Interview

Lindsay Rivière : «Le MSM a besoin d’une alliance qui gagne»

Si Pravind Jugnauth gagne son procès devant les Law Lords dans l’affaire MedPoint, il sera requinqué. Il sait cependant que son parti ne peut affronter seul l’électorat. Il se tournerait alors vers un parti avec lequel il serait sûr de conserver le pouvoir pour éviter la vengeance de Navin Ramgoolam en cas de défaite. Pour cela, il lui faudra gagner le cœur des hindous, convoité par le leader des rouges. C’est l’avis de Lindsay Rivière, observateur politique.

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La guéguerre autour de 3, 4 et 5 Credits pour avoir accès en HSC. Votre avis ?
J’ai toujours été contre le nivellement par le bas, d’autant que Maurice vise à aller vers la qualité. La ministre de l’Éducation a raison de rehausser la barre, mais il faut proposer d’autres alternatives, notamment dans le domaine technique. Mais, sans adopter une approche élitiste de l’époque coloniale.

Le critère des 5 Credits ne veut pas dire mettre de côté une partie de la population estudiantine volontairement ?
Chaque enfant est un trésor à qui il faut donner de la chance. Donc, il faut des propositions pour ceux qui ne peuvent atteindre la barre des 5 Credits. Mais, Maurice se doit de suivre l’évolution dans le monde et d’épouser les nouvelles tendances.

Et la violence scolaire qui surgit ces derniers temps ?
Maurice n’échappe pas à ce phénomène mondial. Il y a une grande démission des autorités publiques, de la direction scolaire, des aînés qui se laissent gagner par un matérialisme insoutenable.  S’il y a blâme à faire, voyez du côté de ceux qui sont supposés leur offrir un encadrement moral.

Et la drogue synthétique qui touche les jeunes ?
Le danger vient de l’accès facile et du prix pour obtenir cette drogue. Il faut une volonté politique, mais l’action ne suit pas toujours le discours.

Il faut reconnaître que ce gouvernement a fait de gros efforts pour casser les reins des barons de la drogue…
Malgré les efforts de ce gouvernement, les recommandations du rapport Lam Shang Leen tardent à être mises en place.

Abordons le volet économique : l’Union européenne nous a tapé dessus par rapport à la taxation concernant le Global Business. Doit-on se plier à ses demandes ?
En tant que pays émergent, on a mis en place une stratégie pour mener notre économie vers de nouveaux secteurs. Notre fiscalité a contribué à ce coup de reins économique et ce serait contraire de revoir l’architecture de taxation de nos services financiers malgré des pressions externes.

Est-ce à dire que nous ne devrions pas obéir aux instructions de l’UE ?
Notre industrie fait face à d’énormes problèmes, avec un coût de production trop élevé, l’industrie sucrière est à genoux, notre secteur touristique commence à s’essouffler avec une croissance de 4%, alors qu’elle était à deux chiffres, le Global Business souffre de la renégociation avec l’Inde, notre déficit commercial est plus de Rs 100 milliards. Notre économie est devenue une de services. Donc, pas question de s’engager dans des remises en question suicidaires avec un taux de croissance en dessous de 4 %.

Faudrait-il donc se battre contre les pressions externes ?
Il faut défendre sans compromis nos intérêts nationaux et cesser de se laisser avoir par toutes sortes de pressions internationales qui nous affaiblissent.

Est-ce un message clair à l’actuel ministre des Finances et Premier ministre ?
Je pense qu’avec l’approche des prochaines législatives, le PM va être pris par la campagne, donc il faudrait un ministre des Finances à plein temps qui pourra être au front de tous les combats ici et outremer. Maurice avant tout.

Paul Bérenger au Réduit ? C’est un homme d’action, il mourrait d’ennui au Château"

Venons-en au scénario si Pravind Jugnauth gagne son affaire devant le Judicial Committee du Privy Council. Que prévoyez-vous sur l’échiquier politique ?
La grosse colère des Law Lords concernant le ‘leakage’ semble accréditer que le jugement final sera en faveur de Pravind Jugnauth. Les conséquences seront multiples pour lui et les futures évolutions et négociations d’alliances. Le leader du MSM augmenterait sa respectabilité politique en ne traînant plus de casseroles.

Et sur le plan politique ?
Cela ferait non seulement des heureux au MSM, mais dans d’autres partis pour justifier des débuts de négociations, notamment le PMSD, le MP et possiblement le MMM. Le PM veut se démarquer de Navin Ramgoolam et veut disputer le leadership de la communauté hindoue. Ce sera une bataille à mort entre Pravind Jugnauth et Navin Ramgoolam pour gagner le cœur des hindous. Le PM va donc venir avec un MSM réformé et ira à la recherche d’alliés, car le MSM est incapable d’affronter seul l’électorat.

Quelles sont ses options ?
Ce sera impossible avec le PTr, il lui reste donc une coalition avec le PMSD et d’autres petits partis d’inspiration militante. Quant au MMM, ce parti a décidé d’aller seul avec une équipe de jeunes. Mais, les options sont ouvertes pour le MSM.

Et si Pravind Jugnauth mord la poussière lundi ?
Beaucoup de choses vont s’écrouler, mais cela dépendra de la nature du jugement et du désaveu.

Est-ce que Navin Ramgoolam pourrait alors revenir ?
Face à un PM qui gagne, il peut gagner, mais difficilement. En revanche, si le PM perd, le leader du PTr surfera sur un vote négatif plus que sur un vote d’adhésion à sa personne et à sa politique qui restent controversables. Pourquoi un jeune de 2020 voterait pour le PTr ? Il n’y a plus de dépôt fixe, car 60 % de Mauriciens sont sans opinion et sans affiliation politique. Pour gagner, il faudrait que le MSM, le MMM, le PTr convainquent plus de la moitié du pays.

Pourquoi Navin Ramgoolam rejetterait son vieil allié PMSD ?
Ramgoolam veut aller seul mais en jouant à fond la carte musulmane comme en 2005. Pourquoi ? Avec les musulmans, il est sûr d’avoir au moins une dizaine d’élus, mais avec le PMSD, 2 ou 3.

Il se chuchote que le MSM voudrait un MMM, mais avec Bérenger au Réduit…
Paul Bérenger au Réduit ? C’est un homme d’action, il mourait d’ennui au Réduit, alors qu’il aurait bien fait au Château avec sa stature et son patriotisme. Lui, il maintient que le MMM irait seul en profitant de la division des voix entre le MSM et le PTr et que son parti jouerait alors l’arbitre du prochain gouvernement avec lui comme No 2. Mais, le MMM joue gros, car si ce parti a fait 14 % à la partielle du No 18, combien ce parti ferait à Triolet, Flacq et ailleurs ? Le MMM serait alors annihilé.

Mais avoir Bérenger au Cabinet refroidit Pravind Jugnauth…
Bérenger est difficile à vivre, il faudrait alors le nommer aux Affaires étrangères, comme cela il serait absent du pays assez souvent et limiter les risques de confrontation au Cabinet.

Admettons qu’il y ait une entente MSM/MMM, que faire du ML et d’autres partis qui voudraient être sur le camion ? 
Une chose est sûre : s’il y a alliance MSM/MMM, Bérenger ne voudra personne d’autre autour de la table. Ni Collendavelloo, ni Ganoo, ni Obeegadoo. C’est lui ou rien. Plus le PTr fera pression sur le régime pour se venger, plus le pouvoir de marchandage du MMM augmentera auprès du MSM. Les risques d’un changement de régime seraient considérables pour les Jugnauth. C’est pour cela que je maintiens que Pravind Jugnauth a besoin d’une alliance, mais pas n’importe laquelle, mais une alliance qui gagne. Ce serait alors avec le MMM.

 

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