Une question parlementaire est déjà prévue pour la semaine prochaine sur la lettre de dénonciation adressée par un employé de Mauritius Post Ltd à sa hiérarchie. Dans cette correspondance, le Postal Officer affirme que des membres de la Special Striking Team, sans présenter de mandat, l’ont obligé à leur remettre un colis en provenance d’Allemagne et à le déballer devant eux. Il s’agirait du colis contenant de la drogue qui a fait l’objet d’une opération de livraison contrôlée au domicile de l’avocat Akil Bissessur.
L’opposition ne compte pas rester les bras croisés après la lettre de dénonciation d’un employé de Mauritius Post Ltd qui travaille à l’aéroport. Le 19 juin dernier, celui-ci s’est plaint auprès de sa hiérarchie des agissements de policiers de la Special Striking Team (SST). Selon lui, ces derniers l’auraient contraint à leur remettre un colis suspect en provenance d’Allemagne et à le déballer devant eux sans lui avoir présenté de mandat. Dans sa correspondance, il souligne que la procédure réglementaire n’a pas été respectée. Le Parti travailliste indique qu’une question parlementaire sur cette affaire est en préparation pour la séance de mardi prochain.
Le PM « pas au courant »
Ce mardi à l’Assemblée nationale, Reza Uteem, député du Mouvement militant mauricien, a déjà demandé au Premier ministre s’il était au courant de cette lettre. Pravind Jugnauth a affirmé « ne pas être au courant de l’existence d’une lettre ». « Si l’honorable membre peut me procurer cette lettre, je vais certainement… C’est où ? Je ne vais pas chercher partout. Si c’est partout, remettez-moi une copie », a ajouté le chef du gouvernement.
Dans la lettre de dénonciation, le Postal Officer raconte que le 19 juin, il se trouvait sur son lieu de travail, au bureau de Plaisance Air Transport Services (PATS) à Plaine-Magnien, lorsqu’il a été informé, par un policier se présentant comme un membre de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (Adsu) et un élément de la Customs Anti-Narcotics Section (CANS), qu’un colis suspect venant d’Allemagne (« despatch n° 179 ») était attendu. « Je les ai mis au courant que le sac était entré. Zot inn dir mwa donn sak-la. Je leur ai dit que je ne pouvais pas parce que c’est une propriété de la Mauritius Post. Zot inn dir mwa zot pou pran sak-la zis pou ‘scanning’ », écrit-il.
L’ASP Jagai en personne
L’employé de la poste explique qu’il a contacté son supérieur hiérarchique, l’Area Manager. « C’est sur l’insistance des officiers de l’Adsu et de la CANS que j’ai remis le sac. Zot finn dir ki zot bizin fer ‘scanning’ dan mo prezans. Apre scanning, bann-la inn dir bizin ouver sak-la dan mo prezans. J’ai refusé. J’ai appelé mon supérieur hiérarchique pour la deuxième fois. Linn dir bizin enn warrant (…) Un peu plus tard, à ma grande surprise, une vingtaine d’éléments de la SST sont arrivés et m’ont entouré », poursuit le Postal Officer. Selon lui, l’ASP Ashik Jagai, qui dirige la SST, aurait insisté personnellement pour avoir le sac et aurait dit qu’il n’avait d’ordre à recevoir de personne.
Colis destiné à « Avinash Sesur »
Le Postal Officer affirme ensuite que les policiers de la SST ont pris le sac et se sont enfermés dans l’entrepôt. « Zot finn poz sak-la lor enn latab. Zot inn ouver sak-la ek zot finn fer apel mwa (…) Dan sak-la ti ena trwa bwat parsel ki adrese a trwa dimoun diferan. Ti ena ene bwat ladan ki adrese a enn denome Avinash Sesur ki sipoze livre a Avenue des Tulipes a Quatre-Bornes (…) », indique-t-il dans sa lettre. Selon lui, l’exercice a été enregistré « under camera ». La CANS, ajoute-t-il, aurait alors effectué un test et confirmé qu’il s’agissait de drogue. « Zot inn fer mwa signe lor enn anvlop kot zot inn sele ladrog-la. Finalma zot inn prepar enn ‘dummy’ dan mo labsans pou ki zot remet li dan sak lapost la pou livrezon », dit-il. Et de conclure : « Une fois à Port-Louis, après que j’ai remis tous les colis au douanier du bureau de poste, je ne sais rien des procédures qui ont suivi ».
« Rien d’irrégulier » selon la police
Au niveau de la cellule de communication de la police, on affirme qu’il n’y a « rien eu d’irrégulier » dans l’opération de la SST ayant mené à la saisie de 1 022 comprimés d’Ecstasy puis à l’arrestation des frères Akil et Avinash Bissessur et de Doomila Moheeputh le 20 juin dernier. « Toutes les procédures ont été suivies à la lettre. Le colis a été ouvert en présence du Postal Officer, des officiers de la CANS, de l’Adsu et de la SST », précise-t-on.
Contacté dimanche par Le Défi Quotidien, l’ASP Ashik Jagai a déclaré que ni lui, ni son équipe n’avaient quoi que ce soit à se reprocher. Il soutient que la SST était bien en possession d’un mandat signé par un magistrat.
La réponse du Premier ministre au Parlement la semaine dernière
L’opération de « controlled delivery » menée par la SST au domicile de l’avocat Akil Bissessur le 20 juin était à l’agenda de la séance parlementaire du mardi 27 juin. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a expliqué qu’un colis en provenance de la Frankfurt Dutch Post, en Allemagne, était arrivé à bord du vol BA2065 de British Airways, venant de Londres, par le biais de DHL Packet Courier Services, le 16 juin 2023. L’adresse indiquée sur le colis était « avenue des Tulipes, Quatre-Bornes » et un numéro de téléphone portable local était également inscrit.
« Le 19 juin 2023, sur la base d’informations recueillies, l’équipe de la SST a intercepté le colis à Ground 2 Air Warehouse, à l’aéroport Sir Seewoosagur Ramgoolam, en vertu d’un mandat de perquisition. Le colis a été ouvert en présence des officiers des services postaux, de Plaisance Air Transport Services Ltd, de la Customs Anti-Narcotics Section et de la brigade antidrogue », a indiqué le PM.
Selon Pravind Jugnauth, des membres de la CANS ont effectué un test préliminaire sur les comprimés soupçonnés d'être de l’Ecstasy. Le test s’est révélé positif. Les pilules ont donc été saisies et transmises au Forensic Science Laboratory pour analyse. Le 20 juin 2023, conformément à l’article 55 de la Dangerous Drugs Act, la police a organisé un « joint control delivery ». « C’est ainsi qu’Akil Bissessur et Doomila Moheeputh ont été arrêtés. Le même jour, à la suite de certaines informations fiables et en vertu d’un mandat de perquisition, la police a perquisitionné les locaux d’Avinash Bissessur et une certaine quantité de pilules, soupçonnées d’être des drogues dangereuses, a été saisie. Ce qui a mené à l’arrestation d’Avinash Bissessur », a déclaré Pravind Jugnauth.
L’Union of Post Office Workers Number 1 : « Le Postal Officer a suivi les instructions de son supérieur »
« Le Postal Officer a suivi les instructions de son supérieur hiérarchique », affirme l’Union of Post Office Workers Number 1. Pour rappel, le syndicat a été inclus en copie dans la lettre de dénonciation rédigée par l’employé de la Mauritius Post. « Le contenu de la lettre reflète les propos tenus par notre membre. Toutefois, en tant que syndicat, nous veillerons à ce que la sécurité du Postal Officer soit respectée », ajoute la plateforme syndicale.
De son côté, Mauritius Post Ltd a initié une enquête interne. « Nous allons nous enquérir de la situation au plus vite. Le protocole veut que nous vérifiions la véracité des allégations de notre employé », explique une source au niveau de la direction de la poste.
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