Ils ont accepté leurs différences et partagent des points communs. Ils ont cultivé une vision à deux tout en laissant à l’autre la liberté de s’épanouir. Pierre et Monique Dinan célèbrent cette année leur 50 ans de fiançailles et leur 49e anniversaire de mariage. Portrait.
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Le chant d’oiseaux s’harmonise au ruissellement d’une chute d’eau. Une légère brise souffle sur la résidence des Dinan à Rose-Hill. L’atmosphère est sereine et pourtant, nous ne sommes qu’à quelques mètres des travaux pour le Métro Léger. Pierre a la tête dans un journal. Il la relève, nous accueille et nous invite à l’intérieur de la maison. Monique ne tarde pas à nous rejoindre. « Le vent te gêne-t-il ? » demande Monique à Pierre. Il répond par la négative. « Je fais tout pour qu’il soit en bonne santé », indique son épouse.
Assis l’un à côté de l’autre, le couple s’apprête à nous faire le récit de leur histoire, comme celle parue dans A Message of Love, le livre écrit par Ibrahim Alladin et lancé le 22 mars dernier.
« L’auteur a travaillé sur plusieurs biographies et a souhaité faire connaître notre histoire. Nous avons accepté de la partager avec plaisir. Nous voulons dire aux jeunes couples que l’amour peut être encore plus fort au fur et à mesure que les années passent. De nos jours, ils sont peu les couples à durer longtemps », explique notre interlocutrice de 79 ans. Ils s’échangent un regard. Elle fait ressortir que cette année marque le jubilé d’or de leurs fiançailles et leur 49e anniversaire de mariage.
La première rencontre
Pierre, 81 ans, se souvient de leur première rencontre comme si c’était hier. « Nous faisions partie d’un groupe de jeunes. Des excursions étaient souvent organisées à travers le pays. Nos regards se sont croisés lors d’une de ces sorties », relate-t-il. Ils se nouent d’amitié. Au fil du temps, l’un commence à plaire à l’autre.
En août 1968, Monique est confrontée à un dilemme. Elle est heureuse d’avoir obtenu une bourse d’études au Canada. Mais doit-elle accepter ? Après mûre réflexion, elle accepte de s’envoler vers une nouvelle aventure. Elle n’oublie pas pour autant l’affection qu’elle porte à Pierre. En décembre, elle l’invite à venir la rejoindre pour aller découvrir New York.
Pierre est à Maurice, après avoir passé six ans en Angleterre à étudier l’économie et la comptabilité. Il est revenu pour exercer sa profession.
« À cette époque, le pays traversait par des moments difficiles sur le plan économique. Les experts craignaient un sombre avenir pour l’île », explique-t-il. Il accepte l’invitation de Monique et s’envole pour New York. Il décide de saisir cette occasion pour faire sa demande en mariage à l’amour de sa vie. « Il neigeait à ce moment-là », se souvient le couple souriant.
Il envoie une lettre aux parents de sa dulcinée pour les informer de leur décision. Le 31 décembre, aussitôt rentré au pays, il ne tarde pas à aller chez sa future belle-famille. « Je suis arrivé au moment où la lettre annonçant nos fiançailles parvenait aux parents », raconte Pierre.
Monique, pour sa part, se met rapidement au travail et opte pour une thèse axée sur Les Irlandais dans la ville de Québec. Elle la complète en quatre mois au lieu de deux ans. « J’ai l’avantage d’être bilingue et de connaître les caractéristiques de mon sujet. Avant de partir pour le Canada, j’avais fait des études en histoire et en géographie en Irlande », indique-t-elle.
Elle rentre à Maurice en avril 1969, ayant décroché une maîtrise avec la mention « summa cum laude ». Les tourtereaux se marient au mois de juin. De cette union sont nées cinq filles. Le couple a aujourd’hui 17 petits-enfants.
Le social et la politique
Depuis 1966, Pierre faisait partie de Caritas fraîchement introduite à Maurice. « Caritas aidait les personnes en difficulté. Mon cheminement personnel me poussait à avoir un regard sur le social et à faire de la place pour les autres », dit-il.
Monique ajoute qu’en effet, le bien-être des autres et du pays les a réunis. « Ma maman avait onze enfants et a décidé de faire partie de la Mauritius Red Cross Society. Elle administrait des injections et aidait les enfants issus d’un milieu pauvre. Elle était aussi volontaire dans un groupe qui s’occupait des lépreux. Cette fibre sociale, je la tiens d’elle », soutient-elle. Elle va également rejoindre Caritas, où elle met en place la structure d’une association regroupant des volontaires dans les diverses paroisses de Maurice et de Rodrigues.
En 1976, elle se présente aux élections générales. Elle est candidate pour l’Union démocratique mauricienne (UDM) pour la circonscription Stanley/Rose-Hill. Elle est déjà mère de quatre jeunes enfants. Le parti connaît une défaite. En 1982, Pierre Dinan est candidat malheureux à Curepipe sous la bannière du Rassemblement pour le progrès et la liberté (RPL).
« La politique est une belle manière de servir le pays et non pas de s’enrichir. Quelque temps après, nous nous sommes retirés de la politique active, mais nos devoirs envers le pays n’ont pas changé », dit-il sans regret.
Si Pierre s’est concentré sur sa carrière d’économiste et d’expert-comptable, Monique, elle, devient rédactrice en chef de La Vie Catholique. Elle est enceinte de son cinquième enfant quand elle est condamnée en 1984 pour un article qu’elle n’avait pas écrit, mais en tant que responsable du journal. Sa fille vient au monde le jour où l’affaire passe en cour. En 1998, elle prend sa retraite.
Elle est également auteure de plusieurs livres. « Durant cette même période, le droit à l’avortement fait débat à Maurice. Certains se basent sur les chiffres erronés pour légaliser l’avortement. J’ai écrit une lettre aux Nations unies pour attirer leur attention et leur demander une rectification, ce qui a été fait. J’ai lancé, par la suite le Mouvement d’aide à la maternité, une ONG qui vient en aide aux femmes pour qui la grossesse pose des problèmes », ajoute-t-elle.
50 ans de vie commune
Le couple Dinan a tenu à célébrer leurs 50 ans de fiançailles, alors que leurs cinq filles ont été réunies pour une brève semaine lors du lancement du livre. « Nous avons vécu une belle vie. Notre amour n’a pas cessé de grandir durant ce demi-siècle. Nous ne savons pas ce que la vie nous réserve, donc on en a profité pour organiser une fête avec les enfants et les petits-enfants », confie-t-elle.
Elle fait ressortir qu’elle trouve en Pierre « un père et un époux responsable. Il a travaillé dans l’offshore et voyageait régulièrement. Je devais m’occuper de la famille en son absence », raconte-t-elle. à cela, Pierre dit d’emblée : « Monique est une bonne organisatrice. Elle a les pieds sur terre. » D’ailleurs, leur complicité saute aux yeux.
La réussite de leur mariage repose sur une bonne entente. « Dans un couple, il n’y a pas de “pour moi”, mais “pour nous”. Il nous faut penser à deux et parallèlement être libres à deux. Nous avons pris le temps de nous adonner à nos responsabilités professionnelles, sociales et politiques, au lieu de rester centrés sur l’autre. Il fallait accepter nos différences et nos différents engagements contribuaient aussi à notre enrichissement », fait observer Monique.
Selon Pierre, il est important de maintenir une discipline et de se fixer un objectif à deux. Il relate qu’ils ont aussi fait partie des Équipes Notre-Dame. « Nous étions cinq à six couples dans ce groupe. On priait, on échangeait et on s’épaulait. Cela nous a également aidés », poursuit-il.
Monique trouve que de nos jours, il y a trop de violence. « Il faut que les jeunes se ressaisissent. J’éduque les jeunes à prendre le temps de s’aimer et à comprendre que la sexualité est une richesse à gérer. Le souci, c’est que nous sommes nombreux à idéaliser la vie de mariage. On n’a jamais l’homme parfait. L’homme et la femme sont différents et il faut savoir s’accepter mutuellement », fait-elle ressortir. Le couple souhaite que le pays continue à prospérer et à préserver l’harmonie sociale.
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