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Le dollar et l’euro menacent de flamber : la roupie prise en étau 

Allan Juste et Cédric Beguier

La Banque centrale européenne (BCE) a relevé son taux d’intérêt de 50 points de base, une première en 11 ans. De son côté, la Réserve fédérale américaine (Fed) envisageait d’augmenter une nouvelle fois ses taux directeurs de 0,75 % mercredi. Des décisions qui influeront sur la valeur de l’euro et du dollar. La roupie sera certainement affectée. Explications de deux spécialistes. 

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L’impact de la décision de la BCE sur l’euro et le dollar

Cédric Beguier, Head of Research and Portfolio Management - International chez Ekada Capital : « Les deux derniers mois ont été historiques pour l’euro qui, fin juin, touchait le seuil de parité avec le franc suisse. La monnaie unique avait perdu environ 2,3 % depuis le début du mois de juillet et a cassé la parité avec le dollar pour la première fois en vingt ans, à la suite d’une inflation très élevée aux États-Unis et des craintes d’un fort ralentissement économique dans la zone euro. Depuis l’intervention très tardive de la BCE et la publication de chiffres macroéconomiques moins pires que prévu, l’euro s’est légèrement renforcé, mais la tendance à moyen terme reste baissière. Surtout dans une semaine chargée des publications des entreprises, du Federal Open Market Committee (FOMC) Meeting et de la conférence du président de la Fed, Jerome Powell. Ce qui devrait, selon le consensus, annoncer une nouvelle augmentation des taux d’au moins 75 points de base et faire repasser le billet vert sur le devant de la scène. La dernière semaine de juillet risque d’être très mouvementée. »

Allan Juste, Head Forex and Derivatives chez AfrAsia Bank :  « La BCE a mis fin à l’ère des taux d’intérêt négatifs en Europe jeudi dernier, en ramenant le taux d’intérêt des opérations principales de refinancement et les taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt à respectivement 0,5 %, 0,75 % et 0 % à compter du 27 juillet 2022. Elle a également accepté d’apporter une nouvelle aide aux États membres de la zone euro, surtout les plus endettés. Depuis le début de l’année, la monnaie européenne a perdu près de 10 % de sa valeur face au billet vert, tombant même sous le seuil de la parité durant la mi-juillet, minée notamment par la guerre en Ukraine, pendant que le dollar servait de valeur refuge. Dans un monde parfait, la hausse des taux de la BCE devrait favoriser un euro plus vigoureux face au dollar sur le court terme. Mais la devise européenne risque néanmoins de rester relativement bas face au billet vert au cours des prochains mois, en raison des incertitudes qui planent sur l’Europe, dans un contexte macroéconomique et géopolitique complexe, entre les risques de pénurie de gaz liés à la dépendance de l’UE au gaz russe et le regain d’incertitude politique en Italie, une des économies les plus vulnérables de la zone monétaire, suivant la dissolution de son Parlement après la démission du Premier ministre Mario Draghi, provoquant des élections anticipées le 25 septembre prochain. De l’autre côté de l’Atlantique, la Fed a déjà frappé fort cette année, car elle a augmenté ses taux d’intérêt depuis mars. Ceux-ci se trouvent actuellement dans une fourchette de 1,50 % à 1,75 %. Ce mercredi verra la Fed annoncer une quatrième forte hausse de ses taux d’intérêt et l’hypothèse d’une hausse de trois quarts de points (75 points de base), comme lors de la dernière réunion, mi-juin, semble faire l’unanimité, bien que l’un des gouverneurs de l’institution, Christopher Waller, ait récemment ouvert la porte à une hausse d’un point (100 points de base). Donc, les conditions du marché restent défavorables pour la devise européenne et le scénario le plus probable est que l’euro teste à nouveau la parité face au dollar américain dans les prochaines semaines. »

Vers quelle évolution de la roupie face au dollar et à l’euro 

Cédric Beguier : « À ce stade, le dollar est à surveiller de près, car il représente environ 70 % de nos dépenses. Si l’on part du principe que la Banque de Maurice continue à soutenir la roupie comme elle le fait, le dollar s’étant déjà fortement apprécié, il n’y a pas de raison que la tendance s’inverse tant que la Fed et la BCE continuent leurs plans de lutte contre l’inflation et donnent un ton Hawkish à la politique monétaire. Les possibilités que la paire USD/MUR reste haussière sont grandes. La politique monétaire de la BCE, bien que Hawkish, reste tardive et ne laisse plus le temps à l’euro pour mener la danse. Surtout dans un climat de défiance face à la conjoncture européenne en proie à une crise énergétique, économique et des regains de tensions politiques en Italie, qui rappelle le risque d’« Itexit » de 2018. On le remarque en observant l’indice de volatilité de l’EUR/USD qui est à son plus haut niveau depuis plus de deux ans et tutoie le pic enregistré en mars 2020 lors de la pandémie de Covid-19. Malgré son faible niveau de valorisation et si le seuil de parité est atteint en juillet, qui fait office de support, s’il ne rompt pas, l’euro pourrait rester dans le même ‘range’ à moyen terme. »

Allan Juste : « Bien que la pression sur l’euro face à la roupie se soit allégée depuis l’annonce surprenante de la politique monétaire de la BCE la semaine dernière, le rebond de l’euro au-delà de Rs 46,30 cette semaine reste toujours insuffisant pour remettre en question la tendance baissière de fond qui prévaut depuis plusieurs mois déjà. À noter que la monnaie unique s’est complètement effacée contre la roupie durant cette année, entraînant dans son sillage plus de 8 % de déclin depuis mi-janvier 2022. Face au dollar américain, la roupie avait entamé un plongeon précipité pour tomber au niveau le plus bas de son histoire à Rs 45,80 à la vente le 8 juillet dernier, malmenée par l’hégémonie du billet vert comme valeur refuge. Cependant, le cours du dollar américain a reculé face à la roupie après les deux dernières interventions de la Banque de Maurice sur le marché des changes durant le mois de juillet, ramenant le billet vert à Rs 44,90 à la vente. À travers ses dernières interventions sur le Forex, la Banque centrale a semblé émettre le signal d’une roupie stable sur le court terme face au dollar américain. Néanmoins, les perspectives haussières de fond du dollar restent toujours très ancrées et le compte rendu de la réunion de la Fed, ainsi que les commentaires que fera son président, Jerome Powell, ce mercredi, sont certainement très attendus. Toutefois, les observateurs du marché craignent qu’une politique monétaire agressive aux États-Unis puisse faire basculer l’économie américaine dans une récession. »

La Banque de Maurice doit-elle procéder à un resserrement de sa politique monétaire comme c’est le cas en Europe, aux États-Unis et dans d’autres pays développés ?

Cédric Beguier : « Lors de sa dernière réunion, le MPC a décidé à l’unanimité de relever le Repo Rate de 25 points de base, le portant à 2,25 %. La prochaine réunion du MPC aura lieu, mais quand ? Quid de l’agenda ? Il semble plus que nécessaire de resserrer la politique monétaire, mais une augmentation des taux trop drastique pourrait paralyser l’économie et viendrait affaiblir la consommation qui a déjà du mal à décoller par rapport au coût de l’inflation subi par les ménages. De plus, une augmentation trop élevée des taux mettrait de nombreux acteurs économiques, débiteurs et déjà fragilisés par les périodes de ‘lockdown’ et une reprise faible, dans une situation encore plus difficile. »

Allan Juste : « Le comité de politique monétaire (MPC) de la Banque de Maurice avait procédé à une hausse du taux directeur de 40 points de base durant ses deux dernières réunions. Ainsi, le Repo Rate est passé de 1,85 % à 2,25 % pour endiguer une inflation persistante. De même, la BoM avait revu à la hausse sa prévision d’inflation à environ 8,6 % pour 2022 en juin. Cependant, la BoM reste exposée à une pression inflationniste importée très élevée ces derniers mois en raison de la hausse des prix du pétrole ainsi qu’à une monnaie plus faible qui rend les coûts des matières premières très relevés à Maurice. Et ayant moins de prise sur ces deux facteurs externes qui pèsent sur le déficit commercial du pays, la BoM pourrait probablement répondre de manière moins vigoureuse que les autres Banques centrales au cours des prochains mois. »

 

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