Laurent Sicar : «Le manque de main-d’œuvre est la faiblesse de Maurice»

Laurent Sicart, directeur général délégué d’Orange Business et directeur de Business & Decision France, indique que le manque de main-d’œuvre est un des principaux défis de Maurice, surtout dans le secteur TIC-BPO. Il fournit des pistes pour pallier cette faiblesse. Il aborde également l’impact des coûts d’opération sur la compétitivité du pays. 

Comment peut-on stimuler la croissance dans le secteur TIC-BPO dans un pays comme Maurice ? 
Maurice a déjà un secteur des TIC très dynamique, soutenu par une population jeune adepte des nouvelles technologies, ainsi qu’un environnement business stable et favorable. Stimuler encore plus la croissance pourrait passer par des mesures incitatives à l’intention des entreprises du secteur, telles que des aides à l’investissement. De plus, faciliter le recrutement de talents étrangers est primordial pour pallier le manque structurel de ressources humaines au pays. 

Le manque de main-d’œuvre et l’exode de talents n’a pas épargné le secteur TIC-BPO à Maurice. Quelles mesures pourraient permettre de résoudre cette problématique ? 
Le manque de main-d’œuvre est clairement la faiblesse de la destination Maurice ! Une des mesures pour aider le secteur serait de faire grandir le vivier de ressources à travers la formation initiale des jeunes débutants, le re-skilling des professionnels ayant une première expérience, ainsi que la formation continue des collaborateurs plus expérimentés. C’est d’ailleurs dans cette optique que Business & Decision Maurice ouvrira bientôt un centre de formation professionnelle, calqué sur le modèle de l’École de la Data / Digital Services School du groupe en France. 

Faut-il voir dans l’émergence de l’intelligence artificielle, comme ChatGPT et autres technologies, des outils de productivité ou des menaces pour l’emploi ? 
L’intelligence artificielle générative (GenAI) représente une mutation profonde qui redéfinit déjà de nombreux métiers, dont l’Information Technology. On estime qu’environ 30 % des tâches liées au développement de projets informatiques, comme le codage, les tests et la documentation, seront totalement repensées grâce à l’utilisation d’outils proposés par la GenAI. 

Notre secteur doit donc s’adapter à ce changement majeur – et il le fait – tout en saisissant les formidables opportunités offertes par ces technologies. Elles transforment progressivement le patrimoine applicatif de tous les secteurs, qu’il s’agisse de l’industrie, du retail, de la banque, de l’assurance ou de la fonction publique, en y intégrant la composante GenAI. 

Cela préserve non seulement la compétitivité des entreprises, mais renforce également l’attractivité de l’expérience client qu’elles proposent. En ce qui concerne le Cloud et les infrastructures associées, la GenAI impose l’utilisation de nouvelles ressources, comme les GPU, ce qui accélère le passage au Cloud, une tendance observée dans tous les secteurs de l’économie.

D’un point de vue externe, les coûts d’opération à Maurice affectent-ils la compétitivité de la juridiction ? Quels sont les pays offrant des options intéressantes pour l’externalisation dans le domaine du Cloud, des données et du numérique ? 
L’attractivité de Maurice dans le secteur de l’IT reste excellente, malgré une augmentation des coûts salariaux, phénomène qui n’est pas propre à l’île. Il est crucial de maintenir ce niveau d’attractivité, car il constitue un facteur-clé dans la localisation des ressources que les grandes Tech Companies allouent à leurs projets. 

Il est important de ne pas globaliser la question des coûts d’opération, car certains métiers, comme ceux de la Data (métier majeur de Business & Decision Maurice) et de l’IA, nécessitent un niveau de qualification élevé, entraînant immanquablement une attractivité salariale supérieure à la moyenne. En termes d’alternatives, les grands acteurs de l’externalisation restent l’Inde, les Philippines et le Vietnam. Cependant, Madagascar, pays voisin, offre également un excellent vivier de talents.

En décembre dernier, François Fleutiaux, directeur France d’Orange Business, affirmait que « notre stratégie est de devenir leader en intégration réseau et digital en Europe ». Quelle est la stratégie pour Maurice et quels sont les projets relatifs à Business & Decision ?
Les activités de Business & Decision à Maurice sont essentielles à la stratégie actuellement en cours chez Orange Business. Elles évoluent progressivement d’un rôle de « pure player Telco » vers des activités d’intégration réseau et digital, qui représentent près de 40 % de nos revenus en 2023. 

Cette mutation place la Data, le digital et l’IA au cœur de notre transformation, ainsi que de celle de nos clients. C’est la raison pour laquelle notre présence à Maurice est stratégique et ne pourra que croître à l’avenir.