Les anciens ministres des Finances, Rundheersing Bheenick et Vasant Bunwaree, ont suivi avec attention le Grand oral de Renganaden Padayachy. Ils déplorent le « manque de vision » du Budget tout en donnant leurs avis sur les forces et les faiblesses de la loi de finance.
Publicité
Rundheersing Bheenick : « Le Budget est bâti autour de l’illusion de la monnaie »
Son commentaire sur le Budget
Un Budget de « supercherie ». C’est en ces termes que Rundheersing Bheenick, ancien ministre des Finances et ancien Gouverneur de la Banque de Maurice, qualifie le quatrième Budget de Renganaden Padayachy. « Ce Budget s’inscrit dans la tradition que Renganaden Padayachy semble avoir instauré depuis qu’il est ministre des Finances et même avant, soit quand il était vice-gouverneur de la Banque centrale. Il semble miser à fond sur ce que les économistes et les spécialistes des finances publiques appellent le « fiscal drag » », soutient Rundheersing Bheenick.
Pour l’ancien ministre des Finances, Renganaden Padayachy exploite à fond la « money illusion ». « Ce Budget est bâti autour de l’illusion de la monnaie. Il n’y a rien comme vision d’ensemble pour le pays. Maintenant que nous sortons de la crise de la pandémie, il n’y a rien pour conforter sur la création de nouveaux emplois pour encourager nos jeunes à ne pas lorgner d’autres cieux », déplore-t-il.
Et d’ajouter : « Il n’y a rien non plus pour encourager la productivité à Maurice. Je n’ai même pas entendu un seul mot là-dessus. Et il n’y a rien pour rendre le Mauricien de cette génération comme agent indépendant et responsable de son propre avenir ». À la place, poursuit-il, on « augmente la dépendance » sur l’État, sur les agences de l’État, sur les différentes caisses de l’État et sur les différentes subventions de l’État. « Alors qu’on aurait pu faire le contraire et minimiser l’emprise de l’État sur la vie quotidienne des Mauriciens », avance Rundheersing Bheenick.
Le point fort du Budget et…
« Le point fort est cette plus grande supercherie qui est concoctée autour de ce genre de funambulisme et cela est ce que le ministre des Finances a qualifié de point fort du Budget : la taxe progressive », avance l’ancien ministre des Finances. À entendre parler le ministre, soutient Rundheersing Bheenick, on aurait cru qu’enfin les riches et les ultra riches – ¬dont on entend parler dans la presse nationale, lesquels ont transformé une grande partie des Mauriciens en voyeurs nous faisant visiter les palais et les bling-bling qui caractérisent les nouveaux riches – allaient finalement payer ce qu’ils auraient dû payer ou financer les revenus de l’État. Ce, pour mener à bien un exercice d’envergure de rééquilibrage des finances publiques et la mise en place d’un vrai programme de restructuration de tout ce qui ne fonctionne pas dans notre pays et qui arrive à un point mort.
« Nous sommes en panne de vision, de dynamisme, d’un vrai débat sur les enjeux économiques. Mais ce monsieur n’a trouvé rien de bon que de nous emmener faire une balade à travers le pays, nous pointant ce qu’il allait faire de ce côté-ci et quoi de l’autre côté, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, inspectant les drains, le zones à risque d’inondation, les ponts, les écoles, les maisons qui seront construites, etc. », déplore-t-il. Pour Rundeersing Bheenick, on attend d’un ministre des Finances – parce qu’il n’y a personne d’autre qui parle de la macroéconomie – qu’il parle de stabilité financière, de « debt stability » et de « fiscal sustainability ». « Je suis resté sur ma faim depuis très longtemps. Je deviens affamé là ! », ironise-t-il.
…le point faible
« C’est le même que le point fort », conclut Rundheersing Bheenick.
Vasant Bunwaree : « Aucune mesure pour développer l’économie océanique »
Son commentaire sur le Budget
« Assez moyen et pas avant-gardiste ». Ce sont les qualificatifs utilisés par le Dr Vasant Bunwaree pour définir le Budget de Renganaden Padayachy. « On n’y trouve aucun projet et aucune mesure qui projettent le pays dans le contexte actuel et dans l’avenir. J’aurais aimé y voir des mesures visant à développer l’économie océanique, à titre d’exemple », déplore l’ancien ministre des Finances.
Pour le Dr Vasant Bunwaree, il faut apprendre aux Mauriciens à vivre et à voir grand. « Et là, il y a clairement un manque de vision véritable », ajoute-t-il. Il cite l’exemple de l’allocation de Rs 20 000 aux jeunes de 18 ans. « C’est une mesure électoraliste ! Mais, il y a pire au-delà de cela. Ces derniers temps, il est beaucoup question d’indiscipline dans les écoles, d’alcool et de drogue. Tout récemment, dans un collège, des enfants se sont bagarrés et il a fallu l’intervention de la police. Et on leur donne Rs 20 000 pour les récompenser. Au lieu de tendre la carotte aux jeunes, il fallait leur montrer le bâton. Et s’ils veulent gagner la carotte, il faut qu’ils fassent des efforts et changent de comportement. Ce qui implique être disciplinés à l’école… », suggère le Dr Vasant Bunwaree.
Le point fort du Budget et…
Le Dr Vasant Bunwaree salue la mesure portant sur la prise en charge de l’État des frais de santé pour tous ceux dont les traitements ne sont pas disponibles à Maurice, en particulier les enfants et les cas de cancer. « C’est une mesure qu’on aurait dû introduire depuis longtemps. Le gouvernement travailliste avait commencé avec une couverture de Rs 250 000 des frais qui a, par la suite, augmenté », fait-il ressortir.
…le point faible
Pour le Dr Vasant Bunwaree, le point faible demeure qu’il n’y a aucune stimulation pour des projets de développement liés à l’économie océanique, alors que notre zone économique exclusive s’étend sur plus de deux millions de kilomètres carrés. « On ne fait rien pour développer la mer et on continue à se reposer sur les mêmes piliers : le tourisme, la manufacture, le secteur financier,… À quand de nouveaux secteurs ? », se demande-t-il.
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !