
- L’octogénaire : « Monn perdi mon konfians an dimounn »
Sarojini Gopal, 82 ans, installée depuis plusieurs décennies en France, avait rêvé de ce retour à Maurice depuis longtemps. Du 4 mai au 4 juin 2025, elle souhaitait retrouver ses proches, respirer l’air de son île natale et profiter de cette parenthèse pour rénover sa vieille maison familiale à Coromandel. Ce qui devait être un séjour de sérénité et de nostalgie s’est transformé en cauchemar : elle a perdu ses économies, soit Rs 560 000, escroquées par un homme en qui elle avait placé sa confiance.
Tout commence dès son arrivée à l’aéroport de Plaisance. Fatiguée mais heureuse, Sarojini fait la connaissance d’un chauffeur de taxi, Jameel Khan Mohammad Beelunkhun, domicilié à Camp-Chapelon, Port-Louis. Sympathique et serviable, il engage la conversation et s’intéresse à ses projets. Lorsqu’elle lui confie son intention de rénover la maison, il évoque un « ami entrepreneur » capable d’exécuter les travaux rapidement. Séduite par cette proposition et sans se douter du piège, la vieille dame accepte de lui confier le projet.
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Jameel Beelunkhun promet de superviser les travaux, d’acheter les matériaux nécessaires et de suivre le chantier, à condition que tous les paiements passent par lui et que la retraitée lui remette les clés de sa maison. Les jours suivants, Sarojini Gopal l’accompagne à la banque à Cassis pour effectuer trois retraits successifs, totalisant Rs 360 000, qu’elle lui remet en liquide, convaincue d’investir dans la rénovation. « Mo ti krwar mo pe fer enn bon zafer. Li ti koz avek mwa ek enn gran douser, enn gran konfians. Li fer mwa krwar ki tou pou fini bien vit », confie-t-elle, bouleversée.
Le 11 mai, l’octogénaire remet les clés de la maison à Jameel Beelunkhun et part chez son frère à Chemin-Grenier. Le chauffeur la dépose lui-même, sourire aux lèvres, promettant que tout serait terminé dans deux semaines. La confiance de Sarojini est aveugle. Elle lui parle même de rédiger un testament pour que ses enfants héritent de ses biens. Profitant de cette naïveté, le chauffeur soutire Rs 200 000 supplémentaires et, quelques jours plus tard, Rs 96 000 encore, éveillant peu à peu ses soupçons.
Inquiète, Sarojini contacte ses enfants, qui découvrent alors la véritable nature de Jameel Beelunkhun : un présumé escroc déjà connu des services de police et impliqué dans des affaires de « swindling ». Elle tente de le joindre, mais sans succès. Lorsqu’elle retourne à Coromandel, la réalité frappe : aucune trace de travaux, pas un sac de ciment, pas un ouvrier. Sa maison reste telle qu’elle l’avait laissée. « Kan ou ena 82 an e ki dimounn piez ou koumsa, ou santi ounn perdi tou. Pa zis larzan, me ou konfians an dimounn », confie-t-elle, la gorge serrée.
Pour sa famille, la nouvelle est un choc. La colère se mêle à la consternation : comment une femme âgée, isolée, peut-elle se sentir en sécurité dans un pays où des individus sans scrupules exploitent la vulnérabilité des seniors ? Déterminée à obtenir justice, Sarojini Gopal dépose plainte le 29 mai au poste de police de Line Barracks pour Rs 360 000. Une enquête est ouverte pour détournement, et le nom de Jameel Beelunkhun apparaît noir sur blanc dans le dossier. Il est arrêté puis libéré sous caution. Sarojini prévoit également de déposer une nouvelle plainte à la police de Chemin-Grenier pour Rs 200 000.
Au-delà du préjudice financier, le traumatisme psychologique est immense. « Mo ti anvi kit mo lakaz an bon eta avan mo al Moris pou dernie fwa. Zordi mo trouv mwa avek nanye, zis soufrans », dit-elle en larmes.
Sarojini a regagné la France début juin, le cœur lourd et les mains vides, marquée par cette trahison. Son séjour, pensé comme une ode aux souvenirs et à la famille, restera à jamais des « vacances de l’amertume ».
Restituer l’argent
Contacté, Jameel Beelunkhun a laissé entendre qu’il entreprenait des démarches via son avocat pour restituer l’argent à Sarojini. L’avocat, pour des raisons éthiques, préfère s’abstenir de tout commentaire.
Un récidiviste
Cette affaire n’est pas un cas isolé. Jameel Khan Mohammad Beelunkhun, 32 ans, avait déjà été arrêté le 29 août 2023 par la CID de Terre-Rouge pour avoir escroqué près d’un demi-million de roupies à Fabrice L’Éveillé, directeur de Convetec Equipment and Services Ltd. Il avait proposé un investissement fictif dans un fonds boursier et inventé un contrat de rénovation de Rs 47 millions, obtenant ainsi Rs 250 000 supplémentaires en espèces. Lors de son arrestation, il avait avoué les faits et avait été provisoirement inculpé d’escroquerie devant la cour de Pamplemousses.

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