Le Mauritius Meteorological Services (MMS) a une fois de plus essuyé les critiques d’une partie de la population. Mais, faudrait-il en vouloir à la station de Vacoas d’avoir joué la carte de la prudence ? Y a-t-il vraiment eu cafouillage ? Explications.
Après le passage du cyclone Belal le 15 janvier dernier, la tempête tropicale modérée Candice a perturbé le Mauritius Meteorological Services (MMS), qui a encore été critiqué par une partie de la population. Certains ont même qualifié les météorologues de la station de Vacoas d’« amateurs » et d’« incompétents ». D’autres ont estimé que le MMS représentait une menace pour Maurice en émettant des alertes cycloniques pour un système qui n’avait même pas encore été nommé.
Le spectre du lundi 15 janvier
Pour rappel, Maurice est passé en alerte cyclonique de Classe 1 le lundi 22 janvier, et Classe 2 dans l’après-midi du même jour. Déjà, dès l’émission de l’alerte de Classe 1 à 10h10, de nombreux parents, pris de panique, sont allés récupérer leurs enfants à l’école « pour plus de sécurité ». Il était évident que le spectre du lundi noir du 15 janvier, avec des inondations et des accumulations d’eau dans divers endroits, était encore frais dans leur mémoire. De nombreuses interrogations persistent quant à savoir pourquoi le MMS n’a pas été suffisamment explicite dans ses prévisions pour que les autorités, dites compétentes, interdisent tout déplacement en prévision de la menace imminente ce jour-là. Ainsi, nombreux sont ceux qui ont préféré jouer la carte de la prudence, craignant que le scénario ne se reproduise.
Il faut noter que, selon le protocole établi pour les alertes cycloniques, la Classe 1 est émise au moins 36 heures et au plus tard 48 heures avant l’apparition de rafales de 120 kilomètres par heure. Ce qui ne devait pas être le cas pour la zone de basse pression. Cependant, en raison de ses caractéristiques de dépression de mousson avec de nombreux nuages susceptibles de provoquer des pluies abondantes, le MMS a choisi de passer rapidement en alerte de Classe 2 le même jour, car le système était situé dans une zone propice à son développement. Cela, malgré le fait qu’une alerte cyclonique de Classe 2 est normalement émise de manière à laisser, dans la mesure du possible, 12 heures de clarté avant l’apparition de rafales de 120 kilomètres par heure.
La carte de la prudence
Si, pour certains, le MMS a confondu vitesse et précipitation, l’océanographe et ingénieur en environnement Vassen Kauppaymuthoo a un tout autre avis. Selon lui, le MMS s’est montré prudent en raison de la proximité du système de notre région, à moins de 500 km au Nord-Nord-Est de Maurice. Il souligne cependant que le protocole d’alerte cyclonique actuel est dépassé, car il ne prend pas en considération les différents risques associés à un cyclone : vents, pluies torrentielles, ondes de tempête, houles, rivières en crue. « Le système d’alerte devrait être rapidement revu afin de prendre en compte tous ces risques liés au changement climatique », préconise-t-il.
Un ancien météorologue est cependant d’avis qu’un vent de panique semble avoir gagné le MMS après les tristes événements du 15 janvier où deux personnes ont trouvé la mort, et que la station de Vacoas est allée de précipitation en précipitation. Cela dès la première alerte, alors que le système n’était pas encore bien formé et que le centre n’était pas encore visible. Un autre couac a été d’annoncer dans la soirée du mardi 23 janvier que le pays allait passer en alerte cyclonique de Classe 3 pour les mêmes raisons. Qui plus est, la zone de basse pression n’avait pas encore été nommée, car elle n'était pas encore arrivée au stade de tempête tropicale modérée, qui est l’un des critères pour baptiser un système. (Voir encadré).
Mais, lorsque le MMS s'est ravisé en maintenant l'alerte de classe 2 le mercredi 24 janvier, cela a semé la confusion dans l’esprit des gens et bouleversé le quotidien de toute une population qui ne s’attendait pas à un tel revirement de situation. Le MMS a une nouvelle fois été pris à partie pour ses imprécisions.
Un système complexe
Il faut aussi dire cependant que Candice a été bien capricieuse en déjouant tous les pronostics des météorologues et des modèles numériques. Selon Vassen Kauppaymuthoo, la zone de basse pression ne s’est pas renforcée comme prévu, et les diverses tendances numériques ont indiqué trois trajectoires différentes, ce qui montre à quel point il n’y a eu aucune concordance même à faible échéance et cela a rendu difficile les prévisions.
Pour le directeur général du MMS, Raj Booneeady, la tempête tropicale modérée Candice a été un système « complexe », ce qui fait qu’il a été difficile de prévoir son déplacement. Ainsi, le MMS se serait laissé guider par la proximité du système de notre région et le danger potentiel qu’il représentait en s’intensifiant rapidement ou en adoptant une trajectoire qui nous aurait exposés à l’énorme masse nuageuse accompagnant la dépression de type mousson. Mais, par chance, celui-ci est resté loin de nous, après avoir été stationnaire au Nord de Cap Malheureux et par la suite fait une boucle avant d’adopter une trajectoire vers le Sud-Est pour s’éloigner rapidement de notre région le mercredi 25 janvier.
Selon Vassen Kauppaymuthoo, avec le changement climatique, les systèmes dépressionnaires peuvent se développer rapidement. Il donne ainsi entièrement raison au MMS d’avoir alerté la population et joué ainsi la carte de la prudence. « Cela a été une bonne chose malgré les mécontentements et les inconvénients », dit-il. Pour lui, la population doit s’habituer à être dérangée dans ses habitudes et à s’adapter afin d’être plus souvent en télétravail et de prendre des dispositions pour leurs enfants lorsque les écoles sont fermées.
Nouveau système d’alerte
L’océanographe et ingénieur en environnement maintient que le MMS n’a pas fait preuve d’imprécision dans ses alertes. « Il y a un personnel qualifié à la station et il a parfaitement assumé ses responsabilités en gérant de manière adéquate les dangers potentiels auxquels la tempête tropicale modérée Candice pouvait nous exposer », souligne Vassen Kauppaymuthoo. Pour lui, c’est le système d’alerte cyclonique qui doit rapidement être révisé afin de s’adapter au changement climatique et de prendre aussi en considération la canicule. Il plaide également pour un système de préalerte ainsi qu’une sensibilisation de la population à cet effet.
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