Maurice vient d’obtenir de l’Inde un financement de 300 millions de dollars (Rs 13,6 milliards) pour réaliser la phase 4 du Metro Express, soit la ligne reliant Réduit à Côte-d’Or. Les députés de l’opposition sont sceptiques vis-à-vis du projet et demandent que l’étude de faisabilité soit rendue publique. Les économistes ont aussi besoin de plus d’éléments pour se prononcer.
Le métro est à peine arrivé à Curepipe qu’un autre grand chantier est déjà annoncé. Une ligne reliant Réduit à Côte-d’Or viendra se greffer sur la ligne principale. Selon nos recoupements d’informations, les travaux devraient débuter en février ou mars 2022, l’objectif étant qu’ils soient achevés avant les élections législatives de 2024.
« Le gouvernement table sur le long terme du projet. Il y a un engouement en ce moment pour le Metro Express. Quand le métro ira dans les autres endroits de l’île, ce sera la même chose », avance-t-on au Bâtiment du Trésor.
Au niveau de Metro Express Ltd, on indique que l’étude de faisabilité est encourageante. « L’étude démontre que le tracé Réduit/Côte-d’Or sera profitable dans le temps. Si ce n’était pas le cas, Maurice n’aurait pas obtenu le financement pour ce projet », souligne un membre du conseil d’administration.
Quoi qu’il en soit, le député travailliste Osman Mahomed demande que l’étude soit rendue publique. « Si li fiab, ok. Si li pa fiab, nou pa anbaras enn pei ami kouma lind », a-t-il déclaré vendredi, pendant la conférence de presse de son parti. « De Réduit à Côte-d’Or, il n’y a que 10,5 kilomètres et cela va coûter Rs 13,6 milliards. Le retour sur investissement ne sera que de 1,3 % par an, en ne tenant même pas compte des autres coûts. Ainsi, il faudra 100 ans pour rentabiliser ce projet », calcule-t-il.
Ce qu’en pensent les économistes
Les 300 millions de dollars qui seront décaissés par l’Export Import Bank of India ne sont bien sûr pas un cadeau mais un prêt accordé à l’État mauricien, qui s’endette donc davantage. La question est donc de savoir si la ligne Réduit/Côte-d’Or transportera assez de passagers pour rembourser cet emprunt et les intérêts sans affecter l’économie du pays.
Selon l’économiste Bhavish Jugurnath, pour un projet de cette envergure, « il y a forcément une étude de faisabilité et un business plan qui montrent comment le remboursement se fera. Mais on ne sait pas si cela sera considéré comme une dette publique ou un special purpose vehicle. Dans le second cas, la dette publique ne va pas augmenter ».
Si pour l’heure, il n’y a pas grand-chose à Côte-d’Or à part le complexe sportif, « de grands projets y sont prévus, notamment la construction d’une Smart City et d’une université. Le gouvernement veut faire de cette région un ‘hub’ qui attirera des investissements privés. S’il y a un important développement économique, avec la création de beaucoup d’emplois, le métro sera très utilisé », poursuit l’économiste, en rappelant que personne ne croyait au projet de la Cybercité d’Ébène.
Selon lui, il faudra cependant compter près de 10 ans avant que Côte-d’Or ne devienne réellement un pôle d’attractivité. « La ligne de métro ne sera rentable que quand le projet sera complètement terminé. Ce ne sera pas le cas dans deux ans ou même cinq ans. En attendant, il serait peut-être préférable de partir sur un tracé qui garantirait un retour sur investissement à plus court terme. »
L’économiste Pierre Dinan pose plusieurs questions. « Est-ce que cet investissement va apporter de la valeur ajoutée à notre économie ? Est-ce que la région de Côte-d’Or sera suffisamment développée ? L’introduction du Metro Express va-t-elle s’accompagner d’une réduction de nos importations de carburants ? Pour le moment, on ne sait pas vraiment. » Pour lui, comme il s’agit d’un projet public, la population est en droit d’avoir les informations voulues et des réponses à ces questions.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !