Les instances dirigeantes mauriciennes semblent avoir une tendance à se figer dans une culture d’occasions manquées. Elles sont plus enclines à compter désespérément sur la bienséance pourtant insaisissable des « pays amis » pour soutenir notre expansion économique. Maintenant que l’atmosphère mondiale s’est bien assombrie et que la concurrence n’a jamais été aussi agressive, nous ne pouvons que prier pour l’avènement d’un leadership susceptible de couper les ailes des privilèges trop bien enracinés, le détournement des fonds et le batt-batte.
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Si le corridor Asie-Afrique a été un délire, l’arrivée d’AirAsia pourrait s’avérer une opportunité réelle. AirAsia, plébiscitée internationalement dans sa catégorie, a déjà exprimé sa vision d’étendre son service à l’Afrique. Seule Air Mauritius n’a pas les ressources pour sortir indemne de la concurrence impitoyable. Une grande compagnie aérienne comme Qantas a avalé son orgueil pour entrer dans un partenariat productif avec Emirates, afin de surmonter ses années difficiles. Existe-t-il une objection valable à ce qu’Air Mauritius rejoigne AirAsia pour desservir l’Afrique et les îles de l’océan Indien ?
Une démarche à compléter simultanément avec la suppression de toutes les taxes sur la destination locale Rodrigues. Et pourquoi pas sur La Réunion, les Seychelles, les Comores, Madagascar, Maldives et Mayotte aussi dans un élan de dynamiser le concept des îles Vanille ? Les retombées positives d’un désenclavement accentué de Maurice, tout en offrant des sièges à des prix abordables sont évidentes. Aucun lobby requis ici.
Air Mauritius, comme beaucoup d’autres compagnies aériennes, exploiterait alors un deuxième transporteur, ‘low-cost’ et régional, dans un joint-venture, tout en générant plus de revenus. AirAsia pourrait bénéficier d’incitations fiscales pour investir dans son hub grâce à un terminal low-cost (l’ancien terminal de l’aéroport SSR ?). Qui pourrait plus tard accueillir aussi d’autres concurrents.
Air Mauritius impose des prix haut de gamme. Pourtant, peu d’entre nous seraient d’accord pour dire que la prestation est haut de gamme. De toute évidence, Emirates a bien profité de l’opportunité de la destination Maurice, même si dans son cas la performance est résolument haut de gamme. Actuellement, elle opère avec l’A380 cinq vols quotidiens sur Bangkok à un tarif aller-retour jusqu’à 40 % moins cher qu’un vol entre Londres et Maurice pour un temps de vol similaire en classe Économie. La destination Bangkok étant farouchement concurrencée par Cathay Pacific, Singapore Airlines et Thaï Airways.
Un autre exemple qui explique comment la concurrence peut devenir une aubaine pour les voyageurs : le prochain vol de Qatar Airways sur Auckland. Le prix de lancement au départ de Londres (temps de vol d’environ 25 heures via Doha) correspond à celui de Londres-Maurice (temps de vol environ 14 heures via Dubayy sur Emirates). Emirates ne peut pas utiliser l’excuse du taux de remplissage pour justifier les tarifs élevés pratiqués sur Maurice. Elle est déterminée à négocier un troisième vol A380 quotidien.
Destination coûteuse
Turkish Airlines n’a pas encore tempéré la fougue d’Emirates, probablement parce que son image est entachée par l’instabilité politique en Turquie. Les prix pratiqués par Air Mauritius et d’autres compagnies aériennes sur la plupart des itinéraires européens, même pendant les promotions, semblent être alignés sans que les chiens de garde de la concurrence mordent. Paradoxalement, c’est l’un des facteurs qui contribue à conférer à Maurice l’image d’une destination relativement coûteuse. D’où l’ambiguïté du label haut de gamme revendiquée par le secteur de l’hospitalité.
Parallèlement à son éventuel actionnariat dans AirAsia Africa, Air Mauritius n’a d’autres choix que de se concentrer sur les moyennes et longues distances sur des destinations intelligemment ciblées et de rehausser son offre. Le transporteur national doit se réinventer en réorganisant de fond en comble son fonctionnement et en révisant la nomination de ses membres du conseil d’administration et la structure et choix de ses actionnaires. Pour aspirer au niveau de, disons Singapore Airlines, la chasse à un CEO de la trempe de Tim Clark d’Emirates doit être une des priorités. La norme Dodoland, même archi-louée, ne suffit pas.
David Ogilvy, le magnat légendaire de la publicité, a une fois exprimé l’opinion suivante : « J’ai rencontré de nombreux CEO à travers le monde, mais je peux compter combien de leaders parmi. Air Mauritius peut se permettre un tel leader. En revanche, ce que nous ne pouvons nous permettre, c’est de se lamenter et de redouter les nombreux défis de la mondialisation à venir sans anticiper les opportunités. Pour transformer Air Mauritius, ce leader devrait systématiquement incarner la stratégie de changement, créer une synergie entre toutes les parties prenantes, exprimer ses compétences de dégraisseur. »
Sans volonté politique, pas de changement. Dans le secteur du transport aérien, la sécurité ne peut être négociée, mais la souveraineté sur la propriété doit être partiellement cédée pour gagner en contrôle global. Dans l’ensemble, un acte d’équilibre façonné par la clairvoyance et la perspicacité. Internet et les millennials continueront à imposer leurs empreintes. Les dépenses ostentatoires seront de plus en plus absorbées par la quête d’expériences mémorables. Par conséquent, nos outils marketing (où les consultants sont inutiles) doivent être entièrement rafraîchis.
Pour exploiter judicieusement le marché local et mondial du XXIe siècle, l’innovation, le fonctionnement allégé et le comportement éthique seront plus que jamais les principaux moteurs. La manière dont les trois composants fusionnent déterminera l’avantage concurrentiel. Et les offres ‘low-cost’, sans forcément être la norme, compteront parmi les acteurs omniprésents. Les modèles de développement qui incitent à la rente n’ont jamais été durables de toute façon. Ils se nourrissent de la corruption, lien à l’origine de la plupart des catastrophes.
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