Après la fermeture soudaine de l’usine Palmar Ltée le 22 février, ils sont environ 1 300 employés à se retrouver sur le pavé, sans indemnités de licenciement après des années de bons et loyaux services. Au chômage, ils ne savent pas comment sortir de cette impasse.
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Oomadevi Janikeramudu, 55 ans : «C’est la troisième fois que je me retrouve sur le pavé»
Oomadevi Janikeramudu, âgée de 55 ans, a l’impression de revivre le même cauchemar qu’en 1987 et 1994. Il s’agit en effet de la troisième fois que cette habitante de La Source, Flacq, est confrontée à un licenciement. Raison pour laquelle elle estime qu’il est temps que les autorités revoient les conditions des employés lorsqu’ils se retrouvent dans une telle situation.
« Bizin pey nou nou tan servis. Koumsa nou kapav debriye. Laz ki mo ena la, kot pou re al gagn travay. Li pa fasil », confie la quinquagénaire, qui a travaillé pendant 23 ans à l’usine Palmar Ltée. Lorsqu’elle y fait son entrée, elle est aux abois et la pauvreté fait rage. Elle y entre avec un objectif bien précis en tête : payer les études de son fils. Son salaire initial : Rs 2 500 par mois.
Il faudra qu’elle attende bien des années plus tard pour commencer à percevoir le salaire minimum fixé à Rs 8 500. Sauf que cela ne dure qu’un an, car elle perd son emploi le 22 février 2019.
En ce moment, elle fait avec les moyens du bord. La pension que perçoit son mari ne suffit pas. Elle raconte qu’elle peine à terminer le mois lorsqu’elle paie les factures et achète des légumes ainsi que des provisions. « Kan mo panse monn travay tou sa letan la. Monn fer sakrifis. Fer overtime pou finalman fini koumsa… » Comme un malheur ne vient jamais seul, Oomadevi Janikeramudu est tombée malade, probablement à cause du stress généré par la perte de son emploi.
Audrey*, 42 ans : «Je me sens trahie»
Audrey*, qui est machiniste, prend son licenciement comme une trahison. Son sentiment de frustration est d’autant plus grand que cela faisait 18 ans qu’elle travaillait à Palmar Ltée. « Monn fer boukou sakrifis ek monn travay dir pou konpani la. Mo santi mwa trahi. » Mère de deux enfants âgés de 11 ans et de 18 ans, Audrey, 42 ans, raconte son calvaire, en larmes. Son mari est maçon, mais il n’a pas de salaire fixe. L’habitante d’Argy est dans l’incapacité de nourrir sa famille. Le fait qu’elle n’ait reçu aucune compensation exacerbe son mal-être. Elle lance un appel à toute personne qui pourrait l’aider à trouver un emploi. En attendant, la quadragénaire a cruellement besoin de vivres.
*Prénom modifié
Satyam Doongoor, 47 ans : «Au final, à quoi servent les années de service ?»
Son fils étudie à l’université de Maurice. Sa fille se prépare à prendre part aux examens du Higher School Certificate. Quant à sa femme Sangeeta, elle ne travaille pas. Satyam Doongoor est dévasté. Lui qui a travaillé durant 27 ans au sein de Palmar Ltée.
L’habitant de Laventure raconte qu’il n’a que 19 ans quand il se fait embaucher comme opérateur. Grâce à son dévouement, il gravit les échelons pour devenir Acting Dye House Manager avant de finir manager du Dye House peu de temps après. Poste qu’il occupera jusqu’à la fermeture de l’usine.
Ce père est désespéré car, en voulant améliorer les conditions de vie des siens, il a puisé dans ses économies pour réaliser des projets. Aujourd’hui, il est au pied du mur. « Mo pa kone si mo bizin lans mwa a mo kont ou rod enn lot travay. Apre tou sa lane, tan servis pa mem konte. » Il sollicite l’aide de toute personne qui pourrait l’aider à se lancer dans la culture sous serre.
Nicolette Bucktorah, 59 ans : «Trente-huit ans de service à la poubelle»
Lorsque Nicolette Bucktorah a appris son licenciement, c’est comme si elle avait reçu un coup de massue sur la tête. À 59 ans, elle approchait de l’âge de la retraite. Là voilà retour à la case départ, après 38 années de bons et loyaux services au sein de Palmar Ltée.
L’habitante de Cité Argy, Flacq, n’est pas près d’oublier ce 22 février 2019. Il est 7 h 30 quand la quinquagénaire, qui habite non loin, arrive sur le site ce jour-là. Son intention est de prendre les clés et de lancer les opérations en attendant l’arrivée de ses collègues.
Sauf qu’en arrivant, elle se rend compte que les vigiles à l’entrée ne sont pas ceux qu’elle connaît. La porte est verrouillée avec un cadenas. Nicolette Bucktorah n’a qu’autre choix que d’attendre pour s’enquérir de la situation. « Mo ti trouve lor Facebook ki li pe ferme. Mo pann pran kont parski monn dir mwa ankor ena louvraz an operasion. Monn gagn sok. »
C’est en 1980 que Nicolette Bucktorah est embauchée par l’usine Palmar Ltée. Elle a pour tâche de couper le fil contre un maigre salaire. Elle raconte que si elle s’est retrouvée à travailler dans une usine à l’âge de 18 ans c’est à cause de la pauvreté. Comme elle est le deuxième enfant de sa fratrie qui en compte cinq, elle abandonne l’école pour aider sa mère financièrement.
Après son mariage, elle continue de travailler pour assurer l’éducation de ses enfants. De coupeuse de fil à chef de coupe, elle finit par devenir superviseuse bien des années plus tard, opérant sur la chaîne de production de l’usine.
Actuellement, dit-elle, elle est dépendante de son mari qui est à la retraite. « Tousa letan la monn travay. Aster bizin depann lor dimounn. Anplis nou pa pe gagn kompensasion. Nou pe ale vini Port-Louis dan lespwar nou gagn nou kas. Li pa fasil sirtou kan ou donn boukou depenn dan ou travay tousa lanela. »
Le couple Aucharaz : «C’est encore plus dur quand on est deux à être licencié»
Rude épreuve pour le couple Aucharaz qui habite Laventure, Flacq. Mari et femme sont au chômage depuis la fermeture de Palmar Ltée. Ajay Aucharaz, âgé de 52 ans, ne cache pas ses difficultés pour arrondir ses fins de mois. Idem pour sa femme Kavita, 45 ans. Ils recherchent rapidement un emploi pour subvenir aux besoins des leurs. Ajay Aucharaz, qui a débuté comme opérateur dans la section maintenance en 2006, compte treize années de service à Palmar Ltée. Kavita y a été embauchée sept ans de cela.
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