
La visite officielle du Premier ministre mauricien en Inde marque une nouvelle étape dans la coopération bilatérale. L’Inde réaffirme son soutien à Maurice, notamment sur la question des Chagos, à travers une série d’accords stratégiques, économiques et sécuritaires.
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L’Inde émerge comme un partenaire privilégié de Maurice pour administrer et sécuriser l’archipel des Chagos. Cet engagement, scellé lors de la visite du Premier ministre Navin Ramgoolam en Inde, s’inscrit dans une stratégie régionale, tout en renforçant les liens bilatéraux. Les accords signés, incluant l’établissement d’une station de suivi satellitaire et un « economic support package » de 680 millions de dollars (30,9 milliards selon le taux de change du jour), illustrent un soutien concret à la souveraineté mauricienne, dissipant les appréhensions britanniques sur une potentielle ingérence étrangère.
L’accord sur la station de télémétrie, de suivi et de télécommunications pour satellites et véhicules de lancement, signé en marge de la rencontre entre Navin Ramgoolam et son homologue indien Narendra Modi, permettra à l’Inde de suivre des données satellitaires, tout en offrant un atout stratégique pour la surveillance de la région. Cette installation devrait renforcer la capacité de Maurice à gérer sa vaste zone économique exclusive (ZEE) élargie, qui inclut désormais les eaux autour des Chagos. Le traité sur les Chagos, conclu en mai dernier entre Maurice et le Royaume-Uni, reconnaît la souveraineté de Port-Louis sur l’archipel, tout en autorisant Londres à conserver l’usage de Diego Garcia à des fins défensives pour au moins 99 ans.
Narendra Modi a qualifié cet accord, jeudi, d’« étape historique », soulignant le rôle de l’Inde dans le processus de décolonisation. « L’Inde a toujours soutenu la décolonisation et la pleine reconnaissance de la souveraineté de Maurice. L’Inde s’est toujours tenue fermement aux côtés de Maurice dans ce parcours », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse conjointe. Cette position réaffirme l’engagement de New Delhi en faveur d’un océan Indien libre et sécurisé, priorités partagées avec Maurice.
De son côté, Navin Ramgoolam a exprimé sa gratitude pour ce soutien, insistant sur l’importance symbolique de la collaboration indo-mauricienne. « Nous voulons visiter les îles Chagos, y compris Diego Garcia, pour y planter notre drapeau. Les Britanniques nous ont proposé un navire, mais nous avons dit que nous préférions un navire indien, car symboliquement, cela aurait plus de sens », a-t-il indiqué, soulignant le désir de marquer la restitution des îles par une action conjointe avec l’Inde plutôt qu’avec l’ancienne puissance coloniale.
Ce partenariat s’étend à des domaines économiques et sécuritaires. L’Inde a annoncé un « financial support package » de 680 millions de dollars, incluant 25 millions (Rs 1,13 milliard) en aide budgétaire directe, ainsi que des projets sous forme de subventions et de crédits. Parmi les initiatives clés figurent la réhabilitation du port de Port-Louis, la mise en place de l’aire marine protégée des Chagos, la construction d’une tour de contrôle aérien à l’aéroport international Sir Seewoosagur Ramgoolam et l’expansion d’autoroutes et de routes périphériques. Narendra Modi a présenté ces investissements non comme une aide, mais comme un « investissement dans notre avenir commun », qualifiant Maurice non seulement de partenaire, mais de « famille » pour l’Inde.
Sur le plan maritime, les deux pays ont renouvelé un accord sur l’hydrographie, prévoyant des relevés conjoints, la production de cartes de navigation et le partage de données dans la ZEE mauricienne. L’Inde s’engage également à rénover un navire de la garde côtière mauricienne et à former ses officiers. « L’Inde reste pleinement engagée à renforcer la sécurité de la zone économique exclusive de Maurice et à améliorer ses capacités maritimes », a affirmé Narendra Modi, se positionnant comme un « premier répondant » et un « fournisseur net de sécurité » dans la région.
Dissiper les craintes britanniques
Ces développements interviennent alors que les craintes britanniques d’une influence chinoise accrue sur Maurice semblent s’apaiser. Lors du débat à la Chambre des communes, le 9 septembre dernier, sur le Diego Garcia Military Base and British Indian Ocean Territory Bill, adopté par une large majorité en seconde lecture, le ministre d’État à la Défense, Luke Pollard, a salué le traité entre Maurice et le Royaume-Uni comme un rempart contre les menaces juridiques et stratégiques. Il a souligné que l’accord élimine les risques de jugements contraignants sous la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (UNCLOS) et interdit la présence de forces de sécurité étrangères sur les îles extérieures. Luke Pollard a insisté sur le soutien international, notant que « l’accord est soutenu par le Japon, la Corée du Sud et l’Inde » et qu’il bénéficie de l’aval des États-Unis, y compris sous l’administration Trump.
Calvin Bailey, député travailliste, a, quant à lui, qualifié l’Inde de « partenaire absolument indispensable » pour maintenir la région libre et ouverte, alignant les intérêts stratégiques britanniques et américains avec ceux de New Delhi face à la Chine. Cependant, des voix conservatrices ont exprimé des réserves. Priti Patel a averti : « Il ne surprendra personne d’apprendre que, maintenant que notre souveraineté sur la base est abandonnée, nos ennemis font la queue pour se lier d’amitié avec Maurice. Quelques jours avant la signature du traité de restitution, la Russie a conclu un nouvel accord de partenariat avec Maurice, incluant des recherches marines. » De même, sir Iain Duncan Smith a souligné les risques liés à la Chine. « Il est absolument impossible que la Chine ne tire pas profit de ce projet de loi. La Chine a les yeux rivés sur le flux commercial très important qui passe juste en dessous des îles Chagos, un flux qu’elle a toujours voulu bloquer, contrôler ou perturber », a-t-il fait ressortir.
Pourtant, le secrétaire aux Affaires étrangères indien, Vikram Misri, a relevé que Maurice, avec ses nouvelles responsabilités dans une ZEE élargie, nécessite une assistance pour exploiter ses ressources maritimes et que l’Inde est le « partenaire préféré » pour cela. Cette dynamique indo-mauricienne apparaît ainsi comme un facteur de stabilisation, atténuant les appréhensions occidentales tout en consolidant la position de l’Inde dans l’océan Indien face aux incursions navales chinoises.
Navin Ramgoolam à New Delhi pour renforcer la coopération stratégique
Le Premier ministre Navin Ramgoolam poursuit sa visite officielle en Inde avec une étape cruciale dans la capitale, New Delhi, ce lundi 15 septembre. Après avoir visité Ayodhya, Varanasi, Mumbai et Dehradun, où il se trouve ce week-end, il entame une séquence diplomatique intense visant à consolider les relations bilatérales entre Maurice et l’Inde.
À son arrivée à New Delhi dans la soirée du lundi 15 septembre, après une étape à Tirupati, Navin Ramgoolam participera à une série de rencontres de haut niveau. L’objectif affiché est de redynamiser les accords existants entre les deux nations et d’accélérer la mise en œuvre de projets récemment annoncés dans les domaines de l’économie, la culture et le développement durable.
Le mardi 16 septembre, le Premier ministre mauricien débutera sa journée par des gestes symboliques forts : des dépôts de gerbe au Rajghat, mémorial dédié au Mahatma Gandhi, et à Sadaiv Atal, en hommage à l’ancien Premier ministre indien Atal Bihari Vajpayee. Il visitera ensuite le nouveau bâtiment du Lok Sabha, la chambre basse du Parlement indien, symbole de la vitalité démocratique du pays.D
urant cette journée est aussi prévu un entretien avec la présidente de la République indienne, Droupadi Murmu, au Rashtrapati Bhavan. Cette rencontre, prévue dans la matinée, permettra d’aborder les perspectives d’approfondissement des relations bilatérales. En fin d’après-midi, avant son départ de New Delhi à 22 heures, Navin Ramgoolam devrait s’entretenir avec un ministre du Cabinet indien, concluant ainsi une journée marquée par des échanges de haut niveau. Le Premier ministre mauricien regagnera Maurice, le mercredi 17 septembre, mettant fin à une tournée d’une semaine en Inde.
Visite d’État en Inde : les engagements de New Delhi envers Maurice
La visite d’État du Premier ministre mauricien, Navin Ramgoolam, en Inde, entamée à l’invitation de son homologue indien Narendra Modi, s’achève le 17 septembre avec son retour au pays. La rencontre entre les deux dirigeants, jeudi dernier, a été marquée par des discussions qualifiées de « très fructueuses » sur un large éventail de questions bilatérales, et met en lumière les offres concrètes de l’Inde à Maurice, dans un contexte de renforcement des liens stratégiques et économiques entre les deux nations.
Au cœur de ces échanges, figurent plusieurs projets d’assistance que l’Inde s’engage à mettre en œuvre conjointement avec Maurice, sur la base de demandes formulées par le gouvernement mauricien. Ces initiatives, financées sous forme de dons ou de combinaison de dons et de lignes de crédit (Grant-cum-LOC), visent à soutenir le développement infrastructurel, sanitaire et éducatif de Maurice.
Projets financés sur base de dons
Quatre projets majeurs ont été approuvés pour une mise en œuvre sur une base de dons purs, avec un coût estimé à environ 215 millions de dollars américains (9,80 milliards de roupies mauriciennes) :
- La construction d’un nouveau Sir Seewoosagur Ramgoolam National Hospital, destiné à moderniser les infra-structures de santé publique.
- L’établissement d’un Centre d’excellence AYUSH, axé sur les médecines traditionnelles indiennes (Ayurveda, Yoga, Unani, Siddha et Homéopathie).
- La création d’une école vétérinaire et d’un hôpital animalier, pour renforcer les capacités en matière de santé animale.
- La fourniture d’hélicoptères, sans précision supplé-mentaire sur leur nombre ou leur type, mais visant vraisemblablement des usages civils ou de surveillance.
Projets sur base de dons et lignes de crédit
Par ailleurs, quatre autres initiatives seront réalisées sur une base mixte de dons et de lignes de crédit, pour un montant estimé à 440 millions de dollars (20,10 milliards de roupies mauriciennes) :
- L’achèvement des travaux de construction de la nouvelle tour de contrôle aérien (ATC) à l’aéroport international Sir Seewoosagur Ramgoolam.
- Le développement de l’autoroute M4, un axe routier clé pour fluidifier les transports intérieurs.
- Le développement de la phase II du Ring Road, prolongeant les efforts d’amélioration du réseau routier périphérique.
- L’acquisition d’équipements portuaires par la Cargo Handling Corporation Limited (CHCL), afin de moderniser les opérations logistiques maritimes.
Engagements stratégiques et soutien budgétaire
Sur le plan stratégique, les deux parties ont convenu de collaborations dans trois domaines sensibles :
- La restructuration et la réhabilitation du port de Maurice, pour en accroître l’efficacité et la capacité.
- Une assistance indienne pour le développement et la surveillance de la zone marine protégée des Chagos, un enjeu géopolitique majeur impliquant des questions de souveraineté et de conservation environ-nementale.
- Une coopération renforcée en matière de sécurité maritime, visant à contrer les menaces communes dans l’océan Indien, telles que la piraterie ou les trafics illicites.
- En outre, l’Inde s’est engagée, en principe, à octroyer une subvention de 25 millions de dollars (Rs 1,1 milliard) au cours de l’exercice financier en cours, sous forme de soutien budgétaire direct à Maurice.
Accords et mémorandums signés
Lors de la visite, qui s’est notamment déroulée à Varanasi le 11 septembre, sept protocoles d’accord ont été échangés, formalisant des coopérations dans divers secteurs :
- Un MoU sur la coopération en science et technologie entre le Département de la science et de la technologie de l’Inde et le ministère de l’Enseignement tertiaire, de la science et de la recherche de Maurice.
- Un MoU entre le Council of Scientific and Industrial Research - National Institute of Oceanography (Inde) et l’Institut océanographique de Maurice.
- Un MoU entre Karmayogi Bharat (sous le Département du personnel et de la formation de l’Inde) et le ministère de la Fonction publique et des réformes administratives de Maurice.
- Un MoU sur la coopération dans le secteur de l’énergie.
- Un MoU concernant l’assistance indienne en dons pour la mise en œuvre de la phase II des petits projets de développement.
- Le renouvellement d’un MoU dans le domaine de l’hydrographie.
- Un accord entre les gouvernements indien et mauricien sur la coopération pour l’établissement d’une station de télémétrie, de suivi et de télécommunications pour satellites et véhicules de lancement, ainsi que dans les domaines de la recherche spatiale, de la science et des applications.
- Ces accords couvrent un spectre large, de la recherche océanographique à la formation administrative, en passant par l’énergie et l’espace, renforçant les échanges techniques et scientifiques.
Annonces complémentaires
Trois annonces supplé-mentaires ont été faites pour approfondir les liens bilatéraux :
- Un MoU entre l’Indian Institute of Technology de Madras et l’université de Maurice.
- Un MoU entre l’Indian Institute of Plantation Management de Bengaluru et l’université de Maurice.
- La poursuite d’une propo-sition gouvernement-à-gouvernement pour installer un projet solaire photovoltaïque flottant de 17,5 MW à Tamarind Falls. Une équipe de la National Thermal ower Corporation (NTPC) Ltd sera prochainement à Maurice pour finaliser un accord avec le Central Electricity Board (CEB).

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