
- Comment la mise en scène a permis au meurtrier de réécrire son crime
Le féminicide de Danaa Laeticia Malabar, 25 ans, a bouleversé Maurice. Derrière l’apparente complicité d’un couple populaire sur TikTok, se cachait un drame d’emprise et de violence. Un crime, puis une mise en scène numérique glaçante.
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L’histoire aurait pu sembler banale dans le flux incessant des vidéos TikTok : un couple jeune et radieux, partageant des moments complices en ligne. Avec 33 000 abonnés pour Brandon Malabar et 28 000 pour sa femme Danaa Laeticia, ils incarnaient cette vie de couple que consomment quotidiennement des milliers d’internautes. Mais derrière les filtres et les sourires se cachait un calvaire silencieux, puis un crime dissimulé sous une mise en scène minutieuse.
Depuis six ans, Brandon et Danaa Laeticia formaient ce couple créatif que les réseaux adorent. Lui, passionné de football et de musique, exerçant comme maçon, s’était construit une présence influente sur TikTok à travers plusieurs profils. Elle, originaire d’Eau-Coulée, l’avait rejoint à Beau-Vallon. Leurs contenus mettaient en scène leur complicité : des chansons d’amour, des chorégraphies, des défis de couple, des moments familiaux avec leur enfant. Chaque lieu visité devenait un décor pour leurs vidéos. Poster sur TikTok était devenu un réflexe quotidien.
Cette vie de carte postale numérique séduisait les internautes, qui les félicitaient pour le bonheur qu’ils dégageaient à l’écran. Brandon gagnait en popularité à chaque vidéo, suscitant même l’attention des médias.
Mais cette image du « couple parfait » ne reflétait guère la réalité. Ce récit lisse, calibré pour les algorithmes, cachait un huis clos de domination et de peur. Danaa, affichant toujours le sourire, cachait une souffrance qu’elle subissait en silence. Des soupçons d’infidélité de la part de Brandon, devenu populaire et s’affichant au bras d’une jeune rivale, la tourmentaient. Cette situation engendrait des conflits répétés. « Son époux la battait fréquemment. Mais elle n’osait pas le dénoncer à la police pour ces violences. Elle avait des bleus », confie une tante.
Danaa s’était réfugiée chez sa mère à Eau-Coulée quelques semaines avant le drame. Elle voulait « tourner la page ». Une amie raconte : « Li ti finn gagn bate, li ti fatige. Me li ti ankor pe donn li enn lot sans. » Brandon refusait de la laisser partir. Il la harcelait de messages, exigeant qu’elle revienne vivre avec lui et lui reprochant d’avoir « brisé la famille ». Sur TikTok, il continuait à publier des vidéos sentimentales, parfois enregistrées après des disputes, jouant sur la corde émotionnelle. Et elle est retournée à ses côtés, encore et encore.
Énième retour, ce dimanche 12 octobre. Danaa quitte la maison de sa mère pour rejoindre Brandon. Trois jours plus tard, elle est retrouvée morte.
Or, pendant que Danaa gisait déjà sans vie, Brandon avait publié une vidéo sur TikTok pour annoncer sa disparition. Visiblement bouleversé, il exhortait les internautes à partager sa vidéo et à l’aider à retrouver son épouse. « Mo pa santi mwa bien ditou, mersi seki pou rann mwa servis-la », déclarait-il dans l’enregistrement.
Ce qui suit ressemble à une orchestration consciente. Très actif dans les heures suivantes, Brandon multiplie les vidéos en direct, les « lives », prétendant participer activement aux recherches. Il commente les publications des internautes, demandant de l’aide pour « retrouver » sa femme. Il joue le mari atterré devant plusieurs centaines de milliers de personnes.
Les vidéos deviennent virales. Les internautes les relaient massivement. La police lance un avis de recherche. Pendant ce temps, Danaa reste cachée, sans vie, dans cette maison abandonnée.
La supercherie ne tiendra pas longtemps. Les incohérences dans ses propos et son comportement sur TikTok attirent l’attention des enquêteurs, déjà intrigués par ses antécédents de violence. Le mercredi 15 octobre, Brandon avoue le meurtre et conduit la police au cadavre. Il confesse avoir assené deux coups de couteau à Danaa et l’avoir laissée se vider de son sang.
En tuant Danaa, Brandon Malabar lui a d’abord ôté la vie. Mais il l’a tuée une seconde fois en manipulant l’opinion publique, en réappropriant son histoire, en la réduisant à une absence dans le récit qu’il construisait pour se dédouaner.
Pendant qu’il jouait le mari désespéré, déplorant la disparition de celle qu’il venait de tuer, Danaa n’existait plus que comme énigme à résoudre, comme faire-valoir à la performance émotionnelle de son meurtrier. Son intimité, sa souffrance, ses tentatives d’échapper au calvaire – tout cela avait disparu derrière la mise en scène.
Vanessa, la mère de Danaa, effondrée, peine à comprendre comment sa fille a pu tomber dans le piège d’un homme qui la détruisait, tout en exposant leur vie privée sur les réseaux sociaux. « Mo ti dir li aret al kot li. Li ti pe dir mwa ‘mama, li pou sanze’. »
Danaa Laeticia Malabar avait 25 ans. Elle a été tuée deux fois : une fois par le couteau, une seconde fois par la manipulation de celui qui l’a ôtée du monde.

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