Le service de santé est en crise. Une mauvaise planification et une extension des services via la décentralisation, sans un recrutement ni une formation adéquats, paralysent le système. C’est le constat alarmant dressé par nos interlocuteurs.
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Le nouveau ministre de la Santé aura fort à faire pour redresser la barre, compte tenu des difficultés auxquelles le personnel est confronté depuis plusieurs années. Malgré les multiples récriminations, la situation ne s’est pas améliorée. Parmi les problèmes, le manque criant de personnel s’aggrave avec les nombreux départs et l’absence de recrutements adéquats. Résultat : de nombreux postes restent vacants, tandis que ceux qui sont encore en service frôlent le burnout. Les patients, eux, paient le prix fort, étant pénalisés malgré eux.
Avec les départs à la retraite, mais aussi vers le secteur privé ou l’étranger, tous les niveaux du service de santé subissent un déficit de personnel. Selon le Dr Meetheelesh Abeeluck, président de la Government Medical and Dental Officers Association (GMDOA), et Ram Nowzadick, président de la Nursing Association (NA), la situation est critique. « Il manque environ 2 000 infirmiers », affirme-t-il. Le Dr Abeeluck ajoute que les départs de spécialistes vers le privé compliquent davantage la situation. « Nous n’avons pas assez de spécialistes pour assurer un service 24/7 dans les hôpitaux tout en répondant aux besoins des Mediclinics et des Area Health Centres », déplore le Dr Abeeluck. Tous deux redoutent un « crash » du système en raison du manque de personnel.
Pour Rajshree Thylamay, présidente de l’Union des travailleurs du ministère de la Santé, le service souffre également d’un manque de 300 Hospital Attendants. Krishnadev Boodia, président de la Ministry of Health Transport Workers Union (MHTWU), espère quant à lui qu’il y aura non seulement des recrutements pour des ambulanciers, mais aussi l’achat de nouvelles ambulances.
Extension mal planifiée
L’ancien ministère de la Santé est pointé du doigt pour avoir étendu les services sans consultation ni planification. « L’ouverture de nouveaux centres de santé et la mise en place de nouveaux services se sont faites au détriment des hôpitaux régionaux, d’où un redéploiement du personnel qui a engendré des carences », précise le Dr Abeeluck.
Les restrictions sur les heures supplémentaires aggravent la situation. Auparavant, le manque de personnel était compensé par des « bank sessions » ou des heures supplémentaires. Aujourd’hui, ces heures sont limitées et souvent payées en retard, ce qui affecte le moral du personnel et pénalise les patients, en particulier en soirée.
Le service public manque de gynécologues, d’anesthésistes et de pédiatres, indispensables pour un fonctionnement 24/7. Ce système, introduit en janvier 2022 malgré l’opposition de la GMDOA, est en litige devant l’Employment Relations Tribunal (ERT). « Un spécialiste ne peut travailler de 9 heures jusqu’à 16 heures le lendemain », souligne le Dr Abeeluck, expliquant que cette surcharge de travail a poussé de nombreux spécialistes vers le privé.
Attentes du nouveau ministre
Face à ces défis, les syndicats attendent l’installation du nouveau ministre pour soumettre leurs propositions. Ram Nowzadick espère des mesures concrètes pour pallier la pénurie de personnel. Il critique l’ancien gouvernement pour avoir négligé les recrutements substantiels.
Pour lui, recruter des infirmiers étrangers n’est pas une solution viable : « Cela créera des conflits liés à la barrière linguistique et aux rémunérations ». Il prône une vaste campagne de recrutement et plaide pour une meilleure reconnaissance des qualifications des jeunes formés à l’étranger dans des universités reconnues par l’Organisation mondiale de la santé mais pas par le Medical Council.
Centre de santé périphérique
Selon un cadre du ministère de la Santé, le service public dispose d’un ratio de personnel conforme aux normes de l’OMS. Cependant, des failles subsistent, faute de planification efficace.
Pour un médecin expérimenté, la décentralisation, bien que critiquée, vise à décongestionner les hôpitaux régionaux, permettant aux patients d’accéder à des traitements plus proches de chez eux. Il souligne toutefois que tous les services spécialisés ne peuvent être délocalisés.
Améliorer le service
Krishnadev Boodia, président de la Ministry of Health Transport Workers Union (MHTWU), appelle à des mesures urgentes pour faire face au manque de personnel, notamment en période cyclonique.
Rajshree Thylamay souhaite, elle aussi, une rencontre avec le nouveau ministre pour aborder les doléances des Hospital Attendants, tels que l’absence de mess room au SAJ Hospital à Flacq. « Nous méritons le même traitement que les autres grades », insiste-t-elle.
PRB : des spécialistes considérés comme des « shift workers »
Le Dr Meetheelesh Abeeluck espère une révision du rapport du Pay Research Bureau (PRB) avant que le paiement ne soit effectué. Selon lui, aucune « recherche » n’a été réalisée pour rééquilibrer les salaires entre les différents grades. « Il y a des ‘errors and omissions’ qui doivent être corrigées, et nous espérons que les différents syndicats auront une rencontre avec le bureau du PRB pour revoir cela afin d’éviter les discriminations », dit-il.
Il déplore, par exemple, que les spécialistes soient considérés comme des « shift workers » et soient classés pour recevoir une rémunération pour « night duty » selon un barème basé sur un « hourly rate ». Tout cela doit être revu, indique-t-il.
Il fait également remarquer qu’il existe des modes de paiement différents pour un employé travaillant, par exemple, à l’hôpital Dr A. G. Jeetoo et un autre de même grade au Subramania Bharati Eye Hospital. D’un côté, c’est un « hourly rate » sous le système 24/7, et de l’autre, une rémunération « on call » ou « in attendance ».
Le Dr Abeeluck est également d’avis que le barème de réajustement des salaires doit être réexaminé.
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