Live News

L’affaire devant le CCID : un couple français accuse un Mauricien de lui avoir escroqué Rs 44,3 M

François Rigaut et Khadija Fetthedine ont fait plusieurs allers-retours entre la France et Maurice dans l’espoir de récupérer leur argent.

François Rigaut et Khadija Fetthedine ont saisi le Central Criminal Investigation Department il y a quinze jours. Ce couple français accuse Dewanan Seetharamdoo, un Mauricien, de le mener en bateau depuis deux ans pour le remboursement de 900 000 euros. 

Habitués à des hôtels cinq-étoiles, François Rigaut et son épouse Khadija Fetthedine se morfondent depuis maintenant cinq mois à l’étage d’un discret appartement à l’entrée de Flic-en-Flac. Ces Français n’en peuvent plus d’attendre que Dewanan Seetharamdoo, un Mauricien, daigne leur rembourser la coquette somme de 900 000 euros, soit l’équivalent de Rs 44,3 millions, comme il le leur a promis ces deux dernières années. Ils ont fini par saisir le Central Criminal Investigation Department (CCID) il y a quinze jours, accusant cet homme d’escroquerie. 

Publicité

Malgré ses 72 ans, François Rigaut a le débit rapide. Il relate sa mésaventure et ses nombreux allers-retours sur l’île pour tenter de récupérer cette somme. Poussant un grand soupir, il montre la canne sur laquelle il doit désormais s’appuyer pour se déplacer, expliquant que cette longue attente l’a durablement esquinté. Son épouse de 45 ans, qui est un ancien mannequin, est, elle, sous antidépresseurs. Sa fille de 17 ans, restée à Paris, est suivie par un psy sur une base hebdomadaire. 

Il y a quatre décennies, François Rigaut, alors grand propriétaire terrien, a fait la rencontre de Dewanan Seetharamdoo, 67 ans, un natif de la route Bassin, Quatre-Bornes, qui gère une blanchisserie et une teinturerie dans le 8e arrondissement de Paris. Il habitait le quartier et lui laissait souvent ses vêtements à nettoyer. Ils se sont liés d’amitié. Durant ces 40 dernières années, ils se sont prêté mutuellement de fortes sommes d’argent pour des transactions immobilières. 

Entre 2003 et 2013, le Mauricien lui a avancé près de 9 millions euros au total, soit quelque Rs 444 millions, qui a largement servi à financer le train de vie du couple, à entretenir ses nombreuses propriétés dans l’Aine et dans l’Isère ainsi pour acquérir divers biens immobiliers en Espagne et au Portugal. Le septuagénaire a notamment hypothéqué son château dans l’Isère au profit de Dewanan Seetharamdoo. 

Les choses se sont bousculées quand François Rigaut a décidé de revendre un terrain dans l’Isère pour plusieurs millions d’euros. Comme il devait alors près de 3,8 millions d’euros (environ Rs 187,4 millions) au Mauricien, celui-ci l’aurait convaincu de verser une partie des revenus générés par la vente dudit terrain – après que d’autres créanciers ont été remboursés – sur le compte de sa mère Yellamah Rojiah, âgée de 93 ans et restée sur l’île. 

Il était alors question que Dewanan Seetharamdoo leur vire les 900 000 euros excédentaires sur l’argent remboursé, soit à Maurice. Le couple voyait là une occasion d’investir l’argent sur l’île tout en se dorant la pilule sous les tropiques. Un protocole d’accord transactionnel a ainsi été rédigé à Port-Louis en présence du notaire mauricien Maxime Crouche le 21 décembre 2018. 

« Nous étions un peu perdus. Le deal s’est fait dans un immeuble décrépit, avec une vieille table. On avait l’impression d’être dans un film de série B », confie François Rigaut. Il ne s’en émouvait pas à l’époque, l’accord précisant que le Mauricien devait leur remettre les 900 000 euros dans un délai de 10 jours. 

Sept mois plus tard, n’ayant toujours pas vu la couleur de son argent, le couple a perdu patience. Il a engagé un premier avocat rencontré au bar d’un établissement hôtelier de l’Ouest durant un précédent voyage. Ce dernier lui a conseillé de déposer une Precautionary Measure contre Dewanan Seetharamdoo. 

L’homme de loi paraissait sûr de lui et il semblait sérieux aux yeux de Khadija Fetthedine, vu qu’il était très actif sur les réseaux sociaux. Le recours n’a cependant rien donné et l’ex-mannequin a dû se séparer d’un appartement à Casablanca. 

En mai 2019, Dewanan Seetharamdoo est venu à la rencontre des Français dans un hôtel mauricien, assurant que le problème serait résolu. Il a prétexté un souci avec le fisc mauricien et s’est envolé le soir même pour Paris. Sans argent, le couple n’a cessé de le contacter, le priant de tenir sa promesse. De temps à autre, il leur remettait des sommes minables devant son commerce parisien à des taux usuraires de 500 % à 600 % du montant initial. 

Pour cet énième voyage à Maurice, François Rigaut et Khadija Fetthedine ont décidé de retenir les services de Me Siddhartha Hawoldar. Celui-ci les a aussitôt invités à porter plainte au CCID. D’autant que Dewanan Seetharamdoo fait régulièrement le va-et-vient à Maurice, sauf depuis que les frontières sont fermées en raison de la COVID-19. Un ordre d’« arrest upon arrival » a été émis contre le suspect par l’équipe de l’assistant commissaire de police Heman Jangi. 

Les protagonistes de l’affaire, incluant Me Maxime Crouche, seront entendus. Raison : les Français affirment que les 900 000 euros ont été virés sur le compte bancaire du notaire et qu’il l’a remis à Dewanan Seetharamdoo pour l’acquisition de biens immobiliers sur l’île. 

Sollicité par Le Défi Plus pour sa version, le Mauricien n’a pas répondu aux appels. Il a lu les messages que la rédaction lui a envoyés sur WhatsApp, mais il n’a pas réagi. Il n’a pas non plus répondu aux mails envoyés sur ses deux adresses électroniques. 

À l’étude de Maxime Crouche, on confirme que les enquêteurs ont pris contact avec eux pour les besoins de l’enquête. « Ils devaient nous rappeler après le 30 avril, vu que nous venions de redémarrer nos activités », explique-t-on dans l’entourage du notaire. Notre interlocuteur affirme qu’une somme aussi conséquente que les 900 000 euros n’a jamais transité sur les comptes bancaires du notaire.

Le CCID attend, dans les jours à venir, un ordre d’un juge en Chambre pour vérifier ses comptes ainsi que ceux de la mère de Dewanan Seetharamdoo, qui est alitée. Cela leur permettra de déterminer les mouvements d’argent entre France et Maurice et vice versa. La Mauritius Revenue Authority pourrait être appelée à se pencher sur ce cas, le Mauricien ayant souvent fait comprendre à François Rigaut et à Khadija Fetthedine qu’il avait « des soucis » avec le fisc. 

« Dewanan Seetharamdoo, que nous connaissons comme Ives, nous a baladés de façon scandaleuse en nous abreuvant de sornettes, sans que sa mère ne nous reverse le moindre centime. Ce monsieur, outre une escroquerie monumentale, a détruit ma famille », s’indigne François Rigaut. « Nous sommes dans une situation financière très difficile. Puisque nous étions persuadés de recevoir très rapidement les 900 000 euros, j’ai demandé à mon notaire à Paris de régler mes dettes en France », lâche-t-il. 

Rencontré au beau milieu de la nuit à Flic-en-Flac, François Rigaut dit faire confiance à la police et à la justice mauricienne. Il ajoute que son épouse et lui sont venus à Maurice pour la quatrième fois dans l’espoir de récupérer leur argent. « La quarantaine, les hôtels… tout était à nos frais. J’attends toujours », peste Khadija Fetthedine. « Enough is enough, comme on dit en anglais », enchaîne François Rigaut.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !