Les retombées de la mobilisation de samedi décryptées 

L’activiste Bruneau Laurette a organisé, le samedi 29 octobre, une manifestation à la Place d’Armes, à Port-Louis. Lors de celle-ci, il a évoqué des scandales : l’affaire Kistnen et le naufrage du Wakashio, entre autres. Des observateurs politiques estiment que ce rendez-vous n’a pas pu réunir les politiques et encore moins les citoyens. Selon eux, les différences entre les partis de l’opposition étaient visibles.

Divisions et lacunes

L’observateur politique, Faizal Jeeroburkhan indique qu’on est loin de la mobilisation et de l’engouement témoignés en août 2020. « C’était un mouvement purement citoyen sans la participation des politiciens aux passés peu honorables. Malheureusement, le rassemblement de samedi a souffert de plusieurs lacunes. Il y a surtout les divisions et les querelles dans les rangs des partis de l’opposition parlementaire et extra-parlementaire », avance Faizal Jeeroburkhan.

Épée de Damoclès

Cependant, il est d’avis que Bruneau Laurette a pu tenir ses promesses. Car les organisateurs ont surmonté de nombreuses difficultés. Et d’autres facteurs ont possiblement freiné la libre participation des citoyens.

« Les gens ont peur de la brutalité policière et des caméras de Safe City suspendues comme l’épée de Damoclès sur leurs têtes. L’absence de réaction du pouvoir en place fait que beaucoup de personnes ont perdu tout espoir et sont finalement résignées. Elles préfèrent simplement suivre le rassemblement à moindre coût et en toute sécurité sur les réseaux sociaux », ajoute-t-il.

Aura

Il pense aussi que Bruneau Laurette a perdu son aura initiale après ses nombreuses prises de positions contradictoires. Il y a aussi eu ses coups de gueule et ses démêlés avec d’autres groupuscules qui ont pourtant des agendas communs. Il rappelle qu’il s’était fait remarquer au début comme un « grand rassembleur ». « Après ses tergiversations et ses associations suivies de dissociations avec des personnalités politiques et des partis politiques, il a semé des doutes auprès de ses supporteurs. »

Opposition encombrée

Pour sa part, l’historien et observateur, Jocelyn Chan Low déclare aussi que le rassemblement de samedi ne peut être comparé à la manifestation liée au naufrage du Wakashio.

« L’organisateur principal de la manifestation d’août 2020, qui était Rezistans ek Alternativ, n’était pas de la partie. Ce qui fait le rassemblement a vu la participation de Bruneau Laurette et de ceux qui soutiennent sa démarche. On se demande ce qui va se passer après ? », s’interroge-t-il.

Comme Faizal Jeeroburkhan, il évoque aussi que ce rassemblement met en avant les différences entre les partis de l’opposition. « L’opposition est encombrée avec tout ce monde. Il y a au fait une guerre de place de l’opposition au lieu de se focaliser sur le gouvernement. Néanmoins, les messages étaient importants. Bruneau Laurette se présente comme l’alternative, voire une bargaining chip », estime-t-il.

Responsabilité

L’observateur Jack Bizlall est sceptique. « L’action de Bruneau Laurette ne mènera nulle part. Il est cependant libre de tenir des rassemblements. Il y a des personnes qui font des analyses après des scandales. Au fait, tout ce qui se passe est à cause du soutien à des dynasties. Chacun doit assumer sa responsabilité », lance Jack Bizlall. Il assume la sienne et compte venir d’ici la fin de novembre avec un projet de nouvelle Constitution pour passer à une deuxième République.

Mythe

Un observateur politique a émis l’hypothèse que l’objectif de ce rassemblement était « de casser l’entente entre le Parti mauricien social-démocrate et le Mouvement militant mauricien ». « Le grand perdant reste le Parti travailliste dont le leader s’est impliqué personnellement en étant présent. Ce qui fait le jeu du Mouvement socialiste militant », avance-t-il. Pour lui, il est clair que le mythe que Bruneau Laurette est un rassembleur a volé en éclat.

Coup raté

Abdallah Goolamallee, chargé de cours en communication à Curtin University et observateur politique, pense que l’attente de la population est autre. « C’est vrai que l’affaire Kistnen est sérieuse et grave. “ It cannot be taken for granted ” comme dit l’Anglais. Mais la population attend que les responsabilités soient établies. Et que la vérité soit révélée. La vérité, pas une perception de la vérité », fait observer Abdallah Goolamallee.

Marche citoyenne v marche politique

Selon lui, l’idée derrière ce rassemblement était une marche citoyenne. Comme annoncé par les organisateurs. Mais la question se pose : est-ce que ce fut une marche citoyenne ou politique ? « Certains diront qu’une marche citoyenne est en elle-même une action politique du citoyen. Je suis d’accord. Mais dans le cas de la marche de samedi à la Place d’Armes, les bienveillants citoyens engagés ont été “ hijacked ” par les dinosaures politiques et les partis politiques traditionnels et dépassés. »

Il est d’avis que beaucoup de personnes n’arrivent pas à comprendre que les partis politiques, dépassés et qui ont failli dans le passé, repoussent le citoyen. Donc l’idée de ce rassemblement en forme de marche citoyenne est faussée dès le départ.

« Ce qui confirme le scepticisme de beaucoup d’observateurs politiques quant au succès de ce rassemblement jusqu’à la veille. La marche confirme que c’était plus les politiciens des partis traditionnels, leurs sympathisants, adhérents, aspirants et moins les citoyens. Donc c’est un coup raté pour les organisateurs », lance-t-il.