilesh Mootia l’avait réconforté en lui disant : « Nou pou zwenn Grand-Bassin, ek nou va retourn ansam lakaz depi laba. » Pour le jeune Dinesh Mootia, le drame a été un choc énorme : « Mo res panse mem nou ti fini dir nou pou Grand-Bassin ansam, ek ti bizin retourn marse ansam lakaz. »
Le frère de Nilesh Mootia révèle qu’à son domicile, un autre kanwar, construit pour la fête, n’a pu quitter la maison après le drame. Avec ce terrible événement, les autres membres de la famille ont annulé leur pèlerinage. « Mo gran frer ti fini ranz enn tipti kanwar, me nou pa finn ale. Bann dimoun dan landrwa inn pran kanwar-la inn ale », partage Dinesh.
Le jeune garçon n’arrive toujours pas à effacer la scène effroyable du drame de ses pensées. Il était en route, à Triolet, lorsque la nouvelle qu’un kanwar a été ravagé par un incendie à Arsenal s’est répandue : « Enn misie ti pe galoup lor semin inn dir nou sa, pou nou pa pass par laba. »
À cet instant, Dinesh Mootia savait que le groupe Trikaal Senna, dont faisait partie son frère, avait comme itinéraire la route principale à Arsenal. Il n’arrivait plus à joindre au téléphone son frère ni les autres amis. « Deswit nou finn ale vit vit », confie-t-il.
En cours de route, son frère aîné Niresh l’a appelé pour lui demander de se rendre à la maison pour être aux côtés de leur mère : « Li dir mwa pa dir mama ki Nilesh finn desede akoz mo mama ena problem leker. » Ce triste moment restera gravé à jamais dans la mémoire et le cœur du jeune Dinesh Mootia.
Triolet perd en Koovalesh Seedoyal un jeune engagé
C’est un événement tragique qui a bouleversé la paisible communauté de Triolet. Koovalesh Seedoyal, âgé de 20 ans, également connu sous le nom de Vedish, fait partie des jeunes dévots qui ont perdu la vie alors qu’ils se rendaient au lac sacré pour le pèlerinage du Maha Shivratri.
L’annonce de cette terrible nouvelle a suscité une vague d’émotions dans tout le quartier. Des foules se sont rassemblées à la rue Dispensaire, où il résidait.
Koovalesh Seedoyal et ses amis s’étaient attelés à la fabrication d’un kanwar depuis un mois. Leur engagement dans cette tâche en disait long sur leur détermination et leur attachement à leur foi. Le jeune homme était également connu pour sa joie de vivre et son esprit amical. Sa présence illuminait chaque rassemblement religieux et social auquel il participait.
Cependant, le destin a frappé cruellement. Avant même d’avoir pu atteindre la destination sacrée, le jeune homme et ses compagnons ont été victimes d’une tragédie terrible et imprévue, mettant fin brutalement à leurs vies pleines de promesses.
Sa mort, tout comme celle de ses amis, a suscité de vives émotions sur les réseaux sociaux également.
Keshav Doomun devait débuter un nouvel emploi le 6 mars
Keshav Doomun, âgé de 20 ans, était impatient de commencer son nouvel emploi dans un supermarché. Cet habitant de Rivière-des-Galets devait s’y rendre le 6 mars pour son tout premier jour. Excité d’avoir pu décrocher ce poste, il n’aurait manqué ce début de carrière pour rien au monde.
Mais le destin s’est montré injuste envers ce jeune homme, qui faisait la fierté de sa maman. Le samedi 2 mars, il est sorti de sa maison pour se rendre à Triolet et aider ses cousins et amis à finir la fabrication de leur kanwar. Il y est resté et le lendemain, avec le groupe, ils ont pris la route, fiers de leur réalisation. Toutefois, qui aurait pu imaginer que ce pèlerinage religieux allait tourner en une véritable tragédie humaine.
« Je ne l’avais jamais vu aussi enthousiaste pour un emploi », confie Sunny, le cousin du jeune homme, qui l’a vu grandir. « Nous habitions la même maison et nous étions ensemble tous les jours », ajoute-t-il.
Keshav Doomun avait obtenu d’excellents résultats aux examens du Higher School Certificate, ce qui faisait la fierté de sa famille. « C’était un jeune homme très intelligent et amical avec tout le monde. Au village, de nombreuses personnes le connaissaient et il avait beaucoup d’amis », poursuit-il.
Depuis janvier, le jeune Keshav avait débuté la fabrication d’un kanwar à Triolet avec des cousins et amis. « Il avait commencé et voulait en compléter la fabrication avec eux. C’était la première fois qu’il y participait », explique Sunny.
Samedi vers 17 heures, Keshav Doomun est sorti de la maison. « Le groupe devait sortir à 6 heures dimanche, mais il a eu un contretemps et est sorti plus tard. Keshav avait prévu de se rendre à Grand-Bassin, puis de retourner directement à la maison à Rivière-des-Galets afin de se reposer pour pouvoir prendre le travail, le mercredi 6 mars », ajoute Sunny.
Mais ce qui devait être une semaine excitante pour lui et ses amis a fini en un terrible drame. « Je n’ai pas de mots pour expliquer ce que nous traversons », soupire-t-il.
Sa mère est dévastée. Il y a deux ans, le père de Keshav Doomun est décédé. Fils unique, il était d’un grand soutien pour sa maman. « C’est lui qui accompagnait sa maman le matin quand elle partait travailler, et il venait la rejoindre dans l’après-midi », explique une tante de la victime en larmes.
« Dimanche après-midi, sa maman m’a dit qu’elle essayait d’avoir Keshav sur son téléphone portable, mais qu’il ne répondait pas. Nous pensions alors qu’il portait le kanwar et ne pouvait pas répondre, puis nous avons entendu la terrible nouvelle. Ce fut un choc », ajoute avec peine le cousin.
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