À Camp-Créole, les malheurs de Mélanie s’empilent. Abandonnée par son époux, ne pouvant compter sur son fils drogué, cette quadragénaire ne survit que grâce à des dons alimentaires. Pourtant, elle sait lire et écrire, elle pourrait travailler. Si au moins il n’y avait pas ce fichu Covid...
Ce dimanche, direction Camp-Créole, un des quartiers défavorisés du village d’Albion. Là, vit une centaine de familles avec des enfants, souvent sans nourriture. Leur détresse ne laisse pas insensibles les habitants plus aisés d’Albion. Depuis le premier confinement en mars 2020, d’aucuns se mobilisent pour que ceux qui sont dans le besoin aient de quoi manger au quotidien. Grâce à leur soutien, les bénévoles de l’ONG Resto du Cœur préparent des colis de vivres et offrent des repas chauds aux habitants de Camp-Créole et d’autres quartiers.
Mélanie, qui habite une petite maison autrefois sans porte, vient de recevoir une de ces boîtes de vivres. « Mo pa ti ena dile. Ek la misie la inn amenn komisyon pou mwa. Sa fer mwa vreman chaud au cœur », dit-elle tout en témoignant sa foi en Dieu, qui la maintient mentalement forte en ces temps difficiles. Âgée d’une quarantaine d’années, Mélanie ne travaille pas. Mère d’un fils qui a sombré dans la drogue synthétique, elle ne cache pas ses malheurs. Sans un sou en poche, elle cherche en ce moment un emploi de femme de ménage dans le but de survivre. Simplement pour pouvoir acheter de la nourriture et payer les factures utilitaires tous les mois.
« J’ai raté la chance de ma vie »
L’habitante de Camp-Créole nous raconte son histoire. Fille d’un laboureur et d’une mère au foyer, elle a quitté l’école après avoir obtenu le certificat d’étude. Même si elle sait lire et écrire, elle se tourne alors vers une usine pour apprendre un métier. Suite à une erreur de jeunesse, comme elle le dit, elle se marie à 17 ans. Puis son mariage bat de l’aile et elle divorce. Plus tard, elle reçoit une proposition pour refaire sa vie avec un Français, cependant très âgé. Elle accepte.
Mélanie s’envole pour la France mais rentre très vite. « Ça aurait pu changer ma vie. Mais j’ai repoussé cet homme pour revenir à Maurice. C’est la plus grande erreur que j’ai faite. Car je me retrouve aujourd’hui dans une situation chaotique », se désole-t-elle. Elle s’est remariée à un Rodriguais. Après 19 ans de vie commune, son époux l’a quittée il y a deux mois. « Je n’ai rien vu venir. Il est parti du jour au lendemain sans prévenir. J’ai appris qu’il avait fait des enfants dans mon dos, à sa maîtresse. Cette trahison a fait basculer ma vie. »
Abandonnée par son mari, Mélanie pleure toutes les larmes de son corps et sombre dans la dépression. Néanmoins, elle doit accepter sa nouvelle réalité. Comme c’est son époux qui ramenait l’argent à la maison, les choses s’enveniment pour elle. « Il était assistant contracteur. Me apre tou sa manti linn koz mwa, la mo nepli kone vreman ki li ti pe fer. Li ti pe aste manze ek met la. Kouma dir pou donn so lisien. Li pa ti vreman prezan dan lakaz », raconte-t-elle d’une voix amère.
Se doucher en cachette
Des malheurs, Mélanie en a connu plusieurs, tant avec son mari infidèle qu’avec son fils accro à la drogue synthétique. « Monn bien soufer. Aster mo get zis mwa », dit-elle. Donc, chaque matin, elle se lève à 4h30, fait sa toilette et mange un bout de pain avec son thé. Ensuite, elle s’attaque aux tâches ménagères. Malgré le peu de nourriture qu’elle a, elle partage ses repas avec ses chiens qui lui apporte du réconfort. Comme elle sort rarement de la maison, la quadragénaire meuble son temps en s’occupant du fils de sa nièce ou en regardant la télé.
Le soir venu, elle fait à manger et prend sa douche avant de se mettre au lit. Cependant, il n’y a pas de robinet dans sa salle de bains. Elle doit attendre que le voisinage soit endormi pour se laver avec un tuyau d’arrosage dans la cour de sa maison. « Tou sa la difisil pou viv. Avan mo ti ena enn la vie correk », raconte Mélanie qui adore danser et vivre pleinement. Dans l’immédiat, elle a besoin d’un travail pour sortir la tête de l’eau, mais son plus grand souhait est de trouver une personne pour refaire sa vie et être à nouveau heureuse.
Ashna, coiffeuse au chômage : «Un emploi pour aider ma mère et mon frère»
Après Mélanie, nous avons rencontré Ashna. Âgée de 19 ans, elle habite la rue Badamiers à Bellevue. C’est un autre quartier défavorisé d’Albion où la précarité s’est aggravée depuis le début de la crise sanitaire. Ayant suivi une formation de coiffure, Ashna ne trouve malheureusement pas d’emploi. Cette situation pèse de plus en plus lourd car il lui faut aider sa mère, Prateemah, qui n’arrive plus à subvenir aux besoins de la famille. Surtout que son petit frère Rahul, atteint de dystrophie musculaire, souffre d’une grave insuffisance cardiaque. « Ma mère fait tout son possible pour que nous ayons à manger tous les jours. Elle ne travaille pas car elle doit être au chevet de mon frère. Actuellement, elle peine à acheter les médicaments indispensables pour Rahul », confie Ashna.
Quant à sa mère, elle se dit à bout de forces. « Les médicaments de mon fils finiront ce mois-ci et je ne sais pas comment faire pour en acheter pour les mois suivants », dit-elle. Elle lance donc un appel au secours. Les personnes qui souhaitent aider le jeune Rahul peuvent le faire en prenant contact avec l’ONG Resto du Cœur (voir hors texte).
Ashna consacre ainsi ses journées à aider sa mère dans la cuisine et pour les tâches ménagères, tout en s’occupant de son petit frère. Le reste du temps, elle regarde des vidéos en ligne pour se ternir informée des nouvelles tendances dans le domaine de la coiffure. Ou simplement pour se distraire, afin de s’échapper un peu des tristes réalités de la vie. Son plus grand désir est de trouver un emploi le plus vite possible pour aider sa famille. Donc, avis à tout coiffeur ou salon de coiffure : si vous avez du travail à offrir, pensez à Ashna !
Appel à la solidarité en cette fin d’année
À l’approche des fêtes de fin d’année, l’ONG Resto du Cœur a lancé un appel à la solidarité envers les pauvres d’Albion. Particulièrement pour tous ceux qui ont été mis à terre par les conséquences socioéconomiques de l’épidémie de Covid-19. « Nous avons lancé un appel à la solidarité pour la contribution d’une somme de Rs 500 par personne. Le montant récolté permettra d’offrir des boîtes de vivres aux familles vivant dans la précarité à Albion. Il sera aussi utilisé pour acheter des cadeaux aux enfants des familles démunies. Notre appel a été entendu et nous avons eu beaucoup de donateurs. Nous les remercions car, grâce à eux, nous pourront aider ces familles en cette fin d’année », déclare Tony Ah Yu, le président de l’association. Cependant, l’ONG a encore besoin de dons de nourriture pour assurer la continuité de la distribution de repas chauds. Ainsi toute personne qui souhaite aider les 150 familles vivant en situation de précarité à Albion peut contacter le Resto du Cœur sur sa page Facebook ou par courriel à l’adresse suivante : restoducoeur@gmail.com.
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