- Des confirmations recherchées dans les appareils électroniques et sur les comptes bancaires des suspects
- L’avocat Akil Bissessur soutient qu’un téléphone saisi dans son appartement ne lui appartient pas
N’en déplaise aux hommes de loi des trois suspects arrêtés, c’est bien la PHQ Special Striking Team (SST) qui mène l’enquête sur l’importation de 1 022 comprimés de MDMA (Ecstasy) pour laquelle l’avocat Akil Bissessur, sa compagne Doomila Moheeputh et son frère Avinash Bissessur font l’objet d’une accusation provisoire depuis mercredi.
Le colis postal, arrivé à Maurice par un vol de British Airways en provenance d’Allemagne, avait été intercepté par les douaniers de l’aéroport le vendredi 16 juin. Le nom du destinataire inscrit sur le paquet était celui d’Avinash Bissessur mais l’adresse était celle de son frère Akil, dans le complexe résidentiel Dreamton Park à Sodnac, Quatre-Bornes.
C’est donc au domicile d’Akil Bissessur que mardi, la SST, en collaboration avec l’Anti-Drug and Smuggling Unit (Adsu), a organisé une opération de livraison contrôlée. L’avocat a refusé de réceptionner le colis que lui apportait un policier déguisé en facteur mais il a quand même été arrêté, tout comme sa compagne qui se trouvait comme lui au bas de leur immeuble à ce moment-là. Simultanément, une autre équipe de la SST s’est chargée d’interpeller Avinash Bissessur, qui réside également à Sodnac.
Lors des perquisitions effectuées dans l’appartement d’Akil Bissessur et dans le logement de son frère, leurs téléphones cellulaires et leurs ordinateurs portables ont été saisis. Le contenu et la mémoire de ces appareils vont être analysés par les experts de l’Information Technology Unit. Les enquêteurs pensent pouvoir y trouver une preuve formelle que soit Akil, soit Avinash Bissessur a commandé les comprimés d’Ecstasy en Europe.
Un téléphone trouvé dans un tiroir chez l’avocat intéresse tout particulièrement la police. Cependant, mercredi devant la Cour de district de Grand-Port, Akil Bissessur a soutenu n’avoir jamais vu cet appareil auparavant. « Je soupçonne un cas de ‘phone planting’, car je n’utilise que mon cellulaire et un seul numéro », a-t-il déclaré à la barre du tribunal de Mahébourg. Des prélèvements d’ADN ont été faits sur le téléphone en vue d’établir un lien avec le suspect.
La SST compte également demander un « judge order » pour avoir accès aux relevés des comptes bancaires des frères Bissessur et de Doomila Moheeputh. Les enquêteurs supposent que la commande et le paiement de l’Ecstasy se sont faits en ligne. Dans ce cas, il pourrait y avoir des traces de ces opérations dans des emails ou une conversation sur un service de messagerie comme Whatsapp.
« 1 022 comprimés d’Ecstasy n’ont pas été expédiés par hasard. Bizin inn peye pou sa, enn trafikan pa donn konprime ladrog kado. Il a bien fallu régler les frais postaux également », nous dit un membre de l’Adsu. Néanmoins, les échanges et le paiement à distance, indique un spécialiste, peuvent s’avérer difficiles à retracer quand la personne s’est connectée au « dark web », a utilisé une monnaie virtuelle ou est passée par un réseau informel de transfert de fonds, c’est-à-dire par l’intermédiaire de courtiers d’un système dit « halawa ».
Les enquêteurs attendent aussi les résultats de l’analyse des comprimés saisis envoyés au Forensic Science Laboratory, même si le « field test » réalisé par la douane a confirmé qu’il s’agissait bien de MDMA. La valeur marchande de cette quantité de drogue sur le territoire mauricien a été estimée à Rs 2 millions.
En attendant d’avoir réuni tous ces éléments, la SST a prévu d’entamer les auditions des trois suspects dans le courant de la semaine à venir.
La MDMA, drogue des riches
Il existe un marché à Maurice pour des drogues telles que l’Ecstasy. La MDMA circule dans un milieu select lors de soirées privées de type « rave party » organisées surtout dans le sud-ouest et le nord de l’île. « Ecstasy pa enn ladrog ki vann lor sime ou dan bann landrwa kot gagn ladrog agogo. Enn konprime la mem kout plis ki Rs 1 000. Samem apel sa ‘la drogue des riches’. Ou gagn sa dan bann sirkwi ferme », indique un membre de l’Adsu.
L’Ecstasy est consommé pour ses effets euphorisants et désinhibants ainsi que pour l’exacerbation des sens qu’il procure. Les effets sont ressentis dans les minutes qui suivent la prise orale du comprimé et se prolongent pendant trois à six heures. « Ou rest danse enn nwit dan diskotek ar sa. Li fer ou gagn enn bann lefe siper net », confie un noctambule. Cependant, poursuit-il, cette drogue est également utilisée pour piéger des femmes. « Dan bann sware ena ofer sa bann zen fi ou fam pour apre gagn relasion sekswel ar zot kont zot gre. Ban tifi-la pa rapel kinn ariv zot. »
Me Rama Valayden : « Nous allons prouver qu’il y a eu ‘phone planting’ »
L’avocat Rama Valayden a entamé une enquête parallèle à la suite de l’arrestation de son confrère Akil Bissessur, de Doomila Moheeputh et d’Avinash Bissessur. « Nous allons faire une contre-expertise pour prouver qu’il y a eu ‘phone planting’ » au domicile de son client à Sodnac.
Me Valayden s’est entretenu avec la mère de Doomila Moheeputh dans un « Facebook live ». Lors de cet entretien, Salonee Moheeputh est revenue sur la perquisition de la SST dans l’appartement où elle vit aux côtés de sa fille et d’Akil Bissessur. « Enn ant zot inn pran enn telefonn pa kone kot sorti, met dan sa tirwar-la », a-t-elle déclaré.
Un enquêteur de l’Adsu : « Souvent, le nom et l’adresse du destinataire ne sont pas inscrits au complet sur le colis »
C’est un point qui intrigue. Si l’un ou l’autre des frères Bissessur, si ce ne sont les deux, ont voulu se faire expédier de la drogue par avion, pourquoi n’ont-ils pas trouvé le moyen de masquer leurs identité et adresse. Un enquêteur de l’Adsu nous explique que bien souvent, « sur un colis contenant des stupéfiants, intentionnellement, le nom et l’adresse du destinataire ne sont pas inscrits au complet. » Il précise que dans ce cas, l’importateur a un complice au sein des services courriers qui s’occupe de faire sortir le colis une fois qu’il est classé « unclaimed ».
Contre-attaque de l’ASP Ashik Jagai
Nouvelle plainte du responsable de la SST, Ashik Jagai, contre l’avocat Rama Valayden, qu’il accuse de « conspiracy to pervert the course of justice ». Une enquête de police a ainsi été ouverte sur « l’enquête parallèle » de Me Valayden et son entretien diffusé en direct sur Facebook avec la mère de Doomila Moheeputh. Ashik Jagai reproche à l’avocat d’entraver le bon déroulement des investigations menées par son unité car Salonee Moheeputh figure sur la liste des témoins dans cette affaire. Rama Valayden répond ceci : « We are not perverting the course of justice. We are perverting the course of injustice. » Il déplore notamment qu’on ne l’ait pas autorisé à rencontrer Akil Bissessur, qui est son client, à la fin de cette semaine.
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