Interview

Leela Devi Dookun-Luchoomun : «La réforme sera acceptée s’il y a un changement de mentalité»

C’est la grande rentrée des classes ce lundi 9 janvier pour 12 000 écoliers et 15 000 collégiens. Elle s’annonce comme l’année de la transition avec l’entrée en vigueur du Nine-Year Schooling. La ministre de l’Éducation évoque le changement de mentalité qui doit accompagner cette réforme dans l’intérêt de l’enfant.

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« Les élèves qui passent cette année de Grade 6 à 7 continuent avec le système actuel. Ceux qui termineront le Grade 6 l’an prochain seront admis en Grade 7 au secondaire. »

2017 marque l’introduction du Primary School Achievement Certificate (PSAC). Certains parents disent ne pas être convaincus des explications obtenues jusqu’à présent. Comment les rassurer ?
Il faut un changement de mentalité parce que, clairement, les parents ont en tête qu’il faut préparer les enfants pour un examen. Le cycle primaire est la préparation pour la vie. Les parents doivent comprendre que l’enfant vient à l’école pour parfaire son éducation, pas uniquement pour passer un examen. L’arrivée du PSAC changera la donne. Tous les enfants terminant leur cycle primaire continuent à monter pour passer au secondaire. Donc, la pression diminue.

Comment se fera le tri pour admettre un élève dans un collège régional ?
Les admissions se font sur une base régionale. Pour être admis en Grade 7, c’est le même procédé qui est maintenu pour passer en Form I. Choix du parent, proximité de la résidence et résultats. Les parents remplissent les formulaires d’admission avant les résultats. Par la suite, nous considérerons la liste soumise par les parents et les résultats de l’enfant. S’il a les résultats voulus, il entre dans son premier choix. Une fois les places remplies, il faut prendre le second choix. On ne pourra pas satisfaire tout le monde.

Existe-t-il des différences au niveau des collèges régionaux ?
Il n’y en a pas. Ce ne sont pas les quatre murs d’un établissement qui forment les élèves les plus brillants. Ce sont les élèves eux-mêmes, les enseignants et les parents. Je vois une amélioration nette dans les collèges privés. Les résultats du School Certificate (SC) et du Higher School Certificate (HSC) des collèges privés sont comparables à ceux des collèges publics. Il est évident que vous aurez une plus grande demande pour tel ou tel collège qui s’est déjà fait un nom.

À la longue, il y aura des collèges performants et d’autres qui s’amélioreront. L’introduction des bourses au niveau régional apportera des améliorations. La responsabilité de l’État est de s’assurer que les jeunes ont la possibilité de grandir, d’apprendre et d’évoluer dans un milieu approprié. Le but de la réforme, c’est d’avoir des jeunes compétents qui réfléchissent, qui ne dépendent pas des autres, qui peuvent se remettre en question et montrer du respect envers leur prochain.

Les premiers élèves entrant en Grade 7 sont perçus comme des cobayes, car ils commencent un nouveau mode d’apprentissage et seront soumis à un nouveau mode d’évaluation. N’aurait-il pas été mieux de commencer par les écoliers de Grade 1 ou ceux de Grade 4 en 2017 ?
Les élèves qui passent cette année de Grade 6 à 7 continuent avec le système actuel. Ceux qui termineront l’an prochain le Grade 6 iront en Grade 7 au secondaire. On a pris les dispositions pour mieux encadrer ces élèves. À partir de 2018, il y aura un encadrement spécial pour les élèves éprouvant des difficultés. Avec l’aide des Support Teachers, ils couvriront le cursus de Grade 7 à 9 sur quatre ans, au lieu de trois. Si l’on retarde la réforme, on condamne nos enfants à continuer avec un système qui a montré des lacunes. Nous voulons ainsi que nos enfants soient encadrés et qu’ils aient le bagage voulu.

Cette démarche n’est-elle pas motivée par un intérêt personnel, voire politique pour que cela se reflète sur votre mandat ?
Depuis que je suis là, je sens que j’ai une mission à accomplir. Cela n’a rien à voir avec mon intérêt personnel. Je ne suis pas nouvelle dans le secteur éducatif. J’ai été éducatrice pendant plus d’un quart de siècle. Pour moi, il importe de mener cette réforme pour le bien des enfants. Cela me fait plaisir de pouvoir le faire durant mon mandat. Mais il n’y a aucune motivation politique ni gain personnel. À Maurice, l’État veille à ce que tous les élèves aient les mêmes chances.

À quoi doit-on s’attendre cette année ?
La réforme commence dès le Grade 1 avec l’Early Support Programme. Celui-ci a pour but d’identifier les enfants ayant des difficultés d’apprentissage. Si nous encadrons nos enfants dès le départ, nous réduisons le taux d’échec. Ce programme démarre dans une centaine d’écoles. L’an prochain, nous couvrirons l’ensemble de l’île.

Pas moins de 340 éducateurs ont été recrutés pour l’éducation holistique. Les enfants auront la possibilité d’apprendre les arts – musique, danse, peinture –, le sport et la natation dans une vingtaine d’écoles. L’enseignement des valeurs et le programme for the social and emotional well-being des apprenants seront introduits pour assurer l’épanouissement de l’enfant. Ces programmes veilleront à ce que ce dernier ait le développement voulu, pas seulement académique.

Quels changements majeurs interviendront dans les écoles des Zones d’éducation prioritaire (ZEP) en 2017 ?
Cinq écoles pilotes développeront le Community Schooling. En 2016, nous avons reçu la visite du Dr Thakore et d’un psychologue. Ils ont travaillé avec les éducateurs et les responsables des écoles ZEP. Ils ont démontré comment le milieu dans lequel évolue un enfant a un impact sur son apprentissage. Une fois que l’éducateur a compris cela, il peut mieux aider l’enfant. Nous avons commencé à travailler avec les parents pour qu’ils sachent ce qui se fait en classe afin de mieux aider leurs enfants à la maison. Nous avons aussi le soutien du ministère de l’Intégration sociale. Dès la rentrée, les enfants bénéficieront d’un repas équilibré.

Qu’en est-il de l’infrastructure des collèges convertis en académies ?
À partir de 2018, il n’y aura pas d’admission dans les douze collèges qui seront convertis en académies. Il faut revoir certaines salles de classe et les rendre plus accessibles pour permettre la tenue des activités proposées. Cette démarche ne se limitera pas aux seules académies. Il faudra la mener dans les autres collèges, y compris dans les établissements privés.

Les managers des collèges privés craignent que certains d’entre eux n’aient plus leur raison d’être…
Les collèges privés n’ont rien à craindre. Les collèges nationaux ne prendront plus d’élèves en Grade 7. Du coup, ceux qui fréquentaient ces établissements se retrouveront dans les collèges régionaux. De fait, le nombre d’élèves augmentera. Tous les élèves qui réussissent le PSAC seront promus en Grade 7. Les collèges ne compteront pas plus de 1 400 élèves, ce qui incitera certains élèves à choisir d’autres options. Les collèges privés auront ainsi davantage d’élèves, et surtout des élèves avec de meilleurs résultats.

 

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