Débat

Le pouvoir discrétionnaire du DPP ébranlé ?

Les opinions divergent quant aux amendements à la Constitution annoncés. Plusieurs hommes de lois livrent leurs avis sur la question, alors que le DPP, principal concerné par ces changements, ne pipe mot... du moins pour le moment.

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Yousuf Mohamed, Senior Counsel : «Ils veulent saboter les pouvoirs du DPP»

L’intention de créer un Prosecution Commission vous surprend-elle ?
Cela me choque. Cela m’inquiète. On veut à tout prix amender la Constitution pour créer une certaine commission qui serait composée de gens appartenant à la majorité, avec des instructions formelles pour tenter de contredire des décisions prises par le Directeur des poursuites publiques. Des affaires contre Ramgoolam, Anil Bachoo etc. Ils veulent à tout prix saboter les pouvoirs du DPP. Ainsi, ils pourraient taper fort sur leurs adversaires politiques. C’est dangereux. Cela ferait disparaître la liberté. On deviendrait une société arbitraire où la police ferait la loi.

Les premières indications sont que trois ex-juges feraient partie de la commission. Est-ce rassurant ?
Pas du tout ! Un juge en Cour suprême, j’ai confiance en lui. Une fois qu’il est parti, il est libre de choisir un parti.

Ce genre de commission existe-t-il ailleurs ?
Les décisions prises dans n’importe quelle affaire sont le fruit du dur labeur des avocats qui travaillent sur le dossier. Ce sont eux qui font des recommandations au DPP. Ce n’est pas un travail personnel. Ce n’est pas uniquement Satyajit Boolell. N’oubliez pas que ce gouvernement a voulu se débarrasser de Satyajit Boolell dès le début. La police est allée chez lui, tôt le matin. Quelle confiance peut-on avoir en un tel gouvernement ? C’est très grave ce qui se passe. Chaque Mauricien doit se sentir concerné. C’est de l’avenir démocratique de notre pays qu’il s’agit. Le bureau du DPP existe depuis des années. Pourquoi veut-on une commission maintenant ?

Pensez-vous que la ligne entre l’Exécutif et le Judiciaire risque d’être moins claire ?
C’est une façon déguisée de faire de sorte qu’il n’y ait plus de séparation des pouvoirs. Le gouvernement pourrait dicter sa conduite à cette commission. N’oubliez pas ce qui s’est passé dans d’autres commissions. Partout où il y a eu des political nominees, c’est la banqueroute que nous avons connue.

Est-il impossible d’avoir une commission indépendante, même avec une loi qui prévoit cela ?
La question ne se pose même pas. Je n’en vois pas la nécessité. Cela a très bien marché toutes ces années. Anerood Jugnauth lui-même a été avocat du Parquet sous le DPP. Il doit le savoir. Idem pour Ivan Collendavelloo, Anil Gayan et Ravi Rutnah.


Rishi Pursem, Senior Counsel : «Cela peut être une bonne chose (...)»

Rishi PursemL’intention de créer un Prosecution Commission vous surprend-elle ?
Je ne suis pas surpris. Il y a eu une proposition. Ce n’est pas nouveau. Certains pays ont des institutions similaires. Mais nous en saurons un peu plus. Qu’est-ce que cette commission pourra passer en revue exactement ? Les décisions de poursuivre ou pas ? Puis, il faut noter qu’à ce jour, une décision du DPP peut être sujette à une révision judiciaire. C’est la Cour qui aura son mot à dire. S’il faut mettre sur pied une commission, elle doit être composée de personnes compétentes. Elles doivent pouvoir étudier le dossier de la police, etc.. Ce n’est pas anodin. On ne peut nommer n’importe qui.

La nomination de trois anciens juges est-elle rassurante à cet égard ?
Si on aura des personnes qui pourront agir indépendamment de l’Exécutif, je n’ai pas de problèmes.

Ces changements sont-ils nécessaires ?
Le débat a lieu dans un contexte un peu spécifique. Dans le cas de Veekram Bhunjun, que je représente, par exem-ple, je suis parfaitement d’accord avec le DPP qu’il n’y a pas de case contre lui. Mais il faut voir cela dans sa globalité. J’ai vu les décisions des DPP durant les dix dernières années. Je crois que c’est une bonne chose d’avoir une commission qui puisse revoir certaines choses. Mais il faut des personnes capables de se mettre dans les souliers du DPP.

Vous voulez dire que les décisions des divers DPP ne sont pas toujours justifiées ?
Peut-être que, dans l’intérêt de la transparence, une décision vue par une tierce partie peut dissiper tout doute. Dans de nombreux cas, cela peut-être une bonne chose pour le DPP lui-même.

Le DPP prend tout de même la peine de motiver ses décisions dans certains cas...
Je crois qu’il nous faut saluer l’initiative du DPP. He has gone beyond what he had to do en motivant ses décisions. Mais en ce qui me concerne, par rapport à l’avenir, c’est une bonne chose qu’il y ait une commission indépendante qui puisse confirmer que le DPP avait parfaitement raison ou pas.

Cette commission menace-t-elle la séparation des pouvoirs ?
Je dois insister sur le fait que je participe à ce débat du point de vue purement légal. Le contexte n’est peut-être pas approprié. Pour se protéger de l’ingérence de l’Exécutif, il faut que les personnes nommées à cette commission soient absolument indépendantes.

Peut-on se prémunir de l’ingérence dans le texte de la loi elle-même ?
Ce qui importe, ce n’est pas de savoir qui, mais comment ces personnes seront-elles nommées. Cette commission doit être aussi indépendante que la Cour suprême. Short of that, il y aura des risques.


DPPLe DPP s’abstient de commenter

Il faudra patienter avec de connaître l’opinion du DPP Satyajit Boolell. Contacté par le Défi Quotidien hier soir, il a fait savoir qu’il ne ferai aucun commentaire pour le moment. « Il faut d’abord que je vois le texte», a-t-il déclaré.

 

 

 

 

 

 

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