Les dessous d’une démission : Vishnu Lutchmeenaraidoo allait-il être sanctionné ?

A-t-il démissionné le jeudi 21 mars 2019 car il savait qu’il serait révoqué au retour du Premier ministre, Pravind Jugnauth, durant le week-end ? C’est ce qu’on affirme dans le giron du chef du gouvernement. Ou est-ce juste une posture de la majorité gouvernementale devant cette démission qui a pris tout le monde de court ?

Jeudi matin, c’était le calme plat au ministère des Affaires étrangères. « Lors de la réunion de travail avec des responsables du ministère, nous avons parlé des affaires courantes. Vishnu Lutchmeenaraidoo était tout à fait normal. Je n’ai noté aucune exaspération chez lui », confie un proche collaborateur.

Grand est aussi l’étonnement des membres du personnel du ministère des Affaires étrangères, y compris des hauts cadres, quand ils apprennent que leur patron a soumis sa démission au président de la République par intérim, Barlen Vyapoory. Déjà en route pour la maison, certains cadres ont rebroussé chemin pour revenir au quartier-général des Affaires étrangères, à Newton Tower, Port-Louis, pour une ultime réunion avec Vishnu Lutchmeenaraidoo.

Selon nos sources, c’est une discussion avec le Premier ministre, qui est à Londres, qui aurait précipité les choses. Pravind Jugnauth n’a que très peu apprécié les propos tenus par Vishnu Lutchmeenaraidoo le 13 mars dernier et il l’a fait savoir (voir en page 5 : Les propos qui ont fâché).

Le jour d’après, au Défi Quotidien, à très haut niveau au sein du gouvernement, on confirmait une grosse colère vis-à-vis de Vishnu Lutchmeenaraidoo. « C’était inapproprié de venir dire cela. S’il estime qu’il vaut mieux que le gouvernement, il sait ce qui lui reste à faire. Il n’a qu’à partir », confiait-on dans le giron du Premier ministre. Le message était le suivant : si le ministre ne se sent plus à l’aise au sein de l’équipe gouvernementale, il est libre de faire ses valises. « Il était mal inspiré de dire ce genre de choses devant un chef d’État, l’invité d’honneur des célébrations de l’indépendance », ajoutait notre source. La déclaration de Vishnu Lutchmeenaraidoo est perçue comme une attaque directe du Premier ministre.

Si l’observation de l’ancien ministre des Affaires étrangères est prise tellement à cœur, c’est parce que Pravind Jugnauth est aussi ministre des Finances et que Vishnu Lutchmeenaraidoo était ministre des Finances de décembre 2014 jusqu’au 13 mars 2016. Suite à un mini-remaniement, il a été posté aux Affaires étrangères, officiellement, pour raison de surmenage. « Lorsque Vishnu Lutchmeenaraidoo a pris la barre des Finances en décembre 2014, il s’était vanté de pouvoir réaliser 5,7 % de croissance. Tel n’a pas été le cas, alors comment affirmer aujourd’hui qu’une croissance de 3 % lui fait honte ? » s’interroge-t-on dans l’entourage du Premier ministre.