Leçon de vie : quand l’amour n’est pas aveugle…

« On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux », disait Antoine de Saint-Exupéry dans Le Petit Prince. Elle est malvoyante de naissance. Il a perdu la vue à 13 ans. Pourtant, Nicolas et Sweety se sont retrouvés. Ils se sont aimés. Aujourd’hui, ils sont mariés et heureux parents du petit Waylan, 11 mois. C’est un beau roman, c’est une belle histoire !

Voir sans être vu. Écouter les confidences du couple Némorin avec pour seule base, la confiance. C’est le cœur qui parle dans son cocon d’amour à la NHDC de Palma, Quatre-Bornes. « J’ai un vague souvenir du visage de Sweety », confie Nicolas, 37 ans, téléphoniste dans une société de transport à Rose-Hill. « Elle avait dix ans.  » Dans la foulée et sans gêne, il avoue qu’il n’avait jamais envisagé de se marier avec une non-voyante en raison de l’aspect pratique. Idem pour Sweety, 36 ans.

Le destin ne l’entendait pas de cette oreille. Et vouloir c’est pouvoir ! Cette phrase est plus vraie que jamais pour Nicolas. Tout commence le 15 juin 2014. Une date à marquer d’une pierre blanche ! Ce jour-là, les jeunes de la Blind and Visually Impairment Association (BAVIA) vont camper pour une nuit au Centre récréatif de Belle-Mare. Lors des conversations, les plaisanteries s’enchaînent, les amitiés naissent. Le sens de l’humour de Nicolas ne laisse pas insensible Sweety qui écoute attentivement.

Au comble du bonheur

Au fur et à mesure des bavardages, elle partage sa playlist de chansons avec Nicolas, qui est musicien. Un point commun qui ravit ces nouveaux amis. Elle lui refile son numéro de téléphone. Il la mémorise précieusement à défaut de pouvoir le noter. Par la suite et au fil des coups de… fil, l’intimité s’installe. Ils discutent de tout et de rien. Jusqu’à ces trois mots qui changeront leur vie à tout jamais : « Mo kontan twa ! » Mais avec tout de même un point d’interrogation : «  Kouma nou pou vive ? Nou pa trouvé. » Nicolas et Sweety trouvent la réponse : c’est le destin.

Sweety n’avait jamais pris l’avion avant décembre 2015. Avec l’accord de la maman de celle-ci, Nicolas lui offre un séjour de quatre jours à Rodrigues. Durant ce voyage, il lui présente une bague dans un restaurant en lui demandant d’être sa fiancée. Sweety a la surprise de sa vie. Elle est au comble du bonheur. Ils se marient le 18 août 2016.

Quelque temps après, enceinte et en raison de son handicap, Sweety a des appréhensions à donner naissance à l’hôpital. Le personnel soignant lui donnera tort. Le petit Waylan naît en bonne santé et voyant, le 17 août, soit la veille de l'anniversaire de son père. C’est un grand défi qui attend les heureux parents  : ils sont appelés à s'occuper d'un enfant tout en étant non-voyants. Pourtant, ils s’en sortent. Lorsque le bébé pleure la nuit, Sweety le prend pour le calmer pendant que Nicolas prépare le biberon.

La quintessence des sens

Le sens de la vue leur fait défaut mais leurs autres sens sont plus éveillés que la normale. De même, le toucher est un allié important. Esquissant un petit sourire, Nicolas raconte que c’est lui qui prépare le thé avant de se rendre au travail. « C'est moi qui lui ai appris », réplique fièrement Sweety. Ensuite, Nicolas se prépare. Il reconnaît ses habits au toucher. « Mes vêtements sont classés par rapport au tissu et aux sorties. » Pareil pour Sweety. Ces petites astuces, choses pratiques que Nicolas a apprises lors des cours pour aveugles en Afrique du Sud, permettent au couple d’être autonome.

En homme soucieux du confort de sa femme, Nicolas emploie une femme de ménage pour s'occuper de leur enfant et faire parfois à manger. « Mem si ena kitsoz nou kapav fer, madam la ed nou boukou. » En effet, Sweety et Nicolas savent cuisiner. « Je le fais en comptant les minutes ou au son de la poêle qui chauffe sur le feu », explique la jeune femme. Tous les ingrédients sont minutieusement rangés dans un ordre précis afin de pouvoir les identifier facilement. Après utilisation, il est essentiel de les remettre à leur place. « Sinon kav gaygn sirpriz kan nou pe manze », lance Sweety.

Elle a appris à cuire grâce à Marie-France, rencontrée dans un groupe de prière, qui s’est occupée d’elle avec amour et compassion, ajoute-t-elle. Sweety aime la cuisine indienne et mange parfois avec les doigts. Nicolas préfère la cuisine chinoise. D'ailleurs, son meilleur ami lui a enseigné certaines recettes. Du coup pour les fêtes ou les dîners à la maison, c’est Nicolas qui est derrière les fourneaux. « Mwa mo spesialite se gajak », dit-il en éclatant de rire.

 « Mo Messaz » un rêve devenu réalité

Nicolas, chanteur, auteur et compositeur, a appris ses premières notes de guitare de son enseignant aveugle. Il a ensuite enchaîné avec l’harmonica, le clavier, les instruments à percussion et l’accordéon. Il baigne dans la musique depuis plus de 20 ans. Cette année, Nicolas a produit son premier album intitulé « Mo Messaz ». C’est un rêve devenu réalité après de nombreuses années de sacrifices, confie l’artiste. Sa source d’inspiration : son amour pour Sweety, l’hypocrisie des gens, son pays et le souhait que la guerre prenne fin dans le monde. « Mo Messaz », produit par I-Mix est en vente à Rs 150 sur le 54223998.

Une mémoire d’éléphant…

Dans l'entreprise où il travaille, tous les appels sont transmis à Nicolas qui doit les canaliser. Il a une mémoire d’éléphant pour tous les numéros de téléphone de même que les touches de son cellulaire. Cela lui permet de composer ses appels. Quant aux gens, il les reconnaît grâce à leur parfum et leur voix. Même s’il ne les a jamais vus, il n’hésite pas à plaisanter avec eux.

De repères en repères

Chez les Némorin, aucun objet ni meuble n’est placé de manière aléatoire. Le mobilier est fonctionnel et disposé dans un ordre précis dans le but de pouvoir le repérer sans aucune difficulté. « C’est pour éviter que ma femme ou moi ne nous blessions quand nous circulons. »

Mais comment font-ils à l’extérieur ? Là aussi, rien n’est fait au hasard. Chaque matin, Nicolas, qui travaille de 8 à 17 heures, compte les pas et marches pour descendre les escaliers. Tous ses sens sont en éveil. En tapant avec sa canne blanche, il identifie des points de repère pour arriver à l’arrêt d’autobus. Des passants le guident pour prendre l’autobus à destination de Rose-Hill. Sur place, il est dirigé vers celui de Camp-Levieux. Les receveurs le déposent sur son lieu de travail. Il reprend sa canne et cherche d’autres points de repère pour arriver à son poste.

C’est tout un parcours ! Il lui arrive parfois d’avoir du mal à se repérer quand il y a des voitures qui sont garées n’importe comment. Le plus grand obstacle que Nicolas doit toutefois surmonter en ce moment : les travaux en cours un peu partout dans le cadre de projets tels que le Metro Express. Il a dû revoir son itinéraire et mémoriser d’autres points de repère.

Cependant, le couple Némorin n’est pas du genre à s’apitoyer sur son sort. Sweety et Nicolas aiment sortir, dîner à Bagatelle et aller à la plage. Le plus grand rêve de Nicolas:  s’acheter une voiture et payer un chauffeur qui véhiculerait sa famille là où elle souhaite aller. Le bémol, ce sont les finances qui font défaut. Loin de se laisser abattre, mari et femme se contentent de ce qu’ils ont. Ils disent aimer leur petite vie et les petits plaisirs qu’elle leur offre.