Le président camerounais Paul Biya, 92 ans et au pouvoir depuis 1982, a été réélu sans surprise avec 53,66% des voix, selon les résultats officiels publiés lundi, aussitÎt contestés par son principal adversaire Issa Tchiroma Bakary qui a dénoncé une "mascarade".
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La plupart des analystes s'attendaient Ă ce que Paul Biya, plus vieux chef dâĂtat en exercice au monde, réélu jusque-lĂ avec plus de 70% des voix depuis plus de deux dĂ©cennies, remporte un nouveau septennat, dans un systĂšme que ses dĂ©tracteurs l'accusent d'avoir verrouillĂ© au fil de ses 43 ans au pouvoir.
Mais le scrutin a été plus serré que prévu. Selon les chiffres officiels proclamés par le Conseil constitutionnel lundi, l'opposant Issa Tchiroma Bakary est arrivé second avec 35,19% des voix.
MalgrĂ© les interdictions, des manifestations rĂ©primĂ©es par les forces de l'ordre sont en cours Ă Douala (sud-ouest) et Garoua (nord), oĂč plusieurs centaines de personnes ont rĂ©pondu Ă l'appel de M. Tchiroma Ă dĂ©fendre sa victoire, ont constatĂ© des journalistes de l'AFP. Elles font craindre Ă plusieurs experts une escalade de la violence.
Lundi soir, le Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme a demandĂ© des enquĂȘtes aprĂšs des informations sur des violences.
"Depuis hier (dimanche), nous recevons des informations choquantes faisant Ă©tat de personnes tuĂ©es, blessĂ©es ou arrĂȘtĂ©es lors de manifestations liĂ©es Ă l'annonce aujourd'hui (lundi) des rĂ©sultats de l'Ă©lection prĂ©sidentielle. Nous appelons Ă la retenue, Ă l'ouverture d'enquĂȘtes et Ă la fin des violences", a indiquĂ© le Haut-Commissariat sur le rĂ©seau social X.
"Je l'ai battu"
"Il n'y a pas eu élection, c'était plutÎt une mascarade" orchestrée par "une dictature pure et dure (...) Le monde entier, le peuple camerounais dans son ensemble sait que je l'ai battu" en remportant "65 à 70% des voix, a affirmé à l'AFP l'opposant.
Le candidat a déploré "deux morts" aprÚs la proclamation des résultats parmi des manifestants regroupés autour de son domicile de Garoua.
"Une dizaine de snipers" sont postés sur les toits, a-t-il affirmé à l'AFP. Un journaliste de l'AFP présent sur place a vu un homme se faire tirer dessus. L'AFP n'a pas pu confirmer sa mort.
"Au moment oĂč le peuple souverain vient de m'accorder une fois de plus sa confiance pour un nouveau mandat, mes premiĂšres pensĂ©es vont Ă tous ceux qui ont inutilement perdus leur vies, ainsi qu'Ă leurs familles, du fait des violences post-Ă©lectorales", a dĂ©clarĂ© le prĂ©sident Paul Biya sur X en rĂ©action Ă sa victoire.
"Je prends acte de ces résultats et félicite le candidat proclamé élu", a reconnu lundi dans un communiqué le candidat Cabral Libii, arrivé troisiÚme avec 3,41% des voix.
Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre de M. Biya, s'est autoproclamé victorieux face au président sortant aprÚs le scrutin du 12 octobre et avait appelé les Camerounais à sortir massivement lors de "marches pacifiques".
Dimanche, quatre personnes sont décédées dans la capitale économique, Douala, lors de manifestations de soutien à l'opposant, a annoncé le gouverneur de la région du Littoral.
Les forces de sécurité ont commencé par une salve de gaz lacrymogÚne, avant de tirer "à balles réelles", selon des manifestants interrogés par l'AFP.
La participation s'est élevée à 46,31%, selon les résultats du Conseil constitutionnel.
Bello Bouba Maïgari est arrivé quatriÚme de la course avec 2,45%, suivi de Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya, la seule femme candidate, avec 1,66%, et de Josuah Osih avec 1,21% des voix.
Les sept autres candidats n'ont pas obtenu plus de 1% des suffrages.
Manifestations
Les rassemblements ont été interdits et la circulation restreinte dans la plupart des grandes villes jusqu'à l'annonce des résultats de cette élection à un tour.
Mais des manifestations sont en cours lundi à Douala et Garoua, ont constaté des journalistes de l'AFP. Des rassemblements ont eu lieu dans d'autres villes du pays, selon des images virales partagées sur les réseaux sociaux.
A Garoua, fief de M. Tchiroma, "1.000 personnes" campent devant son domicile, selon l'intéressé.
"Aussi longtemps que nous n'aurons pas recouvré notre victoire, nous n'abdiquerons jamais", a fait valoir Issa Tchiroma Bakary à l'AFP, demandant aux forces de sécurité de "se tenir du cÎté du peuple et de la vérité".
Le candidat avait appelé mercredi dernier les Camerounais à manifester si le Conseil constitutionnel venait à proclamer des "résultats falsifiés et tronqués".
Une courte manifestation a eu lieu lundi dans la capitale, YaoundĂ©, avant d'ĂȘtre dispersĂ©e par les forces de l'ordre. Dans plusieurs quartiers de la ville, de nombreuses boutiques et stations-service ont gardĂ© leurs rideaux baissĂ©s par crainte de troubles.
Selon le politologue StĂ©phane Akoa, la situation au Cameroun, oĂč lâopposition se retrouve sans recours lĂ©gal, pourrait suivre plusieurs trajectoires. Parmi elles, une "augmentation de la violence et des crispations", ou une impasse prolongĂ©e, avec des "manifestations et de la dĂ©sobĂ©issance civile".
L'opposition pourrait faire le choix "d'accepter malgré elle" les résultats pour se préparer aux élections législatives en 2026, ajoute-t-il.
Paul Biya est le deuxiĂšme chef d'Ătat Ă diriger le Cameroun depuis son indĂ©pendance de la France en 1960 et a gouvernĂ© en rĂ©primant toute opposition, survivant aux bouleversements Ă©conomiques et Ă un conflit sĂ©paratiste depuis 2016 dans les deux rĂ©gions anglophones du pays.
AFP
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