Moody’s Ratings a confirmé la note de Maurice à Baa3 lors de sa dernière réévaluation. Les perspectives stables ont été maintenues. Faut-il s’auto-congratuler et se contenter de cette note ou aspirer à une meilleure notation ?
Les taux de croissance robustes et stables et la stabilité politique du pays, combinés au poids important de la dette et à la petite taille de l’économie, ont été mis en balance dans la confirmation de la note Baa3 de Maurice par Moody’s. Le profil de crédit de Maurice reste ainsi aligné sur celui des pays souverains notés Baa3. Un résultat qui ne surprend pas chez ANNEAU, alors qu’un statu quo de la notation était en effet attendu. « Dans son commentaire d’émetteur daté du 12 juin 2024, l’évaluation de Moody’s selon laquelle la croissance économique et les recettes fiscales à Maurice sont susceptibles de compenser les dépenses visant à maintenir la dette sur une tendance à la baisse suggérait déjà que l’opinion de crédit serait très probablement un statu quo à Baa3, stable », explique le CEO, Amit Bakhirta.
Décrit comme un résultat positif, le maintien de la note Baa3 avec une perspective stable pour Maurice reflète selon Cédric Beguier, la robustesse de la reprise économique et la qualité des politiques mises en œuvre. Le Head of Investment Strategy ‑ Capital Markets chez Axys, affirme que la note souligne la résistance de Maurice aux chocs extérieurs et les progrès réalisés en matière d’assainissement budgétaire. Dans ce même ordre d’idée, un professionnel des services financiers indique que Maurice est l’un des rares pays à bénéficier d’un « investment grade » en Afrique. Et pour lui, les investisseurs étrangers ne vont pas rester insensibles à cela et regarderont la juridiction locale d’un œil favorable.
Le fait que la notation ne s’est pas détériorée à un moment où l’économie du pays, à l’instar des tendances mondiales, est exposée à une multitude de défis redoutables à différents niveaux est pour Beelal Baichoo, un bon signal. Ce professionnel en compliance avance que cela montre que les divers partenaires concernés génèrent de la valeur ajoutée pour notre économie. « D’autres extraits montrent qu’il y a plusieurs points positifs pour le pays, en termes de performance économique », ajoute-t-il.
La mise en œuvre des réformes structurelles stimulera durablement les taux de croissance potentiels, conduisant à une réduction plus rapide que prévu des ratios de la dette publique"
Pas question de se reposer sur ses lauriers
En sus des points à concordance d’optimise mentionné par Moody’s, un analyste fait observer que l’agence de notation ne peut attribuer une note parfaite à Maurice. Moody’s met ainsi le doigt sur les défis du pays comme sa population vieillissante et celle qui semble irréversible, en l’occurrence, la dette publique. Le niveau de cette dernière a coûté des points au pays dans l’évaluation de Moody’s. Selon les estimations du ministère des Finances, le montant de la dette publique grimpera de Rs 524 milliards en juin 2024 à Rs 622 milliards. Pour Amit Bakhirta, nul doute que si les chiffres inférieurs de la dette publique au produit intérieur brut (PIB) s’étaient largement appréciés, Maurice aurait pu espérer obtenir la notation Baa3 positif, au mieux. Ce qui fait dire à Cédric Beguier que la persistance d’un endettement élevé et les défis économiques structurels soulignent la nécessité de poursuivre les réformes pour stimuler la croissance potentielle et réduire davantage les ratios d’endettement. « Les perspectives stables suggèrent une évaluation équilibrée des risques, soutenant le profil de crédit du pays dans un contexte d’incertitudes économiques mondiales », soutient-il.
Les évaluateurs de Moody’s sont clairs : la mise en œuvre des réformes structurelles qui favorisent durablement la croissance potentielle et permettent une réduction plus rapide des ratios de la dette publique aura un impact positif sur la notation de Maurice. Ils soulignent que ces réformes influencent directement la notation du pays. « En outre, une diversification significative de l’économie, qui réduit la vulnérabilité aux chocs extérieurs, pourrait favoriser une amélioration de la notation. De nouvelles augmentations des recettes qui améliorent l’accessibilité de la dette et renforcent la capacité du gouvernement à absorber les chocs exerceraient également une pression à la hausse sur la note », est-il indiqué dans le rapport.
Un analyste concède que plusieurs théories pourraient confirmer l’effet néfaste de l’augmentation du Basic Retirement Pension (BRP) sur les dépenses de l’État. Cependant, argue-t-il, d’une manière ou d’une autre, la hausse de la pension a apporté une certaine indépendance financière aux retraités. « En somme, les indicateurs économiques du pays doivent être davantage positifs. Il faudra réduire le niveau de la dette publique et diminuer les dépenses sociales par exemple.
Ce sont des mesures qui ont été proposées à plusieurs reprises. Moody’s a préconisé des ajustements économiques à Maurice dans le passé. Or, si le pays ne s’est pas effondré pendant toutes ces années, pourquoi doit-on ajuster notre économie maintenant ? Ce n’est pas en augmentant les impôts que le gouvernement engendra plus de revenus. La meilleure façon serait de rehausser l’activité économique du pays. L’État compte plusieurs actifs aussi, qui peuvent être vendus pour rembourser ses dettes », argumente-t-il.
Les réformes structurelles nécessaires
Diversification économique
Moody’s propose plusieurs réformes structurelles en vue que Maurice améliore sa notation. La « significant diversification of the economy » a du sens selon Cédric Beguier. Il avance que l’économie mauricienne dépend fortement du tourisme et des services financiers, ce qui la rend vulnérable aux chocs extérieurs. Selon lui, la diversification de la base économique par le développement de secteurs comme les technologies de l’information, l’industrie manufacturière et l’agro-industrie peut réduire cette vulnérabilité. « La promotion de l’innovation et de l’esprit d’entreprise, en particulier dans les technologies et les industries vertes, peut générer de nouveaux domaines de croissance », avance-t-il. Il est aussi d’avis que les incitations à l’investissement, le développement des infrastructures et des environnements réglementaires favorables aux secteurs émergents seront essentiels à cet effort de diversification. C’est un avis que partage Beelal Baichoo. « Il est important de développer de nouveaux secteurs de l’économie, afin d’obtenir des avantages économiques et sociaux durables pour tous », déclare-t-il. Et, il avance qu’il est grand temps de prendre des mesures concrètes et pratiques pour exploiter de manière responsable la richesse du pays, dont la mer.
Politique budgétaire et gestion de la dette
Selon nos interlocuteurs, le renforcement de la politique fiscale et l’amélioration de la gestion de la dette sont essentiels à la stabilité économique à long terme. Pour Cédric Beguier, l’introduction de mesures génératrices de recettes plus robustes, comme l’élargissement de l’assiette fiscale et l’amélioration du respect des obligations fiscales, peut accroître les recettes publiques. « De plus, le maintien d’une discipline budgétaire stricte et la priorisation des dépenses publiques dans des domaines à fort impact comme les infrastructures, les soins de santé et l’éducation garantiront une utilisation efficace des ressources », poursuit-il.
D’autre part, il avance que l’amélioration de la transparence et de la responsabilité dans la gestion des finances publiques renforcera la confiance des investisseurs et réduira la prime de risque associée à la dette. Même son de cloche du côté de Beelal Baichoo. « La promulgation d’une législation sur la responsabilité fiscale permettra de promouvoir la discipline, la responsabilité proactive et un contrôle efficace en matière de dépenses publiques », fait ressortir le professionnel en compliance.
Réformes du marché du travail
Pour Cédric Beguier, l’essentiel est de relever les défis démographiques, en particulier le vieillissement de la population et le faible taux d’activité des femmes. Ce dernier est d’avis que les réformes visant à attirer une main-d’œuvre étrangère qualifiée et à accroître la participation des femmes à la main-d’œuvre peuvent contribuer à compenser ces contraintes démographiques. « Des initiatives comme le programme Prime à l’emploi, qui cible les jeunes femmes, devraient être développées. En outre, l’amélioration de la formation professionnelle et des systèmes d’éducation pour répondre aux besoins du marché garantira une main-d’œuvre plus adaptable et plus qualifiée. Ce qui stimulera la productivité et le potentiel économique », propose-t-il. Il avance que la création de structures d’enseignement de qualité permettrait également de limiter les importations de main-d’œuvre et de revaloriser certaines professions délaissées par les jeunes générations au profit des secteurs financier et touristique. Amit Bakhirta abonde dans le même sens. « Notre pays a cruellement besoin de réformes économiques structurelles qui créent des emplois durables et une croissance de la productivité à moyen et long terme », soutient-il.
Encourager les partenariats public-privé
Une autre piste, selon Cédric Beguier, est d’encourager les partenariats public-privé dans des domaines clés. « Ce qui pourrait favoriser l’augmentation des investissements directs étrangers et permettre aux entreprises d’offrir des services améliorés, tout en limitant le rôle du gouvernement et les investissements coûteux », fait-il ressortir. Dans certains cas, ajoute-t-il, l’implication du gouvernement n’est pas toujours perçue favorablement par les investisseurs, tandis que du côté de la population, des perceptions de manque de transparence, de favoritisme et de manque d’inclusivité existent.
Résoudre la crise des devises étrangères
Amit Bakhirta est d’avis que la crise de devises étrangères à laquelle le secteur bancaire et le centre financier international mauricien sont actuellement confrontés nécessite une attention immédiate et urgente. Ce qui évitera une crise généralisée plus tard. « Nous devons éviter une explosion de notre marché des devises étrangères », fait-il ressortir.
Investissements dans les énergies renouvelables
L’accélération de la transition vers les énergies renouvelables peut réduire considérablement la dépendance à l’égard des combustibles importés. C’est ce qu’estime le Head of Investment Strategy chez AXYS. Il avance que la feuille de route 2030 du gouvernement sur les énergies renouvelables devrait être poursuivie avec détermination, en augmentant les investissements publics et privés dans les projets d’énergie renouvelable. « L’offre d’incitations fiscales, de prêts à faible taux d’intérêt et de tarifs de rachat pour les producteurs d’énergie renouvelable peut stimuler l’investissement dans ce secteur, favorisant ainsi une croissance durable à long terme », fait-il observer. En mettant en œuvre ces réformes structurelles, ajoute-t-il, Maurice peut renforcer sa résilience économique, réduire le fardeau de sa dette et créer une économie plus diversifiée et plus robuste, améliorant ainsi sa note souveraine auprès de Moody’s. C’est un avis que partage le CEO d’ANNEAU. Il propose un modèle socio-économique fondamental 24h/24 et 7j/7, que les économies verte et bleue soient développées, un dynamisme nouveau et avant-garde de la destination touristique. Pour sa part, Beelal Baichoo avance qu’il existe également un potentiel dans la manière dont le modèle économique mauricien est gouverné. « Il ne suffit pas d’exploiter les ressources économiques. Nous devrions plutôt exploiter toutes les possibilités de réutilisation, de recyclage et de réduction des dommages causés à l’écologie », indique-t-il.
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