Vingt-quatre ans après le génocide des Tutsis au Rwanda, Maurice a marqué cette tragédie africaine avec l’organisation d’une conférence au Hennessy Park Hotel, à ébène, par le Resident Coordinator des Nations unies, en collaboration avec la communauté rwandaise à Maurice et sponsorisée par Africa-Re.
« Plus jamais ça. » Cette phrase est revenue en leitmotiv dans les discours des participants. Mais comment un petit tranquille, loin des envahisseurs du Nord et de la traite a-t-il été temoin du massacre le plus sanguinaire connu sur le continent africain ? Explications. Le mercredi 25 avril à Ébène, le sourire et le charme des jeunes Rwandaises, étudiantes à Maurice et chargées de l’accueil des invités, ont petit à petit cédé la place à l’émotion et à l’incompréhension lorsque, tour à tour, les participants ont commencé à livrer par bribes le contexte dans lequel le génocide des Tutsis s’est déroulé en 1994.
Comment expliquer qu’en trois mois, 800 000 innocents ont été massacrés à la machette, aux grenades et aux fusils automatiques dans un déferlement de haine et dans la plus ignoble sauvagerie, sans que l’opinion internationale s’en émeuve et sans la moindre intervention armée de l’Union africaine ou des Casques bleus des Nations unies ? Est-ce parce que les Belges et Français présents dans le pays à travers l’église catholique – une lettre pastorale du 11 février 1959 fait état des différences et inégalités ethniques, et les attribue aux différences de race, « entre les mains d’une même race », soit les Tutsis, sans le nommer –, se sont pudiquement détournés les yeux de ce pays, où ils ont été longtemps présents ?
Comme elle l’a fait partout en Afrique, la France a voulu faire du Rwanda un pays où elle peut maintenir sa zone d’influence. Il faut aussi savoir que la banque française Paribas est soupçonnée d’avoir contribué au financement d’achat illégal d’armes qui ont été servies par les Hutus. Depuis une information judiciaire pour « complicité de génocide, de crime contre l’humanité et de crime de guerre » a été ouverte contre cette banque, devenue BNP Paribas.
« Diviser pour régner »
Présents à Ébène, le consul honoraire Nikesh Patel et Alfred Byigero, CEO de l’Utility Regulatory Authority-Mauritius, ont l’un et l’autre survolé les faits entourant ce conflit ethnique, le dernier pointant du doigt la responsabilité directe des Belges qui ont pratiqué la politique anglaise « diviser pour régner » dans ce royaume plutôt paisible, où prévaut l’harmonie parmi ses clans et structurer par ses ethnies. Dès 1959, les colonisateurs belges ont encouragé les Hutus – 85 % de la population et agriculteurs – dans leurs revendications contre les Tutsis, qui sont 14 % de la population, sont éleveurs de bétail et assimilés à une sorte de noblesse.
C’est sans aucun doute le film américain Hotel Rwanda (2004) qui permet de mieux comprendre ce conflit et du sentiment de haine qui animait alors les Hutus envers les Tutsis. Le film est une évocation de la biographie de Paul Rusesabagina, un Hutu directeur de l’hôtel Les Mille Collines, à Kigali, la capitale du Rwanda. C’est Milles Collines, « la radio de la haine » qu’on entend dans le film, qui lançait les premiers appels au meurtre des Tutsis qu’elle désignait comme « cafards », afin de les déshumaniser.
Le génocide, qui avait commencé en avril 2004, est l’aboutissement d’un long conflit pour l’appropriation du pouvoir, derrière lequel se profile la France qui a vendu massivement des armes au Rwanda et le jeu d’influence de pouvoir entre Français et Américains. C’est l’attentat contre l’avion à bord duquel se trouve le président-dictateur hutu Juvénal Habyarimana qui sonne le début du génocide.
Effort de réconciliation
Vingt-quatre ans après ce génocide – ce sont les Nations unies qui l’ont désigné sous ce terme, comme le génocide des Arméniens ou la Shoah – qu’est devenu le Rwanda et comment s’est-il reconstruit ? Les différents participants présents à Ébène, mercredi, ont tous mis l’accent sur l’effort de réconciliation entre les anciens belligérants, mais Nikesh Patel reconnaît qu’il reste un véritable défi d’oublier que les voisins ont peut-être participé aux massacres, aussi l’effort de pardonner doit-il prévaloir.
Aussi l’avenir de reconstruction, qui a bien commencé par transformer l’économie du Rwanda parmi les premières en Afrique, est-il laissé entre les mains de la jeune génération et aussi aux pays amis. Maurice comptant ainsi parmi ces derniers, pour avoir aidé le pays dans le domaine judiciaire. Mais le génocide rwandais a surtout valeur d’exemple sur la nécessité aux gouvernants d’un pays pluriethnique d’assurer l’harmonie, la justice et l’équité pour prévenir les frustrations extrêmes.
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