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Les confidences de Lady Joyce Castellano-Bacha

22 ans de silence. Ça pèse lourd. Lady Joyce Castellano-Bacha revient sur son pire cauchemar : ses 2 ans, 2 mois et 15 jours passés en prison, de 1994 à 1996. En parler est, aujourd’hui, synonyme de libération. Ces années passées ont fait d’elle une femme forte. Elle dit pouvoir enfin parler sans honte ni frayeur.

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Finalement, j’ai tout connu. J’ai visité le monde entier et je me suis  retrouvée au fond d’une cellule. Tout cela m’a aidée à devenir plus forte : je n’ai plus peur de quoi que ce soit.

Elle a démarré sa carrière comme hôtesse de l’air chez Air Mauritius et Air France, avant d’ouvrir son institut de beauté à La Réunion et à Maurice. Elle a fini par gérer une agence de mannequins, Ladies First Model Agency et une boutique de prêt-à-porter à Quatre-Bornes. Depuis plusieurs années, elle est derrière l’organisation du concours de beauté
Mrs Mauritius, qui en est à sa 5e édition, et dont la finale est prévue en décembre.

Sa joie de vivre : ses petits-enfants. Lady Joyce Bacha est, ici, avec sa fille Melissa et ses enfants.

Parallèlement à cette vie trépidante, elle élève ses deux enfants, Dominique et Melissa. Elle est maintenant l’heureuse grand-mère de trois petits-enfants et d’un quatrième qui viendra bientôt combler son bonheur. Toutefois,  derrière ce tableau quasi parfait de la femme qui a connu la gloire et le succès se cache une âme qui a beaucoup souffert.

Très jeune, elle devient maman de deux enfants, Dominique et Melissa. Avec eux, elle vit à La Réunion pendant une vingtaine d’années avant de rentrer à Maurice. Les enfants sont partis en France pour leurs études. Ils y vivent toujours.

Juin 1994. Lady Kathleen Bacha et son fils Popo meurent dans l’incendie de leur maison à la rue Virgil Naz, Quatre-Bornes. Lady Joyce Castellano-Bacha se retrouve au cœur de l’enquête criminelle qui a suivi ce drame. Le dimanche 24 juillet 1994, elle est arrêtée. Elle répond d’une accusation provisoire d’assassinat, de crime d’incendie et de complot pour pervertir le cours de la justice. C’est ainsi qu’elle se retrouve derrière les barreaux durant deux ans, avant que la cour ne prononce un non-lieu. La vie de Lady Bacha a basculé à ce moment-là. Vingt-deux ans après avoir été au centre de cette enquête criminelle, elle arrive enfin à en parler, avec cependant, certaines réserves, car la reconstruction de sa vie a été lente et douloureuse.

Son autre raison de vivre : les enfants qu’elle soutient à travers son association La Porte du Bonheur. Elle vient en aide aux femmes et enfants nécessiteux dans le sud de l’île.

« Je ne veux blesser personne. C’est juste qu’avant, je n’étais pas prête à revenir sur cette histoire. J’ai tenté de poursuivre ma vie, entourée des gens que j’aime, de mes enfants et petits-enfants. Malgré cela, je n’ai rien oublié. J’ai tout gardé au plus profond de moi-même. Avec le temps, avec du recul, on arrive à en parler, sans en avoir honte ou peur. On assume davantage son parcours. Il arrive un moment dans la vie où il faut se libérer de tout cela. C’est pourquoi j’ai décidé d’ouvrir mon cœur, de dire combien j’ai souffert à cette époque-là. La pire des choses qui me sont arrivées, c’est d’aller en prison », ajoute-t-elle.

Des moments privilégiés partagés avec les enfants du Sud.

L’affaire Bacha avait fait les choux gras de la presse de l’époque. La vie privée de Joyce Castellano en a pris un sale coup. En sortant de prison, le regard des autres a été le premier obstacle à surmonter. « Les gens nous avaient jugés avant même que la justice ne se soit prononcée. Beaucoup, même ceux qui se disaient des nôtres, nous avaient déjà condamnés. Je devais rester forte pour avancer. Je n’ai jamais eu honte de tout ce qui s’est passé », affirme-t-elle.

En parler aide à guérir. Si la plaie est fermée, elle n’est pas encore cicatrisée. « Je pense que parler de cette phase de ma vie, c’est comme une thérapie. Je suis enfin libérée de ce poids. Parfois, les gens vous disent de tourner la page. Ils ne savent pas que la page pèse une tonne et qu’il est difficile de passer à autre chose », confie-t-elle.

Aujourd’hui, Lady Bacha s’investit pleinement dans le travail social. Elle demeure une femme très dynamique. Elle retrouve le bonheur dans ses activités quotidiennes, entourée de ceux qu’elle aide à travers son association La Porte du Bonheur. « Je suis une personne très positive, une battante. Je surmonte les difficultés. Je préfère voir le bon côté des choses. C’est pour cela que je n’ai pas songé à parler de mon vécu avant aujourd’hui. J’ai préféré me focaliser sur mes projets sociaux », ajoute-t-elle.

À la question : a-t-elle des regrets sur ce chapitre de sa vie ? Lady Bacha répond « oui et non ». « Non, je ne regrette pas, parce que j’ai soutenu la vérité et la personne qui devait avoir mon soutien. Nous étions seuls au monde à l’époque. J’étais la seule à être restée, j’étais présente par sincérité. Aucune autre personne n’aurait fait tout ce que j’ai fait », admet-elle.

« Quand le bateau a coulé, tous les rats sont partis. Tout le monde nous a tourné le dos », estime-t-elle. « Oui, je regrette également cette période de ma vie durant laquelle ma famille a souffert. Cette situation a beaucoup affecté les gens autour de moi. Il est très pénible de voir qu’en soutenant une personne, on en fait souffrir d’autres. Hélas, la vie est ainsi faite : on ne peut faire plaisir à tout le monde. Ma famille, surtout mes enfants, ont beaucoup souffert de cette tragédie. Je leur ai fait de la peine, et cela, je le regrette », avoue Lady Bacha.

Mais loin d’avoir été sa faiblesse, cette épreuve l’a endurcie. « Finalement, j’ai tout connu. J’ai visité le monde entier et je me suis  retrouvée au fond d’une cellule. Tout cela m’a aidée à devenir plus forte : je n’ai plus peur de quoi que ce soit », déclare-t-elle. Ces deux années douloureuses passées à la prison de Beau-Bassin resteront à jamais gravées dans sa mémoire. « Ce sont précisément deux ans, deux mois et quinze jours. Je n’oublierai jamais ce moment de ma vie.

C’est comme une plaie qui ne cicatrise pas », précise Lady Bacha qui a écrit un manuscrit en prison. « C’était ma seule évasion. Je devais écrire pour ne pas devenir folle. Rester enfermée jour et nuit dans une cellule est suffocant. J’avais tout juste une petite pause d’une demi-heure le matin et l’après-midi.

Les visites étaient permises uniquement le samedi. Je n’avais rien d’autre que du papier et un stylo. Écrire m’aidait donc à avancer. Par la suite, en racontant chaque journée durant ces deux ans, j’ai fini par remplir une pile de feuilles qui pourraient un jour devenir un livre », indique-t-elle. Hélas, ce livre n’a pas encore vu le jour. Le manuscrit dort depuis vingt ans dans un tiroir avec tous ses secrets.

« Ce sont  les souvenirs d’une période sombre de ma vie que je veux  enfin raconter. Je compte bien le faire, si un éditeur est intéressé à publier ce livre. L’histoire est là, rédigée, prête à être publiée », conclut Lady Bacha. « Je veux enfin exprimer ces moments douloureux de mon passé pour reprendre tranquillement le cours de ma vie… »

 

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