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Land Drainage Master Plan : les zones «No Go» pour toute construction dévoilées

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  • 16 régions à haut risque d’inondation identifiées
  • Ajay Gunness : « Un plan d’évacuation en cas de grosses pluies pour ces zones »

Un plan gouvernemental révèle que 16 secteurs de l’île sont exposés à des risques d’inondation majeurs, laissant de nombreuses familles dans l’incertitude. Imaginez découvrir que votre maison, achetée en toute bonne foi, se trouve dans une zone où toute construction future devrait être interdite. C’est la réalité à laquelle font face des milliers de Mauriciens depuis la publication, le lundi 25 août, du Land Drainage Master Plan (LDMP). Ce document gouvernemental identifie 16 zones à haut risque d’inondation sur l’île, appelées « No Go » ou « zones prioritaires ».

« De nombreuses familles ont acheté des terrains et construit des maisons en zones inondables sans le savoir », a reconnu le ministre des Infrastructures nationales, Ajay Gunness, face à la presse. 

Le ministre Ajay Gunness présente les rapports sur le site de la  Land Drainage Authority.
Le ministre Ajay Gunness présente les rapports sur le site de la Land Drainage Authority.

« Lorsqu’elles déposaient leur demande de permis, elles découvraient alors que leurs terrains se situaient dans des zones à risque. » Une situation kafkaïenne, qui illustre les défaillances persistantes de la politique d’aménagement du territoire à Maurice.

Les zones identifiées ne sont pas des secteurs isolés, mais des communes densément peuplées. À Port-Louis, la capitale économique, figurent la Rivière Lataniers, le Canal Dayot, la Rivière du Pouce et le quartier de La Paix.

Sur la côte ouest, Flic-en-Flac est classé à haut risque, tout comme Bel-Ombre au sud. Dans les hauts, Nouvelle-France, Vacoas/Quatre-Bornes, Curepipe et Henrietta/Malakoff présentent également une forte vulnérabilité.

La région nord n’est pas épargnée, avec Grand-Baie/Péreybère et le corridor Mapou–Piton–Cottage, où l’urbanisation rapide fragilise le drainage naturel. À l’est, Flacq et Quartier-Militaire sont concernés, de même que Terre-Rouge dans le nord-ouest. Enfin, Pointe-aux-Sables et Rose-Belle complètent la liste.

Les 16 zones à haut risque d’inondation identifiées par le Land Drainage Master Plan.
Les 16 zones à haut risque d’inondation identifiées par le Land Drainage Master Plan.

Une vulnérabilité croissante

Le diagnostic du plan est sévère. Maurice subit une pluviométrie annuelle moyenne de 2 010 millimètres, pouvant atteindre 3 600 millimètres sur le plateau central. Plus de 60 sites ont été identifiés comme critiques par le National Disaster Risk Reduction and Management Centre.

Le réseau de 600 kilomètres de drains s’avère insuffisant face à l’urbanisation accélérée. Des épisodes récents en sont la preuve : les inondations meurtrières de 2013 à Port-Louis, qui ont causé la mort de 11 personnes, ou celles de 2019, qui ont touché plusieurs régions, restent dans les mémoires.

L’urbanisation non maîtrisée aggrave la situation : défrichement des terres agricoles et forestières, bétonisation des sols, absence de planification rigoureuse... Les inondations constituent désormais, selon le rapport, « une menace récurrente et structurelle » pour la population et l’économie.

Face à cette situation, une coordination entre tous les acteurs s’impose. « C’est l’accumulation de mauvaises décisions, et il faut rectifier les choses », reconnaît Ajay Gunness. Des rencontres avec les agences immobilières, les propriétaires sucriers et autres parties prenantes sont prévues « dans les jours à venir ».

Nouvelles mesures

Le problème dépasse les simples défaillances techniques. Durant des années, propriétaires terriens et promoteurs ont vendu des terrains en zones à risque, parfois en toute connaissance de cause. Certains propriétaires sucriers ont cédé des terrains à des promoteurs pour des projets immobiliers sans tenir compte des contraintes hydrologiques.

Face à cette bombe à retardement, le gouvernement promet des solutions. « Pour rassurer les habitants vivant dans ces zones à risques, nous préparons un plan d’évacuation », annonce le ministre Gunness. Ce plan devrait être prêt d’ici deux mois, avant l’arrivée des grosses pluies d’été – soit novembre.

Mais les promesses peinent à rassurer. Des Rs 12 milliards investies dans les infrastructures de drainage par le gouvernement précédent, seuls 7 % des travaux ont été réalisés, selon Ajay Gunness. Le nouveau gouvernement annonce le recrutement de 28 spécialistes pour renforcer les capacités de la Land Drainage Authority et la création d’une « unité spéciale » pour coordonner les travaux sur les 16 sites identifiés comme zones inondables. Ajay Gunness souligne que cette équipe travaillera en priorité sur les sites jugés à haut risque. De plus, le ministère prévoit un Detailed Risk Mapping tous les six mois pour les zones « No Go » et « No Expansion Zone ».

D’autre part, le ministère mise sur de nouveaux outils : un modèle d’élévation numérique (DEM) en 3D et une cartographie détaillée des risques, mise à jour tous les six mois pour les zones 
« No Go ». 

« Le DEM offrira une meilleure représentation de la topographie du pays en 3D. Cet outil couvrira l’ensemble de l’île et nous permettra d’avoir une approche réaliste. La LDA aura les pleins pouvoirs pour faire son travail en collaboration avec les collectivités locales. Nous comptons aussi faire appel à des experts étrangers pour renforcer les compétences, malgré les contraintes budgétaires », précise le ministre.

Sensibilisation et sanctions

Le gouvernement compte également sur la responsabilisation citoyenne. « Prévenir les catastrophes, c’est bien, mais il faut aussi éduquer la population sur l’importance des drains et éviter la pollution à tout prix. Les cours d’eau ne sont pas des poubelles », insiste le ministre Gunness. Une grande campagne de sensibilisation est prévue.

Parallèlement, le gouvernement durcit le ton. À partir du 1er octobre, des amendes de Rs 2 000 à Rs 10 000 sanctionneront les infractions au drainage, notamment l’évacuation des eaux de toiture sur la voie publique. 

« Les eaux qui se déversent sur les routes représentent non seulement un danger pour les automobilistes mais peuvent aussi provoquer des inondations », justifie le ministre.

Le Land Drainage Master Plan a été initié en janvier 2020. Sa réalisation a été confiée à un consortium international mené par SUEZ, en association avec Mega Design Consulting Engineers de Maurice, ainsi que plusieurs experts en hydrologie, urbanisme et environnement. Le financement a été assuré par l’Agence Française de Développement dans le cadre de son programme Adapt’Action. L’ambition de ce projet était de doter Maurice d’un outil stratégique pour mieux gérer les risques d’inondation.

La pandémie de COVID-19 a provoqué un premier retard, ce qui a repoussé la finalisation de l’étude à 2022. Mais malgré l’urgence, la publication du plan s’est encore fait attendre, notamment à cause des zones dites « No Go », où toute construction future devrait être interdite. Ce n’est qu’en août 2025 que le Conseil des ministres a validé officiellement sa diffusion publique, marquant une étape importante dans la gestion du risque d’inondation.

Pour Ajay Gunness, l’heure est désormais à l’action. « La sécurité des citoyens demeure notre priorité et, pour aller vite, nous allons mettre un comité sur pied afin de mettre à jour les sites indiqués et surtout agir avant l’arrivée des grosses pluies de novembre. »

Des habitants attendent des mesures concrètes

Après l’annonce du plan d’évacuation et le lancement officiel du Land Drainage Master Plan, les réactions des habitants ne se sont pas fait attendre. Stecy (prénom d’emprunt), résidente de Ti-Rodrig, Résidence La Cure, attend que les paroles du gouvernement se traduisent rapidement en actions. Installée dans la région depuis 2010, elle a été témoin de nombreuses catastrophes liées aux fortes pluies. « Il était grand temps que le gouvernement propose une solution. Nous avons connu toutes sortes de catastrophes liées aux pluies. Avec un plan d’évacuation, au moins nous pourrons nous protéger, mais aussi sauver des vies », confie-t-elle.

À Port-Louis, Preety, commerçante de la rue Bourbon, partage la même inquiétude. Selon elle, un plan d’évacuation clairement défini est urgent pour éviter de nouvelles inondations meurtrières. « Avec le changement climatique, nous avons vu toutes sortes de catastrophes. Aujourd’hui, les flash floods font peur. À la rue Bourbon, à chaque grosse pluie, nous vivons dans l’angoisse. Il était grand temps que le gouvernement apporte une solution. Port-Louis est une zone inondable, nous voulons des solutions concrètes, pas seulement des garanties sur papier », lance-t-elle.

Dr Zaheer Allam, urbaniste : « Un Master Plan trop rigide n’est pas la solution »

Pour le Dr Zaheer Allam, urbaniste et chercheur, expert auprès d’UN-Habitat et Associate Professor à l’Université de Queensland, affiliée à l’UNESCO, le Land Drainage Master Plan (LDMP)présenté par le gouvernement marque une étape importante. Cependant, il met en garde contre une vision trop figée.

« J’accueille favorablement la présentation du Land Drainage Master Plan, car ce document était attendu depuis longtemps, non seulement par les autorités mais aussi par ceux qui œuvrent dans le secteur de la construction, affirme-t-il. Toutefois, un plan trop rigide ne peut être la solution. Il nous faudra revoir nos ‘planning guidelines’ lors des projets d’urbanisation. Nous ne pouvons pas continuer à construire de manière rapide, obsolète et sans vision. »

Selon lui, chaque ville possède une topographie particulière et doit donc bénéficier d’une approche spécifique adaptée à ses risques et à ses besoins. 

« Le rapport va certainement nous aider, mais il faut aussi accompagner cette démarche par une éducation et une sensibilisation accrues. Chaque ville est organique : elle bouge, elle évolue, elle change chaque année. Le plan doit donc être vivant, capable de s’adapter à la fois à la demande et aux impacts du changement climatique. »

Pour l’urbaniste, la rigidité est l’ennemie de l’efficacité. Si la planification nationale est indispensable, elle doit s’appuyer sur des stratégies locales flexibles, intégrant les habitants et leurs réalités. « Le LDMP est une base solide, mais son succès dépendra de sa capacité à évoluer et à rester en phase avec les transformations sociales, économiques et environnementales du pays », conclut-il.

Bobby Hurreeram, ex-ministre des Infrastructures publiques : « Rien de nouveau dans ce rapport »


Joint au téléphone, l’ancien ministre des Infrastructures publiques, Bobby Hurreeram, n’a pas mâché ses mots à l’égard de la présentation du Land Drainage Master Plan. Selon lui, Ajay Gunness n’a fait que recycler une promesse électorale, en présentant un document dont le contenu était déjà connu du public.

« Je ne sais pas dans quel état il était pour présenter ce rapport. Mais venir dire que seulement 7 % des travaux ont été complétés, ce n’est pas vrai. C’est une insulte aux nombreux fonctionnaires qui ont travaillé dur pour l’aboutissement de ce projet. Avant de quitter le ministère, sur 1 739 drains, 596 avaient été complétés et 161 étaient en cours de construction. Venir dire que seulement 7 % ont été réalisés, ‘li bizin revwar so matematik », a-t-il déclaré, visiblement agacé.

L’ancien ministre a également dénoncé ce qu’il qualifie de récupération politique. « À ce jour, Ajay Gunness n’a pas encore installé un seul centimètre de drain. Tout ce qu’il fait, c’est se promener avec des paires de ciseaux pour inaugurer les projets initiés par le MSM », a-t-il ironisé.

Interrogé sur les raisons pour lesquelles le rapport n’avait pas été rendu public par l’ancien gouvernement, Bobby Hurreeram a expliqué que la population était déjà au courant des zones inondables. Selon lui, publier ce type de document ne fait qu’amplifier les inquiétudes. « Présenter ce rapport de manière dramatique risque surtout de créer une panique inutile au sein de la population », a-t-il conclu.

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