Faits Divers

Les jeunes et le mariage : Je t’aime… moi non plus

mariage

De moins en moins de mariages sont enregistrés chez nos jeunes. Rien qu’en 2017, 9757 mariages ont été célébrés contre 10 042 en 2016. Selon les chiffres de Statistics Mauritius, le mariage à Maurice a connu une baisse de 13% pour la période de 2007 à 2016. Beaucoup de jeunes prennent la décision de se marier de plus en plus tard.  L’âge pour avoir des enfants est également repoussé. Les  jeunes deviennent carriéristes. Ils désirent avoir un confort de vie avant de s’engager . Et veulent surtout voyager. Certainement, cela a une répercussion sur la démographie de Maurice.

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Aichah Soogree.

«Les moumounes… venez manger. » On croirait qu’Aichah Soogree sort cette phrase à ses enfants, mais ce sont ses chats qu’elles appellent pour le dîner.

C’est dans sa petite maison “container” que nous rencontrons Aichah Soogree, 37 ans. Il commence à faire nuit. C’est en compagnie de ses chats qu’elle passera la soirée. Vivre avec ses chats et son chien, qu’elle surnomme affectueusement Doggy, ne pose aucun problème pour Aichah. En revanche, c’est une autre histoire pour son entourage. 

« Ma maman plaisante en me disant que les autres femmes de son âge ont des petits-enfants alors qu’elle n’a que des chatons. D’habitude, on me dit ce genre de choses pour rigoler. Mais, au fond le message contient des préjugés. Je suis célibataire, je vis seule mais j’aime ma vie. La solitude ne me pèse pas du tout. J’aime bien la compagnie de mes animaux ».

Aichah avoue qu’elle est parfaitement bien dans sa peau. Elle vient de compléter sa première année universitaire. La trentenaire possède un emploi du temps bien chargé. Le mariage n’est pas une priorité pour elle.

« Mes priorités aujourd’hui: pouvoir travailler à la construction d’un monde meilleur. Je veux travailler avec des gens qui essaient de changer les choses. Je veux pouvoir faire avancer certaines causes et voir surtout à quel rythme elles avancent. C’est vrai que c’est moins visible qu’un foyer où grandissent des enfants. Peu importe la société où l’on vit, il ne faut pas se focaliser sur un microcosme. Et se dire que la vie ne s’arrête qu’à avoir des enfants, un mari ou une femme, une maison . Aujourd’hui, on parle de changement climatique, les droits humains sont toujours bafoués. Autant de causes sur lesquelles il faut s’attarder ».

« Vivre pour soi avant tout »

Pour Aichah, il est important d’avoir vécu sa vie avant de faire partie de celle d’un autre. « C’est bien d’avoir quelqu’un, mais c’est aussi bien de vivre pour soi. On va vivre avec quelqu’un. On passera tout notre temps avec lui ou elle. Est-ce qu’à la fin, on aura vécu pour nous? Pas forcément. Être un peu seul nous permet de faire les choses que l’on aime, de découvrir les choses que l’on aime avant de s’engager avec quelqu’un ».

Tout comme Aichah Soogree, Yogi Ramead est un jeune homme qui vit pleinement son temps. À 31 ans, il ne songe pas à se marier. Il juge primordial de se stabiliser financièrement avant de fonder une famille. « Avant même de penser à se marier, il faut trouver son propre endroit où vivre. C’est impensable d’emmener vivre sa femme sous le même toit que ses parents. Après, il y a des disputes qui surviennent. Puis, la belle-mère ne parle plus à la belle-fille. Tout cela pour dire qu’il est impératif d’avoir son chez-soi. Aussi bien que d’être indépendant financièrement avant de se caser ».

Après ses études supérieures au Canada et en Afrique du Sud, Yogi veut faire carrière en Tourism Management. Mais, à force de changer de boulot et de chercher le travail qui lui correspond, le jeune homme se voit à chaque fois dans l’obligation de repousser l’échéance du mariage.

« En ce moment, je suis caissier dans un restaurant et en parallèle je m’occupe d’une petite entreprise familiale. Avant de me trouver quelqu’une, j’aimerais d’abord trouver un travail stable. Ce qui est difficile, compte tenu du taux de chômage chez les gradués. »

Yogi Ramead.

De l’autre côté, Yogi aime le célibat.

« C’est tellement bien d’être libre de ses faits et gestes. Personne ne me demande où je suis à longueur de la journée, ni ce que je fais, ni à quelle heure je rentre à la maison. Pour le moment, j’apprécie cette quiétude », nous dit-il avec un joli sourire.

La carrière qui prend le dessus

« Je ne suis ni pour, ni contre le mariage. Ce  sont les circonstances de la vie qui font qu’aujourd’hui je suis célibataire. » Propos de Kevin qu’on a rencontré sur son lieu de travail. Il est 19h00, ce quadragénaire est toujours en poste.

Employé dans la communication, il n’a jusqu’ici pas trouvé le temps pour une relation amoureuse. Le mariage n’occupe plus ses pensées.  « À un certain moment de ma vie, j’ai commencé à m’occuper des postes de responsabilité. De ce fait,  ma carrière a pris le dessus et le mariage est passé au second plan. De plus, je n’avais pas le temps de m’engager dans une relation sérieuse. J’ai des heures de travail décalées. Je n’ai pas le temps de m’occuper d’une épouse et des enfants. Vivre en couple, cela demande quand même beaucoup de temps et d’attention.»

Il n’y a pas que le mariage dans la vie, précise Kevin. « Je regrette rien dans ma vie. Car, je pense qu’il n’y a pas que le mariage dans la vie. Pour certaines personnes, cela peut être un aspect très important, mais pas pour moi. Dans la vie, il y a tellement de choses à faire. »

Rajen Suntoo, sociologue : «Le mariage est devenu un choix»

« Les changements dans la société peuvent expliquer cette tendance chez les jeunes », selon le sociologue, Rajen Suntoo.

“Nous suivons les mêmes tendances que la société occidentale. L’influence se fait par internet. Le mariage n’est plus une necessité, mais il est devenu un choix. Les gens préfèrent se concentrer sur l’éducation et leur carrière, et aussi d’avoir une stabilité avant de se marier. Ce n’est que vers 32 ou 35 ans qu’ils prennent la décision de se marier ».

Selon lui, l’individualisme en fait partie. “L’individualisme est une chose que nous avons appris avec l’évolution de la société, ce qui n’est pas une mauvaise chose. Toutefois, l’individualisme ne marche pas dans un couple. »

Pour Rajen Suntoo, la décision d’avoir un enfant arrive de plus en plus tard. Le confort est devenu plus important voire primordial. “C’est la société qui se développe comme cela. Les jeunes se marient tard et ne veulent pas avoir d’enfants tout de suite. Ils veulent avant tout en être sûrs que leurs enfants aient tout le confort possible. Auparavant, à 30 ans, certains parents avaient déjà trois enfants. Maintenant, cela a changé. Il est question de s’assurer du bien-être d’un enfant avant même qu’il soit conçu ».

Selon le sociologue, la baisse dans le taux de mariage et de naissance peut avoir des conséquences sociales et économiques importantes. « Le Dependancy Ratio s’agrandit. Nous n’aurons pas assez de jeunes pour soutenir nos vieux.»

Denis Claude Koenig de Marriage Encounter : le couple passe par plusieurs phases, ce qui pourrait décourager les jeunes

Denis Claude Koenig, membre du Marriage Encounter, en a conseillé des couples. Pour lui, les jeunes veulent toujours construire une famille. Toutefois, il existe des facteurs qui font qu’aujourd’hui moins de gens veulent s’engager et se marier. « Le modèle de la cellule familiale a changé. Le rôle des femmes et des hommes a changé dans le mariage. Autrefois, la femme restait à la maison, s’occupait des enfants et était la gardienne des valeurs. Aujourd’hui, elle travaille, elle a une carrière et a une influence sur la cellule familiale. Il faut aussi faire ressortir que la base du mariage a une origine religieuse. La foi a diminué aujourd’hui. Certains jeunes la voit comme depassée ou démodée. »

Selon ses dires, les priorités ont changé dans la formation d’un couple. « Aujourd’hui les jeunes veulent tout et tout de suite. La stabilité financière et matérielle avant de s’engager. Avant, on se mariait et petit à petit on construisait quelque chose. Maintenant, il faut tout avoir avant de se marier. L’autre facteur est la peur de l’échec. Les divorces, les couples qui souffrent, les enfants qui souffrent et avant de s’engager ils veulent être surs de ce qu’ils font ».  Le conseiller en mariage explique par ailleurs que le couple passe par plusieurs phases, ce qui pourrait décourager les jeunes. « Il y a la courbe relationnelle où le couple passe par la romance au tout début. Les enfants arrivent, la famille se construit. Il y a la découverte. Après les couples entrent dans une période de désillusion. Ils se disent qu’ils ne peuvent plus réaliser leurs rêves. Ce qui était beau avant ne l’est plus ».

Marriage Encounter est un programme, proposé par le diocèse de Port-Louis, depuis 1984. L’objectif principal est d’encadrer les couples ayant six ou sept ans de vie commune dans leurs relations au quotidien. Et aussi leur apprendre les bases du vivre-ensemble et surtout apprendre à se pardonner mutuellement.

 

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