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La suspension d’un parlementaire : les enjeux et les conséquences 

L’Assemblée nationale de Maurice est régie par The National Assembly (Privilèges, Immunities and Powers) Act.
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La suspension d’un parlementaire est devenue courante depuis quelque temps. Quelles sont les circonstances et les conséquences menant à la suspension d’un parlementaire ? Quels recours à celui-ci ? Y a-t-il des manquements dans le cadre légal local ? Le point avec Me Taij Dabycharun.

Me Taij Dabycharun.
Me Taij Dabycharun.

Dans quelles circonstances un parlementaire peut-il être suspendu ?

Me Taij Dabycharun indique qu’il est important de prendre en considération que l’Assemblée nationale de Maurice est régie par The National Assembly (Privilèges, Immunities and Powers) Act. Il en découle les pouvoirs du président de la Chambre.

Les affaires de l’Assemblée nationale sont régies par la Standing Orders and Rules of The National Assembly Act de 1995.

Le Standing Order 48 prévoit que le président ou la personne qui préside l’Assemblée nationale, peut ordonner à un député dont la conduite est manifestement désordonnée, de se retirer immédiatement de la Chambre pendant le reste de la séance de la journée. Il peut également traiter le cas conformément au Standing Order 49.


Où se limitent les privilèges d’un parlementaire ?

Me Taij Dabycharun avance que l’article 3 de la National Assembly (Privilèges, Immunities and Powers) Act de 1953 fait état qu’aucune poursuite civile ou pénale ne peut être intentée contre le président de la Chambre ou un membre pour des paroles prononcées dans l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, l’avocat précise que souvent le public a entendu les parlementaires dire « sorti deor to dir sa » ou « si vous avez du courage, dites-le, à l’extérieur de la Chambre ». Ce qui signifie que tout ce qui est dit à l’extérieur de l’Assemblée nationale les rendrait passibles de poursuites pénales. (voir encadré)


Est-ce que le président de la Chambre peut-il suspendre un parlementaire pour des déclarations qu’il a faites hors de l’hémicycle ?

Selon Me Taij Dabycharun, l’article 6 de la National Assembly (Privilèges, Immunities and Powers) Act de 1953 prévoit des circonstances dans lesquelles une personne (incluant un parlementaire) peut commettre une infraction pénale pour les actes en dehors de l’Assemblée nationale, tel que l’outrage à l’Assemblée. 

Ainsi, dit-il, le Standing Order 74, prévoit les moyens de traiter un tel acte. Cet article fait mention qu’un député, qui est d’avis qu’il y a eu atteinte à un privilège ou qu’il y a eu un outrage, peut porter le cas au président de la Chambre. Ce dernier, s’il estime qu’il y a eu une violation de la loi sur l’Assemblée nationale, confiera l’affaire au bureau du directeur des poursuites publiques (DPP) pour une action appropriée.
Me Taij Dabycharun est catégorique. Le président de la Chambre ne peut pas suspendre un parlementaire pour quelque chose qui a été dit hors de l’Assemblée nationale. Car, explique-t-il, le droit de suspension s’applique pour inconduite dans hémicycle de l’Assemblée nationale. 

Il ajoute que le président peut poursuivre un député pour diffamation s’il estime que les propos de celui-ci hors de l’hémicycle lui ont causé un préjudice.

« Mais le Standing Order 79 stipule aussi que le président n’est pas tenu de donner de raison sur ses décisions », précise l’avocat. 


Quels sont les impacts de la suspension d’un parlementaire sur son mandat et sur le citoyen ?

Pour Me Taij Dabycharun, c’est le public qui a fait le choix, lors des élections générales, de choisir le député pour être sa voix à l’Assemblée nationale. Par conséquent, si un parlementaire est suspendu, alors comment ce dernier représentera-t-il la voix de ses électeurs ? 

« Nous avons souvent vu que ce sont les mêmes parlementaires qui sont suspendus à plusieurs reprises. Peuvent-ils encore être la voix des électeurs ? Je dirais qu’il est grand temps pour eux de reconsidérer s’ils veulent continuer à représenter leurs électeurs ou non. Car l’impact peut être énorme. »

 


Quel recours détient le député pour contester sa suspension ?

« What is said or done within the walls of the Parliament cannot be inquired into a Court of Law ». C’est ce que la Cour suprême a avancé dans le cas de Bérenger vs Jeewoolall (1999 SCJ 375) et dans le cas Bradlaugh v Gosset (1884) 12 QBD 271. Me Taij Dabycharun souligne qu’un recours à la Cour suprême n’a pas sa raison d’être. Car le cas de Bérenger fait jurisprudence.


Les pouvoirs du Speaker

Pour mieux comprendre les pouvoirs du Speaker, Me Taij Dabycharun se réfère au Standing Order 49. Ce règlement, dit-il, prévoit que s’il y a eu abus des règles, le président doit immédiatement présenter une motion pour que le député soit suspendu et cela durera jusqu’à ce que l’Assemblée, par résolution, en décide. Ainsi, les députés qui sont suspendus doivent immédiatement se retirer de l’enceinte de l’Assemblée nationale. Si les choses s’aggravent, le président peut, s’il l’estime nécessaire, ajourner l’Assemblée ou suspendre la séance du jour.

Que doit-on retenir ?

Pour Me Taij Dabycharun, il y a la séparation des pouvoirs. L’Assemblée nationale est une poste constitutionnelle et son fonctionnement est rédigé par le règlement de Standing Order. Donc, l’Assemblée nationale est « dirigée et gérée » par le Speaker et son autorité ne peut être remise en question, selon le Standing Order 79, précise Me Taij Dabycharun.

Outrage à l’Assemblée nationale 

Me Taid Dabycharun explique que toute personne jugée coupable d’outrage à l’Assemblée nationale est passible d’une peine d’emprisonnement ne dépassant pas trois mois et d’une amende de pas plus de Rs 1000. Dans le cas de diffamation au pénal, dit-il, la personne encourt une peine de prison n’excédant pas cinq ans et d’une amende ne dépassant pas Rs 50 000. Au civil, la personne peut faire face à une réclamation de dommages pour préjudice subi.

Que suggérez-vous ?

Pour Me Taij Dabycharun, la façon de faire de certains parlementaires laisse à désirer. Les séances parlementaires sont devenues comme un « telenovela ».  

« Vous êtes là pour faire entendre la voix du peuple. Représentez-les. Le peuple vous observe et espère que vos voix seront leurs voix. Or, ce n’est pas le cas ces derniers temps. »

Teddy Roosevelt, un politicien américain, avait dit : « We must dare to be great and we must realize that greatness is the fruit of toil and sacrifice and high courage ».

 

 

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