Le décès de la reine Elizabeth II, survenu le jeudi 8 septembre, émeut le monde et les Mauriciens. Certains ont eu l’opportunité de la rencontrer. Ils remontent dans le passé et partagent leurs souvenirs. Leur rencontre avec la souveraine britannique les a marqués à vie.
Cassam Uteem, ancien président de la République : «Je l’ai rencontrée en mars 2000 dans le cadre d’une visite officielle»
En mars 2000, alors qu’il était président de la République, Cassam Uteem raconte avoir eu l’honneur de rencontrer la reine Elizabeth II à Buckingham Palace. « C’était dans le cadre d’une visite officielle. J’étais alors accompagné de mon épouse. »
Il dit se rappeler de « cette grande dame élégante. Elle connaissait très bien Maurice et y avait été accueillie de manière chaleureuse en 1972. Elle nous a raconté qu’elle garde de bons souvenirs de sa visite dans notre pays ». Ils ont été reçus en audience pendant une dizaine de minutes.
Pour Cassam Uteem, la reine Elizabeth II a toujours su renforcer les relations entre les pays du Commonwealth durant sa longue période de règne et leur a permis de progresser. « Le monde entier pleure sa disparition. C’est une grande perte pour la Grande-Bretagne. »
Lady Sarojini Jugnauth : «La reine avait un sourire amical et tendre»
La disparition de la reine Elizabeth II a attristé lady Sarojini Jugnauth, 83 ans. Elle raconte que sir Anerood Jugnauth (SAJ) et elle l’avaient rencontrée dans plusieurs sommets du Commonwealth. La dernière fois, c’était en novembre 2015.
« Maurice fait partie du Commonwealth et la couronne d’Angleterre était la cheffe du Commonwealth. Nous étions donc proches et partagions un lien spécial avec elle », dit-elle.
Lady Sarojini Jugnauth a surtout été marquée par le « sourire amical et tendre » de la reine Elizabeth II. « Un jour, sir Anerood Jugnauth et moi avions rencontré la reine dans un événement. Elle l’a connu comme Premier ministre et aussi quand il n’occupait pas cette fonction. Puis, il a été réélu comme Premier ministre. La reine a demandé à sir, ‘can you tell me how you do it?’. Elle était visiblement impressionnée. Et nous avons souri. Sir lui a répondu, ‘it happened by God’s grace’ », partage-t-elle.
Elle ajoute que SAJ était Queen’s Counsel avant d’être élevé au rang de « sir ». Ce titre lui a été conféré par la reine en 1988. Pour la cérémonie, le couple Jugnauth s’était rendu à Buckingham Palace. « Sir s’est agenouillé devant la reine et elle lui a touché les épaules avec son épée. C’était un moment empreint d’émotion et de fierté. »
Sir Bhinod Bacha, conseiller au bureau du Premier ministre : «Pour moi, la reine venait du ciel»
Le 30 décembre 1991, Bhinod Bacha et François Henri Yoo Foo sont les deux derniers Mauriciens à être élevés au rang de « Knight Bachelor ». Ce, avant que Maurice n’accède au statut de République en mars 1992. Ils ont été anoblis par la reine Elizabeth II à Buckingham Palace en 1992. Sir Bhinod Bacha s’en souvient encore.
« Nous nous sommes rendus au palais pour recevoir notre distinction. Il fallait suivre le protocole royal à la lettre et s’habiller selon les règlements. Nos noms ont été appelés et à tour de rôle on s’est présenté devant la reine », se remémore-t-il.
Évoluant dans la fonction publique depuis 1968 et principalement en tant que conseiller au bureau du Premier ministre, sir Bhinod Bacha raconte qu’il s’est agenouillé sur un tabouret. « La reine a ensuite posé son épée sur mes épaules pour m’anoblir. Elle m’a demandé ‘how is Mauritius? I hope the country is doing well’, avant de me souhaiter ‘Good luck to you and to Mauritius’. Ces mots m’ont touché », indique cet habitant de Quatre-Bornes.
Il fait ressortir qu’il a aussi reçu le titre de CMG (Companion – Most Distinguished Order of Saint Michael and Saint George) en 1989. « Dès fois, il fallait attendre cinq ans ou plus pour devenir ‘sir’ », dit-il.
Il se rappelle également de la visite de la reine Elizabeth II et de son époux, le prince Philip, à Maurice en 1972. Sir Bhinod Bacha était alors le conseiller de sir Seewoosagur Ramgoolam. « Sa visite était bien organisée. Je l’ai vu pendant qu’elle saluait les dignitaires et les invités. »
Il retient le sourire amical et la grâce de la reine. « Elle était apolitique et faisait preuve de considération. Pour moi, la reine venait du ciel. Elle était comme une magie », souligne-t-il. Il l’a aussi rencontrée dans plusieurs sommets du Commonwealth.
C’est pour cela que sir Bhinod Bacha est attristé par la mort de la reine. Dans la soirée du jeudi 8 septembre, il a pris connaissance de l’état de santé de la reine. « Je regardais les infos sur la chaîne britannique BBC. Ses enfants et ses petits-enfants se rendaient à son chevet. Je me doutais que son état se détériorait mais je souhaitais qu’elle s’en sorte », confie sir Bhinod Bacha.
Ajay Domun, directeur de compagnie : «Je l’ai rencontrée à quatre reprises»
Depuis petit, Ajay Domun est fasciné par la reine Elizabeth II. « Get sa avion la pe al kot larenn Angleter », lui disait souvent sa maman. « Malheureusement, le Royaume-Uni a perdu sa marque la plus puissante et la plus aimante. Il a été témoin de la disparition d’un sage dirigeant et d’une grande dame. »
Chief Executive Officer (CEO) d’un groupe de onze sociétés internationales, il réside en Angleterre depuis 1993. Il habite à Londres, à dix minutes de Buckingham Palace, résidence officielle des souverains britanniques. Ajay Domun n’aurait jamais imaginé qu’un jour il aurait le privilège de serrer la main de la reine. « Je n’échangerais pas ces moments spéciaux contre la poignée de main d’un président. La reine est spéciale. J’e l’ai rencontrée à quatre reprises entre 1999 et 2015. »
Le Mauricien a été présenté pour la première fois à la reine Elizabeth II comme le fondateur et le président du Goodenough Horseriding Club en 1999. « Elle a pris le temps de parler aux 25 membres alignés pour la saluer. Le directeur de l’époque, le général Tim-Toyne Sewell, ex-commandant de Sandhurst, m’avait informé qu’elle serait ravie de savoir que notre équipe avait mis en place un club d’équitation regroupant 135 cavaliers. La reine était en effet attentive et sincèrement intéressée à nous entendre », partage-t-il.
Même en tant qu’activiste politique à Londres et démarchant pour le politicien Jeremy Corbyn, Ajay Domun n’a jamais caché son admiration pour la reine. Élu en 2019 en tant qu’officier du BAME (British Asian Ethnic Minority) pour la City of Westminster and The City of London Constituents Labour Party ainsi que Branch Secretary de St James & Pimlico CLP, présidé par sir Peter Heap, Ajay Domun était conscient que même en tant que fervent social-démocrate de gauche, il attirerait le mécontentement car il était partisan de la monarchie. « Je respecte beaucoup la personne qu’elle était plus que l’institution qu’elle représentait. Son dévouement, sa nature et sa sagesse devraient inspirer la plupart des politiciens », dit-il.
Ajay Domun indique que « les Mauriciens doivent comprendre que la reine aimait beaucoup et protégeait le Commonwealth avant de pointer du doigt le ‘colonialisme’ ». Il cite l’exemple du président américain Ronald Reagan qui a envahi la Grenade dans les années ‘80.
« La reine a appelé Downing Street et a menacé de dissoudre le Parlement si Margaret Thatcher, la Première ministre d’alors et une grande amie de Reagan, ne répondait pas. Margaret Thatcher a dû rappeler précipitamment et les Américains se sont ensuite retirés. Bien qu’elle n’ait jamais exprimé ses sentiments envers l’Union européenne, beaucoup pensent qu’elle était mécontente que le Commonwealth ait perdu ses préférences commerciales lorsque la Grande-Bretagne a adhéré à la CEE (Communauté économique européenne) /UE de l’époque », poursuit-il.
Barkha Mossae, Blue Economy Advisor et Karuna Rana, Social Entrepreneur : «On peut pleurer la reine et non l’Empire»
En juin 2015, la reine Elizabeth II a remis le prix de Queen’s Young Leaders (QYL) aux Mauriciennes Barkha Mossae et Karuna Rana, au palais de Buckingham, en Angleterre. Aux côtés d’un autre Mauricien, Yaaseen Edoo, elles ont fait partie de la première cohorte de QYL.
« Nous étions fous de joie quand nous avions appris que nous recevions ce prix. Mais nous n’étions pas conscients de l’impact de ce prix sur notre travail. Les ministres, les médias locaux et internationaux, nos amis et notre famille étaient tout à coup intéressés par notre travail sur le changement climatique, l’océan et le leadership des jeunes. Cela démontre l’étendue de l’héritage de la reine et ce qu’elle représentait pour le monde entier », disent-elles.
Barkha Mossae se remémore du sens de l’humour de la reine. « Il y avait environ trois autres Mauriciens qui étaient présents et ils se présentaient les uns après les autres, à tour de rôle. Arrivé mon tour, elle m’a demandé combien d’autres Mauriciens attendaient derrière moi », se souvient-elle.
Aujourd’hui, Barkha Mossae est Blue Economy Advisor à l’African Union Commission. Karuna Rana est Social Entrepreneur et cofondatrice de SYAH (SIDS Youth AIMS Hub). « Sa Majesté est une institution. Quels que soient nos sentiments à propos de la monarchie, la reine est un nom avec lequel nous avons grandi. La rencontrer a été une opportunité unique. Elle a pris le temps de poser les questions aux lauréats et a manifesté un intérêt pour notre travail. Elle avait l’esprit vif et drôle. Nous retenons l’image d’une grand-mère adorée », partagent-elle.
Barkha Mossae avait également rencontré la reine plus tôt en 2015. C’était lors de la réception du Commonwealth Day à l’abbaye de Westminster. « La lecture d’un extrait de la Bible dans la vaste abbaye de Westminster, avec la famille royale assise dans la première rangée, est l’un des moments que je chérirai pendant longtemps », confie-t-elle.
Les deux jeunes femmes disent qu’elles sont attristées par le décès de la reine Elizabeth II. « On peut pleurer la reine et non l’Empire », affirment-elle. Elles observent que cette disparition a suscité des émotions et des réactions contradictoires dans le monde entier. « Cela, à juste titre, car les gens réfléchissent à ce que la reine et la monarchie représentaient pour eux. Nous pensons que c’est important de reconnaître que deux réalités/vérités peuvent coexister en même temps. D’une part, il y a une longue histoire de colonialisme, d’oppression et d’exploitation associée aux monarchies britanniques. D’autre part, il y a l’héritage de la reine Elizabeth II consistant à tenter de moderniser la monarchie britannique de plusieurs manières et défendre les jeunes à travers le Commonwealth », soulignent-elle.
Yaaseen Edoo, leader de Young Voices : «J’ai été surpris par sa gentillesse, sa simplicité, son charisme»
Il a eu le privilège de rencontrer la reine Elizabeth II à deux reprises, soit en mai 2014 et en juin 2015. C’était au Palais de Saint James, lorsqu’il avait été nominé pour le Queen’s Young Leaders, prix qu’il a remporté en 2015. Yaaseen Edoo décrit ce moment comme « un conte de fées ».
Cet habitant de Terre-Rouge raconte avoir reçu le prix des mains de la souveraine en personne. « J’étais vraiment stressé et finalement, j’ai été épaté par ce personnage », dit le leader de Young Voices à Maurice.
Selon le jeune homme aujourd’hui âgé de 35 ans, un autre moment fort a été lors de la collation après la cérémonie. « La reine Elizabeth avait alors consacré un moment à ses convives et elle s’était approchée de moi et m’avait demandé ce que je faisais dans la vie », dit-il.
« J’ai été surpris par sa gentillesse, sa simplicité, son charisme. Elle avait salué mon travail et mon courage », poursuit Yaaseen Edoo.
Il se réjouit que sa mère, qui l’accompagnait, a aussi pu rencontrer la reine. « Le groupe était restreint et peu de personnes avaient eu la chance d’être invités à Maurice. Cette invitation avait pour but d’encourager et de valoriser les jeunes des pays faisant partie du Commonwealth qui œuvrent dans le social afin d’améliorer la qualité de vie des personnes en situation de handicap. »
Lors de son passage en Angleterre, le jeune homme a aussi eu le privilège de rencontrer le prince Philip. « Il avait conversé avec moi sur son passage à Maurice et m’avait dit qu’il avait très apprécié sa visite chez nous. »
Yaaseen Edoo révèle avoir versé quelques larmes en apprenant le décès de la reine Elizabeth II. « J’étais profondément triste. Même si cela n’avait duré qu’un bref moment, je me suis senti spécial lors de ma rencontre avec Sa Majesté. Et je suis reconnaissant que la reine ait reconnu mon travail en tant que jeune activiste pour les personnes en situation de handicap à Maurice. »
Subhas Purgus, comptable retraité : «Elle rayonnait et se démarquait par sa personnalité»
Subhas Purgus, 69 ans, comptable retraité, est le premier Mauricien élu comme membre au ACCA Council en 2003 à Londres. C’est pendant son mandat, soit en 2004, qu’il a eu l’occasion de rencontrer la reine Elizabeth II.
« C’était lors d’un événement au ACCA Head Quarters. Ce fut un grand honneur pour moi. Elle incarnait l’élégance et ne pouvait qu’inspirer le respect. »
Subhas Purgus se rappelle aussi de son charisme malgré sa petite taille. « Elle rayonnait et se démarquait par sa personnalité », confie le Mauricien qui a vécu en Angleterre pendant 12 ans. « Je garde un très bon souvenir de ce moment. Lorsque j’ai appris son décès, c’est d’ailleurs ce jour qui m’est revenu à l’esprit. Ce n’était pas une reine comme les autres. Elle nous manquera. »
Neidi Thatcher, avocate et auteure : «Je garde précieusement une lettre de la reine Elizabeth II»
Elle a fait son barreau en Angleterre. C’est durant cette période, soit en 2017, qu’elle garde ses meilleurs souvenirs de la reine Elizabeth II. C’est lors d’un cours résidentiel pour devenir membre du Honorable Society of the Inner Temple que Neidi Thatcher, avocate et auteure, a assisté à une messe au Old Queen Victoria Chapel. La reine y assistait aussi.
« Je me rappelle de chaque détail de ce moment. Les gens se déplaçaient en calèche pour se rendre à la messe, c’était très spécial. Ce jour-là, j’ai compris le vrai sens de la prière. »
En sortant de la chapelle, elle aperçoit la reine. Cette dernière se tenait à un peu plus de cinq mètres d’elle. « J’ai toujours eu beaucoup de respect pour elle, elle occupait une place spéciale dans mon cœur, j’admirais son calme et son humilité », indique Neidi Thatcher.
Une expérience qui l’inspirera par la suite à écrire son livre « The Soul Prayer ». Elle se remémore que des médailles ornaient sa table d’études dans un cadre en velours rouge ainsi que la photo de son grand-père qui avait été décoré par la reine. « Je suis fière aujourd’hui d’avoir réussi à lui communiquer le fond de mon cœur dans une lettre à laquelle j’ai joint mon livre. D’ailleurs, j’étais sur un petit nuage lorsqu’elle m’a répondu. Je garde précieusement cette lettre », confie-t-elle.
Et d’ajouter : « Elle est à jamais gravée dans mon esprit, mon cœur et mon âme. »
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