Economie

Le secteur automobile: défis et turbulences

Le gouvernement est revenu sur sa décision sur les nouveaux critères concernant l’importation des véhicules reconditionnés. Désormais, des voitures âgées de quatre ans peuvent être importées, alors que pour les camions, l’âge limite est de six ans. Toutefois, le gouvernement maintient la décision de ne pas délivrer de nouveaux permis d’importateur pendant deux ans encore. C’est une décision qui avait soulevé un tollé parmi les importateurs des véhicules de seconde main. Le vendredi 24 juin 2016, le conseil des ministres a agréé à ce que le ministre de l’Industrie revoit les conditions entourant l’importation et la vente des véhicules seconde main. L’objectif était de protéger les consommateurs, car il y a eu plusieurs plaintes que des voitures accidentées et endommagées ont été revendues comme ‘reconditioned’. Le ministère de l’Industrie avait, dans un premier temps, décidé que la limite d’âge des véhicules de seconde main à être importés serait de trois ans seulement. Les importateurs devraient aussi produire plusieurs certificats attestant la qualité des véhicules. Le gouvernement avait aussi décidé de n’octroyer aucune nouveau permis aux importateurs pendant les deux prochaines années, car il y a trop d’importateurs en ce moment. Selon les chiffres officiels, le pays compte environ 91 importateurs de véhicules de seconde main. La garantie bancaire qui doit être déposée par les revendeurs est également passée de Rs 2 millions à Rs 5 millions. Les importateurs ont aussitôt réagi aux nouveaux règlements. Le ‘Dealers in Imported Vehicles Association’ (DIVA) a déploré les mesures prises. Selon son président, Zaid Ameer, ces mesures entraîneront la mort du secteur, car entre 75 % et 80 % des voitures de seconde main importées ont plus de trois ans. L’association a rencontré le ministre de l’Industrie, Ashit Gungah, le 29 juin, pour faire ses doléances et a soumis ses propositions en écrit le lendemain. L’association a aussi réuni la presse pour expliquer ses griefs. Finalement, le gouvernement a fait marche arrière sur certaines mesures, à la satisfaction des importateurs.

Maldonnes

Pour le ministère, les nouvelles conditions étaient nécessaires, car il y avait trop de fraudes et de maldonnes décelées dans ce secteur. Pour les importateurs, il y a eu environ 100 cas de maldonne sur plus de 7 000 ventes, ce qui ne justifie pas la décision du ministère de serrer la vis.

Âge des véhicules

Au Japon, les automobilistes changent de voiture après trois ans. Donc, il est impossible de trouver des voitures de moins de trois ans pour importer. Pour les camions et bus, les compagnies japonaises disposent de leurs flottes après cinq ans au minimum. Ainsi, si les critères d’âge avaient été maintenus, il y aurait une pénurie de véhicules de seconde main à Maurice. Concernant les autobus, des propriétaires individuels commencent déjà à contempler l’importation de ‘low floor buses’ de seconde main du Japon. Or, les nouveaux critères seraient à leur détriment. Pour ces opérateurs, c’est beaucoup mieux d’avoir recours à des bus de seconde main japonais au lieu des bus neufs chinois. Concernant les vans et camions, ce sont plutôt les Petites et moyennes entreprises (PME), les planteurs, les taximen et les camionneurs qui composent la clientèle principale des véhicules de seconde main. Une révision de l’âge autorisé aurait pénalisé ces entrepreneurs, qui ne pourraient se payer le luxe d’acquérir des véhicules neufs. Certains devraient avoir recours à un endettement supérieur.

Protection des consommateurs

Afin de protéger les consommateurs, le ministère de l’Industrie veut que chaque véhicule de seconde main importé ait une historique complète. Les documents doivent mentionner si le véhicule a déjà été accidenté. Les autorités pensent qu’il se peut que des véhicules accidentés ou ayant été abimés dans des inondations au Japon ou en Europe aient atterri à Maurice, d’où la nécessité de protéger les acquéreurs.

L’avis de la Competition Commission

Le gouvernement a décidé de ne pas octroyer de nouveaux permis d’importateurs de véhicules de seconde main. La raison est qu’il y a trop d’importateurs pour un petit pays comme Maurice. La Competition Commission nous a expliquée que l’institution est mandatée pour enquérir sur les pratiques commerciales restrictives dans trois principaux cas de figure : (1) l’abus d’une situation de monopole ; (2) la fusion entre entreprises et (3) les accords tacites entre entreprises, créant une situation de ‘cartel’.  Mais, selon la Competition Act, la Commission n’est pas habilitée à enquérir sur des situations découlant d’une ‘policy decision’ du gouvernement. Dans le cas des voitures importées, si le gouvernement décide de restreindre le nombre d’entreprises en n’octroyant aucun nouveau permis, la commission ne peut pas intervenir. Toutefois, elle peut offrir des conseils au gouvernement sur ses actions si elle juge que celles-ci peuvent nuire à une compétition saine du marché.

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Et quid des voitures locales ?

C’est pour protéger les consommateurs contre certains importateurs sans scrupule que le ministère du Commerce avait décidé d’imposer de nouvelles conditions concernant l’importation et la vente de véhicules de seconde main. Noble objectif, mais on se demande si le ministère du Commerce fait assez pour protéger les acquéreurs de véhicules de seconde main locaux. [[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"21168","attributes":{"class":"media-image alignleft wp-image-35152","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"300","alt":"Voitures locales"}}]]Chaque semaine, des centaines de véhicules et de motos endommagés et accidentés sont vendus à l’encan et bon nombre de ces véhicules reprennent la route après avoir été retapés. Il n’y a aucun mécanisme qui permette à  un éventuel acquéreur qui consulte les petites annonces de la presse ou les pages sur Facebook de vérifier l’historique du véhicule qu’il désire acheter. Beaucoup de clients se laissent berner en achetant des voitures accidentées ou abîmées. À titre d’exemple, beaucoup de véhicules abimés lors des dernières inondations meurtrières ont peut-être retrouvé preneurs sans que ces derniers sachent la provenance de ces véhicules. À quand un système de vérification auprès de la National Transport Authority pour permettre aux acquéreurs d’avoir tous les renseignements nécessaires avant d’acheter un véhicule? Deuxième point important. Les nouveaux centres privés de vérification de véhicules (fitness centre) débuteront leurs opérations sous peu. Ces centres modernes et dotés d’équipements de dernier cri pourraient même faire pâlir les centres similaires en Europe. Mais les automobilistes mauriciens sont-ils prêts à être soumis à des vérifications aux normes européennes du jour au lendemain ? Avec 30 % de la flotte automobile sur nos routes, âgée de plus de 10 ans, bon nombre de véhicules pourraient échouer aux tests stricts. Cela pénalisera beaucoup et il n’est pas à écarter que les propriétaires de camions, bus, vans, etc. se mobilisent, comme cela a été le cas dans le passé pour faire renverser des décisions gouvernementales. C’était le cas pour les ‘speedometres’ sur les motos ou encore le port du gilet réfléchissant durant la journée. Pour éviter de telles crises sociales, il est important que la transition se fasse en douceur et que les centres soient flexibles dans un premier temps, mettant l’emphase sur l’éducation et la conscientisation plutôt que la répression. Ce qui donnera  le temps à la population de s’habituer aux nouvelles normes. Il faut se rendre à l’évidence que certains types de véhicules, par exemple les vieux ‘camions cannes’ Bedford, faisant partie de notre histoire, ne pourront pas se mettre totalement aux normes, mais cela ne veut nullement dire qu’ils sont un danger pour la route. Il y a tant d’autres exemples. Le nouveau système ne doit pas être perçu comme un fardeau additionnel pour les ‘ti-dimounes’. D’ailleurs, les faits démontrent que ce ne sont nullement les vieux véhicules qui sont responsables des accidents.
 

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