Interview

Lindsay Rivière : «La réforme électorale est mort-née»

Lindsay Rivière

Dans l’éventualité qu’il y ait un rapprochement entre le MSM et le MMM lors des prochaines législatives, ce sera sans Bérenger au Cabinet. Il lui sera offert le poste au Réduit, selon Lindsay Rivière, observateur politique.

Publicité

Le gouvernement est venu avec son plan de réforme électorale, mais il ne fait pas que des heureux au sein de l’opposition…
La réforme est mort-née et n’ira nulle part.

Pourquoi ce pessimisme ?
D’abord, il faut que le gouvernement ait une majorité de ¾, ce qu’il n’aura pas. Le MMM estime que la réforme est inadéquate. Le PMSD va se battre pour le Best Loser System et envisage même de saisir la cour. L’opposition veut maintenir le BLS et trouvera en cela un écho dans la population générale et chez les musulmans. Le PTr est opposé à tout ce que propose le gouvernement et n’approuvera aucun projet de loi.

Donc, c’est une proposition qui va mourir d’elle-même avant sa naissance ?
Au fond, et le PTr et le MSM ne sont pas chauds pour l’introduction de la proportionnelle et historiquement ils ont toujours souhaité minimiser la portée du système de la proportionnelle. Les Travaillistes parce qu’ils partent du principe que ce système va morceler la nation et le dit depuis les années 60. Le MSM est traumatisé par la situation électorale rodriguaise, car l’OPR de Serge Clair a été menacée et renversée.

Pourquoi alors avoir proposé ce plan de réforme ?
Le gouvernement a proposé ce plan de réforme pour la forme, pour faire semblant. Le PTr et le MSM ne croient pas du tout en une réforme. C’est un cas de ‘flogging a dead horse’.

Le gouvernement veut biffer le Best Loser System pour le remplacer par le Best Loser Seats. Blanc bonnet, bonnet blanc ?
Je suis contre l’introduction du Best Loser Seats. Ce sont les leaders politiques qui vont nommer des élus ? On revient à l’époque coloniale où les gouverneurs britanniques nommaient les membres au Parlement. Ce serait un grand recul pour la démocratie.

Et le PMSD dans tout ça ?
La réforme sera davantage condamnée si le PMSD entre au gouvernement, car Xavier-Luc Duval n’acceptera jamais l’abolition du Best Loser System qui, selon lui, assure une bonne représentation de la communauté créole et celle des musulmans. C’est pour cela que je dis que la réforme proposée est un non-starter.

Qu’est-ce qui vous chiffonne le plus ?
Il y a trois choses : la proportionnelle est supposée corriger les résultats du First Past The Post System (FPTP) en assurant une représentation exacte du vote populaire obtenu par l’opposition et rééquilibrer les forces parlementaires. Or, le rapport des forces, sous pression de SAJ, prévoit que, même après la distribution des sièges additionnels, la composition du Parlement sera exactement le reflet du résultat du FPTP.

Est-ce un non-sens, selon vous ?
Exactement, car l’exercice des sièges additionnels ne va pas du tout rééquilibrer le rapport des forces politiques.

Votre deuxième point ?
La disposition anti-transfuges n’affectera que les nominés de la proportionnelle, soit les 12 députés nommés. Cela va créer deux catégories de parlementaires. Les 70 élus à travers le FPTP pourront ‘cross the floor’ à leur guise. Mon troisième point concerne le fait qu’on n’aura pas besoin de changement constitutionnel pour assurer un nombre de femmes au Parlement.

Le PTr et le MSM ne croient pas du tout en une réforme»

Qu’en est-il du financement des partis politiques ?
J’estime que c’est un gaspillage des fonds publics qui ne fera que donner plus de finances aux partis politiques, car ils continueront à recevoir de l’argent du secteur privé. C’est de la poudre jetée aux yeux de la population. Ce qu’il faut c'est de mettre sur pied une commission constitutionnelle indépendante pour apporter de vraies réformes et ne pas laisser aux partis politiques décider d’une réforme où ils sont juges et parties.

Xavier-Luc Duval veut d’un redécoupage des circonscriptions, car il estime qu’elles sont mal réparties en termes du nombre de votants. Votre avis ?
Je constate qu’il y a beaucoup de bruit autour de l’exercice de redécoupage électoral venant du PMSD essentiellement et d’autres qui estiment qu’il y a des circonscriptions avec 5 000 votants et ailleurs 40 000. Il faut faire attention sur la question.

Vous êtes très frileux…
Le profil des circonscriptions était imposé par les Anglais avant l’indépendance en faisant baisser le nombre de 40 ‘single members’ à 20 ‘multi members constituencies’. La raison ? C’était par souci de représentation ethnique équilibrée. Ces circonscriptions visent à produire un résultat où toutes les composantes de Maurice soient représentées au Parlement et où dans chacune des circonscriptions on peut avoir des candidatures mixtes. Ce système a été un compromis entre SSR, SGD, Jules Koenig et sir Razack Mohamed.

Donc, si on comprend bien, on devrait conserver le même système ?
Depuis 50 ans, rien n’a changé et il y a des raisons à cela. Il faut engager le débat de redécoupage avec soins et intelligence pour ne pas résulter en une sous-représentation des composantes du pays. C’est pour cela que les rapports de l’Electoral Boundaries Commission ont tous été rejetés et même pas présentés au Parlement. La crainte a toujours été de ne pas ouvrir une boîte de Pandore. Il y a toujours des raisons pourquoi les choses sont comme elles le sont à Maurice, car il faut faire très attention et ne pas foncer la tête baissée dans des changements intempestifs.

Abordons le volet politique, quel est votre regard d’observateur ?
C’est encore flou et rien ne se passera avant le jugement du Privy Council dans l’affaire MedPoint et qui déterminera l’avenir de Pravind Jugnauth. Il est prématuré de parler d’alliance avant de savoir le sort de Navin Ramgoolam en cour. Toutefois, on voit bien quelques tendances se dessiner. Le Premier ministre n’a aucune intention de laisser le champ libre pour une remontée possible du PTr. Si l’obstacle de MedPoint est franchi, la grande question sera de se rapprocher d’un MMM sans doute très exigeant ou alors de faire revenir le PMSD pour reconstituer l’Alliance Lepep.

Vous voyez le MSM travailler avec Paul Bérenger ?
L’impression que j’ai est que le MSM veut d’un MMM sans Paul Bérenger au Cabinet. Or, celui-ci n’est pas intéressé pour aller au Réduit. Le leader du MMM semble vouloir aller seul et régler ses comptes avec le MSM et le PTr. Mais, en allant seul, le MMM prendrait un gros risque, car actuellement, ce parti n’a aucun élu en région rurale et en ville, son score lors de la partielle à Quatre-Bornes n’augure rien de bon

Et le PMSD ?
Xavier-Luc Duval pourra se rapprocher du MSM et obtenir le poste de No 2 et 15 à 20 tickets et s’il s’approche du PTr, il aura une offre humiliante et dérisoire.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !