S’il estime qu’une partielle au no 7 est peu probable, Lindsay Rivière, observateur politique, croit que le prochain budget sera populiste à souhait, peu importe le poids que cela ferait sur notre économie, car c’est la survie politique qui prime. Pour ce qui est des alliances, il est un peu tôt pour en deviner les contours, dit-il.
Quelle est votre analyse des meetings du 1er-Mai ?
Les meetings ont surtout servi à rassembler et motiver les die hards des différents partis et à mettre ceux-ci en ordre de marche pour la prochaine bataille électorale. Les quatre grands partis ont toutes les raisons d’être heureux. Ils ont bien mobilisé leurs troupes et il n’y a eu aucun fiasco. Le moral est donc bon dans tous les camps. Les messages passés ont dit l’argumentation future des partis. Cela a donc été un exercice utile.
Le PTr a entrepris une forte mobilisation et a confirmé qu’il sera définitivement une grosse locomotive. Navin Ramgoolam a, par ailleurs, clairement démontré qu’il est toujours le « patron » au PTr et qu’il n’a aucune intention de laisser Arvin Boolell ou Anil Bachoo le remplacer. Il a aussi confirmé, par son ton, que si le PTr retrouve le pouvoir, ce sera avec un esprit de vengeance indéniable et que ses adversaires auront tout à craindre de son retour.
Le MSM, lui, a établi sa capacité de résistance face à l’opposition et confirmé qu’il attend de pied ferme ses adversaires. Pravind Jugnauth a indiqué les grandes lignes de son bilan. Paul Bérenger, pour sa part, a fait l’essentiel : ramener l’enthousiasme dans son camp. Il a capitalisé sur sa volonté « d’aller seul » aux élections. Enfin, le PMSD a, comme toujours, bien mobilisé ses jeunes et démontré qu’il restait un partenaire potentiellement utile. Donc, une bonne opération pour tous les partis !
Ils ont bien mobilisé leurs troupes et il n’y a eu aucun fiasco. Le moral est donc bon dans tous les camps »
Peut-on, dès lors, voir plus clair dans le jeu des alliances pour les prochaines législatives ?
Pas encore, même si on voit se dessiner quelques grands traits. Ce n’est pas encore le temps des négociations d’alliances. C’est le temps de la consolidation des partis en vue d’éventuelles tractations. Cela prendra encore plusieurs mois avant que chacun ne se décide formellement à s’engager.
Je crois que les négociations sérieuses n’auront lieu qu’une fois la dissolution prononcée ou imminente du Parlement. Entre-temps, MMM, PMSD, MP et autres n’ont aucun intérêt à se compromettre par des annonces prématurées d’alliance. Jusque-là, MSM, PTr et MMM continueront à dire qu’ils iront « seuls ».
Toutefois, il ne faut pas être devin pour savoir que les alliances les plus probables seront MSM-ML-MMM d’une part et PTr-PMSD-MP d’autre part. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres. Le MMM est divisé en deux sur la question du rapprochement avec le MSM et l’option d’une alliance post-électorale gagne du terrain. Le MSM, par ailleurs, n’est pas trop chaud pour ramener Paul Bérenger au gouvernement, car cela jouera contre lui en milieu rural. Le PMSD, lui, semble acquis au PTr, mais il est exigeant, veut des tickets gagnants et attend de voir les offres. Le PMSD ne se décidera donc que quand il aura déterminé qui a le plus de chances de remporter les élections. Le PMSD veut toujours jouer gagnant. Vous voyez, rien n’est joué.
Certains politiciens s’épargnent. Est-ce déjà le signe du « koz koze » ?
On tente dans l’opposition de n’avoir qu’une seule cible : le MSM. En passant, plus le MSM sera affaibli, plus cela fera le jeu de ceux qui voudront éventuellement négocier avec lui. Quant au MSM, il n’a aucun intérêt à antagoniser le MMM, le PMSD ou le MP. En politique mauricienne, « never say never ! » L’ennemi principal du MSM reste le PTr.
Le PTr et Navin Ramgoolam, de même que le MSM et Pravind Jugnauth, ne se font pas de cadeau. Les ponts sont définitivement coupés entre eux ?
Depuis décembre 2014, il n’y a plus aucun pont entre eux et tout rapprochement semble être une impossibilité. L’hostilité entre eux est extraordinaire et le désir de vengeance chez Navin Ramgoolam est même, par moments, effrayant. Il y a eu, ces derniers temps, dans certains milieux et même hors de Maurice, des tentatives de faire partir volontairement Navin Ramgoolam afin de laisser Arvin Boolell prendre le parti, ce qui, supposément, faciliterait un accord MSM-PTr (comme en 2010) et empêcherait la division du vote rural. Mais tout cela n’est que du wishful thinking un peu naïf. On l’a bien vu mercredi : Ramgoolam is here to stay ! Et il veut sa vengeance pour toutes les humiliations subies !
Au sein du MSM, il y a du grabuge, notamment le cas Dayal. Que faire de ce remuant bébé et de tous ceux qui font du chantage politique ?
Pravind Jugnauth n’a pas besoin de menaces d’autres partielles. Il va donc les garder heureux jusqu’à la dissolution, quand il reprendra totalement le contrôle du jeu.
Quel est le sentiment de la population, pro-MSM ou pro-PTr ?
Beaucoup trop tôt pour le dire. Il y a une énorme masse d’insatisfaits et d’indécis, beaucoup de frustrations, de colère, de volonté d’abstention. Les partis vont avoir beaucoup de difficultés à convaincre, cette fois, l’électorat. Si, comme on dit, « one week is a long time in politics », 8 à 12 mois d’ici les élections, c’est une éternité ! D’ailleurs, les élections se jouent toujours dans les deux dernières semaines.
Le MMM paraît en mode attente et répète qu’il ira seul. Peut-il le faire vraiment ?
Tant qu’il n’y a pas de dissolution, le MMM est obligé de dire qu’il ira seul, d’autant plus que le MSM n’est pas pressé et veut bénéficier pleinement du feel good factor des prochains mois avec les Jeux des îles, un budget populiste, la visite du pape, le PRB, le boni de fin d’année et autres augmentations des pensions. Pourquoi d’ailleurs ferait-il une alliance aussi tôt dans le jeu ? En même temps, une offre pourrait ne pas se matérialiser, car Pravind Jugnauth ne veut pas de Bérenger au gouvernement et, au mieux, souhaite l’envoyer au Réduit, ce que Bérenger refuse. Bérenger aussi est arrivé à détester profondément les Jugnauth et veut, lui aussi, régler ses comptes avec eux. Mais une aile du parti veut absolument une alliance, estimant que c’est un suicide pour le MMM d’aller seul dans une élection, où il peut être wiped out. Aller seul est une option qui pourrait séduire de plus en plus les militants, mais je continue à penser qu’aller seul est un risque énorme autant pour le MSM que pour le MMM et qu’à la fin ces deux partis finiront par se rapprocher. Pas parce qu’ils s’aiment, mais parce que « nécessité fait loi » et que le besoin de survie primera. On verra bien !
Dans la conjoncture actuelle, le MSM peut-il faire face à une partielle au no 7 ?
En tout cas, on constate qu’étonnamment, le MSM ne parle plus de partielle. Il y a clairement un temps d’hésitation au MSM. Pravind Jugnauth a jusqu’au 15 juin pour faire émettre le Writ, mais peut-être commence-t-il à être refroidi à partir de ses sondages …
Le budget est pour bientôt. Le gouvernement peut-il choisir de « faire la bouche doux » avec des mesures populaires, même si cela met l’économie en péril ?
C’est le dernier budget avant les élections. Et n’en doutez pas, le prochain budget sera populiste à souhait. L’économie passe souvent au second plan, quand il s’agit de survie politique.
Pour les prochaines législa-tives, l’affaire BAI risque-t-elle de plomber le MSM ?
Dans certaines circons-criptions, certainement. Après les révélations de Navin Ramgoolam et de Laila Rawat mercredi, on n’a pas fini d’entendre parler de la BAI.
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