La Réunion : tous les candidats RN qualifiés au second tour, du jamais vu sur l'île

Grand chelem. Le RN a qualifié tous ses candidats pour le second tour dans les sept circonscriptions de La Réunion, du jamais vu dans l'histoire de ce département français de l'océan Indien, le plus peuplé des territoires ultramarins.

"Nous sommes à La Réunion, il y a des dépressions tropicales qui arrivent vite", ironise Joseph Rivière, le candidat Rassemblement national en ballottage favorable dans la troisième circonscription.

Même si dans six des sept circonscriptions de l'île, la gauche est arrivée en tête du scrutin, le RN est parvenu à rassembler 81.220 voix sur l'ensemble de l'île.

Au premier tour des législatives de 2022, le parti d'extrême droite avait alors totalisé 19.748 voix et avait vu tous ses candidats éliminés.

"Les gens sont écrasés par les taxes et la baisse constante de leur pouvoir d'achat, le peuple n'en peut plus", explique à l'AFP M. Rivière, dénonçant un supposé "chaos économique et social provoqué par la macronie, qui est soutenue par la gauche et la droite".

Pour Christiane Radinarivo, politologue et chercheuse à l'université de La Réunion, "le RN développe une idée simple à comprendre: il faut se débarrasser d'Emmanuel Macron qui appauvrit la population, il faut trouver de l'argent et pour cela il faut arrêter de nourrir les étrangers".

- Situation "dramatique" -
Ce discours a trouvé un écho particulier à La Réunion, située non loin de Mayotte, département le plus pauvre de France et confrontée à une immigration comorienne qui cristallise les tensions.

Il y a quelques années, dans cette île métissée où se côtoient plusieurs ethnies, les visites de Marine Le Pen entraînaient des manifestations hostiles liées à ses prises de positions jugées "racistes et xénophobes".

"Mais maintenant, l'argumentaire du RN, simpliste et sans fondement, a fini par marcher, sans doute parce que nous devons faire face à une situation économique et sociale dramatique", estime Françoise Agathe, mère de deux jeunes enfants et sans emploi.

Selon les chiffres de l'Insee, 36% des Réunionnais vivent en-dessous du seuil de pauvreté et le chômage frappe plus de 115.000 personnes sur une population totale frôlant les 900.000 habitants.

"C'est la colère qui s'est exprimée contre les politiques collectivement", analyse Karine Lebon, députée sortante NFP dans la deuxième circonscription.

"Le discours qui infuse depuis plusieurs années déjà est que le RN est le seul à se battre pour les défavorisés. C'est faux. Avec les députés macronistes, ils ont voté contre toutes les mesures qui auraient pu améliorer la vie des plus pauvres", souligne-t-elle.

- "On risque quoi?" -
Dimanche soir, elle est arrivée largement en tête du scrutin. Mais Christelle Bègue, la candidate RN, a totalisé un peu plus de 21% des suffrages. Un score obtenu alors la représentante du parti d'extrême droite est inconnue du grand public.

C'est aussi le cas de plusieurs autres candidats RN sur l'île.

"Mon adversaire n'a pas fait campagne, sa photo, comme celles des autres candidats, est en tout petit sur les affiches où l'on voit surtout Marine Le Pen et Jordan Bardella. C'est sur cette image que les scores ont été obtenus", relève Karine Lebon.

"La stratégie de communication est très bonne, les gens ne connaissent pas le candidat mais ils connaissent Le Pen et Bardella qui personnalisent les idées racistes de leur parti", lâche François Clain, un travailleur indépendant de Saint-Denis, le chef-lieu du département.

"Il faut arrêter avec ça, je ne suis pas raciste, j'aime tout le monde, mais je veux juste mieux vivre", s'emporte Jean-Marc Leveneur, un quinquagénaire, vendeur dans une grande surface de l'est de l'île.

"Et puis on risque quoi ? On a essayé la droite, on a essayé la gauche, on a essayé la droite-gauche. Maintenant, on va essayer le RN et si ça ne marche pas, on changera encore", prévient-il.

© Agence France-Presse