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Le gouvernement durcit la loi - Constructions illégales : l’anarchie

Camp Chapelon

Les constructions illégales ont pris une telle ampleur à Maurice que le gouvernement a décidé de serrer les vis. Des amendements sont apportés à la Local Government Act. Le Défi Plus dresse un constat à travers l’île.

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Certains citoyens croient que tout est permis. C’est en ces termes que des employés de différentes collectivités locales décrivent l’ampleur des constructions ou autres développements illégaux à travers le pays. Une moyenne de 500 cas sont enregistrés par mois. Les cas les plus récurrents concernent des constructions faites sans permis ou sans respecter les conditions d’un permis. Résultat : les cas d’empiètement sont fréquents. Mais, plus grave encore, ces développements, sans l'obtention des autorisations nécessaires, viennent parfois obstruer des cours d’eau, des canaux ou des drains. Augmentant les accumulations d'eau lors de grosses averses.

Selon un haut cadre du ministère des Collectivités locales, les villes reçoivent en moyenne une quarantaine de plaintes concernant des cas allégués de développements illégaux par mois. Les maisons ou bâtiments concernés par ce type de construction sont souvent ceux qui se trouvent dans de ruelles, dans une cour entourée d’autres maisons ou encore dans des faubourgs.

Les bâtiments concernés échappent parfois à la vigilance des inspecteurs

Ce qui expliquerait que, malgré la présence des employés de la mairie sur le terrain, ces constructions échappent parfois à la vigilance des inspecteurs. « Il y a deux types d’inspection. Une que nous faisons à la suite d’une plainte et une autre qui constitue notre travail au quotidien, soit de repérer les bâtiments en construction et d’identifier toute anomalie qu’il pourrait y avoir. Si nou doute ki constriction pa pe fer dapre norme, kan nou retourne buro nou tir so dossier nou verifie », explique un inspecteur.

Construction sans permis

Une méthode qui est, à en croire notre interlocuteur, loin d’être efficace. « Kan nou pe passe, ce zis bann ki lor bor simé ki nou pou trouve. Bann ki dan bann ti lari, ki dan ban nlacour entoure ek lacaz, ca banla nou pas pu trouve. Amoin gaygn complinte », poursuit notre interlocuteur.

Les autorités considèrent d’illégale toute construction entreprise sans ayant eu au préalable un Building & Land User Permit (BLUP). Dans le milieu concerné, on nous indique qu’il s’agit très souvent d’une extension faite à un bâtiment existant. « Des fois, le propriétaire ajoute une ou plusieurs chambres à sa maison existante, dépendant de ses besoins et des moyens dont il dispose. Moyens qu’il n’avait pas lorsqu’il avait entrepris la construction de sa maison dans le passé. C’est du moins, l’une des raisons qu’il avancera lorsqu’il se fera épingler », indique un cadre du Land Use and Department Planning d’un conseil de district. 

Construction déjà entamée

Autre extension, cette fois, en hauteur. En effet, les Mauriciens seraient aussi nombreux à ajouter un étage à leur maison existante, sans en avoir eu, au préalable, les autorisations nécessaires. « Lorsqu’une collectivité locale vous octroie un permis pour un ground floor, ce permis est valide uniquement pour ce ground floor. Toute extension en hauteur, à travers un ou plusieurs étages additionnels, doit aussi être sujette à l’approbation de la collectivité locale », ajoute ce cadre.

Même lorsqu’une demande a été faite en bonne et due forme, un propriétaire peut se retrouver dans l’illégalité. En effet, lorsqu’une demande est faite, un inspecteur est envoyé sur place pour une vérification des plans soumis. Il n’est pas rare, selon une source à la mairie de Beau-Bassin/Rose-Hill, de constater que la construction a déjà été entamée. « C’est un des nombreux cas auxquels nous devons faire face fréquemment. Parfois, le propriétaire plaide l’ignorance. Si la construction est conforme aux règlements en vigueur, nous lui accordons alors le permis », soutient notre interlocuteur.

Tout aussi illégal, c'est  le non-respect des conditions stipulées dans les permis

Cependant, un cadre du conseil de district de Pamplemousses indique que, dans certains cas, tout porte à croire que le propriétaire n’avait, dès le départ, aucune intention de faire une demande pour un permis. « Soit, il a été contraint de contracter un prêt auprès d’une banque pour achever la construction de sa maison, soit il a décidé de faire une demande pour l’obtention du grant qu’offre le ministère du Logement et des terres pour la dalle. Dans ces cas, parmi d’autres, un permis est exigé. Le propriétaire se retrouve ainsi contraint à se tourner vers la collectivité locale », poursuit-il.

Non respect des conditions du permis

Toutes aussi illégales sont les constructions entreprises sans respecter une ou plusieurs conditions stipulées dans le permis, accordé au propriétaire. Et les exemples ne manquent pas. L’un d’eux, qui figurent dans le hit-parade des cas les plus souvent enregistrés, est l’empiétement. « Souvent, la distance requise entre une construction est le boundary wall, soit la limite entre deux terrains, n’est pas respectée », indique un officier au conseil de district de Grand-Port. Pire encore, dans certains cas, aucune distance n’a été laissée. « Lerla mem ki nou dir finn mont lor balizaz », précise-t-il. Selon notre interlocuteur, il est plus facile de constater ces cas d’empiètement lorsqu’un mur (boundary wall) existe. « Cela devient problématique lorsque le mur n’existe pas. Si une personne se sent lésée par la construction de son voisin, cela lui incombe de faire arpenter le terrain », précise-t-il.

Autre exemple, le non-respect de la superficie du bâtiment. À titre d’exemple, sur les plans, le bâtiment est d’une superficie de 100 m2. Mais une fois construite, la superficie du bâtiment est supérieure à celle qui a été mentionnée et approuvée sur les plans. « Cela constitue une construction illégale », ajoute-t-il.


Consentement des voisins

Dans certaines situations, un des critères pour obtenir un Building & Land User Permit (BLUP) est l’obtention du consentement d’un ou de plusieurs voisins. « À titre d’exemple, lorsque vous construisez un deuxième étage, il faut, dans certains cas, obtenir le consentement des voisins. Il y a eu des cas où la construction a été entamée, de surcroît sans permis et le consentement du/des voisin(s) n’a pas été obtenu. Du coup, cette construction devient illégale », souligne un inspecteur.

Peine pas assez sévère

Les sanctions, en cas de constructions illégales, ne seraient pas suffisamment sévères. C’est pour cette raison que cela ne décourage en rien qui que ce soit à entreprendre des constructions illégales. C’est du moins l’avis d’un cadre au conseil de district de Rivière-du-Rempart. « La personne sait très bien qu’au grand maximum, il écopera d’une amende en cour, car le pulling-down est généralement assez rare », avance-t-il.


Steeve Magdelaine : «En finir avec les constructions sauvages»

Steeve Magdelaine, président du Conseil de District de Rivière-Noire, dit accueillir favorablement ce durcissement des lois contre ce qu’il considère comme des « constructions sauvages ». « J’ai évoqué ce phénomène au ministre Jhugroo, l’année dernière. Les gens font un peu n’importe quoi et c’est d’ailleurs une des causes d’inondations dans le pays, surtout lorsqu'ils construisent sur des drains ou des canaux », fait-il savoir. Pire, Steeve Magdelaine parle de « mafia » qui sévirait dans la région de flic-en-flac. « Ils jouent à cache-cache avec les officiers lorsqu’il est question de leur servir un stop-order.  Quand nous parvenons à leur mettre la main dessus, il font fi du stop-order et poursuivent la construction illégale. Même les ordres de la cour ne les arrêtent pas. Ils savent qu’ils vont s’en tirer avec une amende de Rs 5 000 à Rs 6 000 », ajoute-t-il. Le président du Conseil de district dit toutefois craindre pour la sécurité du Chief Executive qui aura des pouvoirs renforcés, un aspect qui mériterait peut être, selon lui, plus de réflexion. « Dans ma jurisdiction, il y a des gens qui en viennent parfois aux mains. Un Chief Exective qui sert des Pulling-Down Notice, c’est peut être un peu risqué pour lui », conclut Steeve Magdelaine.


Édifications irrégulières : ce qui va changer

Un durcissement des peines et l’octroi de plus de pouvoirs aux Chief Executives des Collectivités locales sont prévus. C’est en somme les amendements proposés dans le Local Government [Amendment] Bill, lequel a été présenté en première lecture au Parlement, le mardi 10 juillet.
Les amendements que propose le gouvernement sont triples. Primo, harmoniser et durcir les lois existantes quant aux constructions illégales, tout en accordant plus de pouvoirs aux Collectivités locales. Secundo, augmenter le montant des pénalités et, tertio, permettre la démolition des développements illégaux.

  • Délits

Toute personne qui entreprend une construction sans l’obtention d’un Building & Land Use Permit (BLUP) ou qui ne respecte pas des conditions d’un BLUP, devra s’acquitter d’une amende variant entre Rs 100 000 et Rs 500 000. En sus de l’amende, la Cour peut demander au contrevenant de démolir ladite construction à ses frais. Dans le cas contraire, la Collectivité locale pourra s’en charger, toute en réclamant le coût associé à la démolition au contrevenant.

  • Compliance notice

Lorsqu’une personne entreprend des travaux de construction sans un BLUP, le Chief Executive pourra le sommer de faire une demande à cet effet en lui servant une compliance notice. Elle devra, avant d’obtenir le permis, s’acquitter d’une pénalité de Rs 50 000. Si elle n’obtempère pas, un avis de démolition lui sera servi. De plus, toute personne qui entreprend des travaux sur des rivières, canaux ou drains sans une autorisation indispensable, le Chief Executive sera en mesure de lui demander de démolir la construction.

  • Enforcement notice

Le non-respect des conditions d’un permis permet au Chief Executive de servir une Enforcement Notice à la personne qui entreprend les travaux, tout en précisant les conditions qui n’ont pas été respectées, les mesures correctives à prendre incluant une démolition, si nécessaire.

  • Pulling down notice

Toute construction entreprise sans l’obtention d’un permis sur des rivières, canaux ou drains devra être démolie, sur ordre du Chief Executive. La Pulling Down Notice devra spécifier les conditions qui n’ont pas été respectées et la démolition devra se faire dans un délai ne dépassant pas 30 jours.

  • Validité du permis

Le BLUP ne sera plus valide au bout de deux ans si la construction n’a pas été entamée, sauf si les murs du bâtiment ont été élevés d’au moins de 60 cm. Une condition qui s’applique pour les bâtiments qui sortent de terre, la construction d’un étage sur une structure existante et la construction d’un étage sur un bâtiment qui possède un sous-sol. Pour les constructions en bois ou en métal, l’ossature de la structure doit avoir été complétée d’au moins 20 %. 

  • Certificat d’occupation

Un bâtiment dont la construction a été achevée, même partiellement, ne peut être habité ou utilisé sans l’obtention d’un certificat d’occupation. Si la superficie du développement est supérieure à 150 m2, le demandeur doit aussi fournir un  clearance certificate, émis par un principal agent afin de certifier que le bâtiment a été construit en respectant les conditions du permis. Tout contrevenant qui ne respecte pas cette condition devra payer une amende variant entre Rs 10 000 et Rs 50 000.

  • Extension de délai

Une personne qui fait l’objet d’une Enforcement Notice, d’une Compliance Notice ou d’une Pulling Down Notice pourra faire une demande pour l’extension du délai qui lui a été accordé pour se conformer aux conditions imposées. Le délai pourra, à la discrétion du Chief Exective, être étendu pour une période ne dépassant pas 60 jours.

  • Informer.

Le détenteur d’un permis doit informer la Collectivité locale avant le début des travaux.

Ken Fong : «Un désordre extraordinaire»

Le maire de Beau-Bassin/Rose-Hill, Ken Fong dit constater qu’il y a eu de nombreux cas de constructions illégales par le passé qui causent pas mal d’inconvénients dans les villes. « À titre d’exemple, il y a eu des cas d’empiètement sur des espaces qui avaient été désignés pour la construction de drains. Pire, ils construisent parfois sur des drains existants, causant des obstructions. C’est un désordre extraordinaire ! », fustige le maire. Celui-ci concède qu’il y a un manque d’effectif, surtout en la capacité d’inspecteur. « Il n’y a pas suffisamment d’inspecteurs pour effectuer des visites fréquentes, surtout que beaucoup de ces constructions illégales se font durant le week-end », affirme Ken Fong. Les gens, ajoute-t-il, ne craindraient pas non plus les stop-order, émis par la municipalité. « Une fois en Cour, deux choix s’offrent au magistrat : l’imposition d’une amende ou la démolition de ladite construction. Souvent, le montant qui leur est réclamé n’est pas comparable au centaine de milliers de roupies qu’ils dépensent pour la construction », déplore-t-il. Ken Fong soutient qu’il n’est pas contre le développement. « Mais permis bizin ena ! », soutient-il.


Résoudre le problème d’accumulation d’eau

Au niveau du ministère des Administrations régionales, on soutient que ces amendements visent surtout à résoudre le problème d’accumulation d’eau en période de grosses averses. «  One of the main concerns being addressed is that of constructions on rivers, drains and canals, especially in the context of climate change, as these are a hindrance to the normal flow of rainwater and can worsen water accumulations », precise un cadre du ministère.

 

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