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Les infirmiers en attente d’actes, pas de promesses

Les infirmiers sont la colonne vertébrale du service de santé, souligne Ram Nowzadick.
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Ils sont là, partout, tout le temps. Présents dans chaque service, à chaque étage, jour et nuit. Et pourtant, ils restent les grands oubliés du système de santé. Les infirmiers sont ces piliers visibles, mais invisibilisés, indispensables au bon fonctionnement de tout l’appareil hospitalier.

C’est pourquoi l’annonce, dans le Budget 2025-26, du recrutement d’aspirants infirmiers et de la fusion de la School of Nursing avec le Mauritius Institute of Health (MIH) a suscité autant d’espoir que de doutes. Pour Ram Nowzadick, président de la Nursing Association, ces mesures sont loin de suffire face à l’ampleur de la crise.

« On parle d’un manque de 1 500 à 2 000 infirmiers dans le service public. Cette pénurie chronique menace directement la qualité des soins », alerte-t-il. « On a augmenté le nombre de lits dans les hôpitaux, construit de nouveaux centres comme le Flacq Hospital, le New Cancer Centre ou encore le futur hôpital ophtalmologique de Moka, mais les effectifs n’ont pas suivi. »

Et la pénurie ne touche pas que les infirmiers. Il manquerait aussi entre 300 et 400 Health Care Assistants (HCA), aggravant encore la charge du personnel en place. « Certains enchaînent les shifts, dorment sur des bancs pendant leurs pauses, sans espace de repos, ni cantine dans certains hôpitaux comme SAJ ou 
Jeetoo », déplore-t-il.

Pour répondre à l’urgence, Ram Nowzadick propose un plan structuré : recruter 300 aspirants infirmiers chaque année, en deux cohortes, en février et septembre. Mais il tempère immédiatement les attentes : « Il faut trois ans pour former un infirmier qualifié. L’effet ne sera pas immédiat, et encore faut-il que les cohortes soient complètes. »

Quant à la fusion annoncée entre le School of Nursing et le MIH, il se montre sceptique. « À ce jour, aucune politique claire n’a été communiquée. Quelle organisation ? Quel contenu de formation ? Quelle durée ? » Pour lui, seule la mise en place d’un campus moderne, avec des spécialisations, un encadrement renforcé et des programmes de formation continue, peut répondre aux besoins du pays.
Autre revendication majeure : la revalorisation salariale. Le salaire d’entrée, fixé à Rs 19 975, est jugé peu motivant au regard des contraintes du métier : horaires atypiques, nuits, week-ends, jours fériés… « Ce montant ne reflète ni les responsabilités ni la pénibilité du métier. Le Pay Research Bureau doit impérativement revoir sa copie », martèle-t-il.

À cela s’ajoutent des conditions de travail de plus en plus dégradées : violence verbale, parfois physique, frustration croissante du public face aux lenteurs du système, blocages de carrière, promotions retardées, sentiment d’injustice...

« Certains refusent même de retourner dans les services où ils ont été agressés », souligne-t-il. Résultat : une fuite vers le privé ou vers l’étranger de plus en plus marquée.

S’il salue le principe d’un nouveau recrutement, Ram Nowzadick reste prudent. Il regrette le flou qui entoure les chiffres, les modalités et l’impact réel de cette mesure. Quant au rappel d’infirmiers retraités, il doute de son efficacité : « Combien accepteront de revenir ? Rien n’est moins sûr. »

Le message est clair : il est temps de reconnaître enfin le rôle central des infirmiers. Ce désintérêt institutionnel a un coût humain. « Le statu quo est dangereux. Retarder les décisions, c’est compromettre la santé publique. » Il insiste : un investissement de quelques millions de roupies aujourd’hui permettra de préparer une économie plus forte demain. 

« Ce n’est pas une dépense, c’est un investissement. Il est temps d’agir, avec des mesures concrètes et durables. Redonnons à cette profession la place qu’elle mérite. »

Présent à chaque étape de la vie

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Pamela Gaspard, présidente de la section féminine de la Nursing Association.

Du premier cri d’un nourrisson aux derniers instants d’un patient, les infirmiers et infirmières accompagnent l’être humain dans toutes les étapes de son existence. Une présence constante, essentielle, souvent discrète mais profondément humaine, souligne Pamela Gaspard, présidente de la Women’s Section of the Nursing Association.

Loin de se limiter à l’administration de traitements, la profession infirmière couvre un large spectre de responsabilités. Elle est au cœur de la prévention, de la promotion de la santé, de l’écoute, de l’éducation et du suivi des patients, dans une approche holistique du soin. « Nous avons plusieurs autres responsabilités, surtout en ce qui concerne la promotion de la santé, de la prévention des maladies à l’accompagnement des patients », explique-t-elle.

Les infirmiers ne travaillent jamais seuls. Ils s’intègrent dans une équipe pluridisciplinaire aux côtés des médecins, physiothérapeutes, pharmaciens, nutritionnistes et autres professionnels de santé. Cette collaboration est cruciale pour garantir une prise en charge complète et de qualité. « Les infirmiers et les infirmières agissent comme un maillon central important dans le service de la santé afin d’assurer un soin de qualité. »

Le métier infirmier est un subtil équilibre entre compétences techniques, savoir-être et rigueur organisationnelle, fait valoir Pamela Gaspard. Il comprend l’évaluation de l’état de santé des patients, l’administration des traitements prescrits, mais aussi les soins d’hygiène et de confort, comme les bains et les pansements. « L’éducation sur la santé et le counselling figurent aussi parmi des responsabilités importantes. Cette éducation s’étend aux proches des patients sur leur maladie et traitements. »

À cela s’ajoutent des tâches moins visibles mais tout aussi essentielles : la tenue rigoureuse des documents médicaux, le suivi des signes vitaux (température, tension, glycémie…), et la gestion du matériel médical dans les services où les infirmiers sont affectés.

Le monde médical évolue rapidement, et les pratiques infirmières doivent suivre. La formation continue est donc une nécessité. « Afin de pouvoir assurer un soin de qualité, les infirmiers doivent suivre des sessions de formation continue afin d’être à jour quant aux nouvelles pratiques basées sur les évidences », rappelle Pamela Gaspard.

La Nursing Association organise régulièrement des ateliers et séances de formation afin de maintenir les compétences de ses membres à la hauteur des nouvelles technologies et des exigences du terrain. « À la Nursing Association, il y a des ateliers de travail sur la formation continue qui sont organisés afin de garder le niveau et être à jour par rapport aux récentes technologies », conclut-elle.

Les recommandations de la Nursing Association

Pour répondre aux multiples défis que connaît actuellement le service de santé public, la Nursing Association avance plusieurs propositions concrètes. Elle recommande tout d’abord une révision des conditions de travail et de rémunération, afin d’encourager le personnel à rester dans le service public. « Ceux qui sont passés du Certificate in Nursing au Diploma in General Nursing doivent bénéficier d’un ajustement salarial en conséquence », souligne Ram Nowzadick.

Il plaide également pour que les infirmiers aient la possibilité de poursuivre leur formation jusqu’au BSc in Nursing. Cela permettrait d’harmoniser les qualifications, d’autant que de nombreux postes à responsabilités exigent désormais un diplôme universitaire.

Autre priorité : la transformation de la School of Nursing en un véritable College of Nursing, doté de plusieurs facultés de spécialisation. « Le secteur de la santé est en constante évolution. Il est essentiel que nos infirmiers soient à la pointe de la formation », insiste-t-il. Pour cela, il préconise le recrutement d’au moins 25 formateurs supplémentaires.

La Nursing Association appelle également à une gestion plus régulière des promotions et à de meilleures infrastructures pour le personnel. « Il faut des espaces décents pour se restaurer, et une cantine dans chaque hôpital. » Enfin, Ram Nowzadick réitère l’urgence d’un recrutement massif : 300 infirmiers et 200 HCA sont nécessaires. Il propose par ailleurs la création d’un poste intermédiaire entre les deux grades : celui d’assistant nurse, afin de mieux répartir les responsabilités et renforcer les équipes sur le terrain.

 

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