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La Deuxième Vie de Clothilde Bhogaloo

Ce dimanche, plongeons dans l’univers captivant de Clothilde Bhogaloo. Cette maman d’un enfant autiste a su transformer les défis en opportunités et forger son propre chemin vers une Deuxième Vie. 

C’est l’histoire d’une femme qui ne recule devant rien. Une mère qui se dévoue entièrement à son fils autiste. Une artisane qui poursuit avec passion et créativité ses aspirations. Clothilde Bhogaloo est tout cela, et bien plus encore. Deuxième vie, sa petite entreprise florissante, est le témoignage de sa résilience face à l’adversité. 

Clothilde
Clothilde et son fils Loic.

À Médine, mercredi 10 mai, nous nous rendons sur son lieu de travail. Rendez-vous pris sur l’arrêt d’autobus. Dans le ciel, le soleil brille de plein feu. Sapée comme jamais avec ses lunettes de soleil, Clothilde Bhogaloo fredonne une chanson. En marchant avec nous, elle nous partage sa bonne humeur. 

Nous bravons un sentier rocailleux pour atteindre son atelier. Sur place, les nombreux chiens errants viennent à sa rencontre. Ils se sont liés d’amitié avec Clothilde Bhogaloo car elle leur offre de la nourriture. Grincement d’une porte en métal avec en toile de fond le bruit de scies électriques émanant des ateliers voisins. Nous voilà dans un havre au cœur de la nature où l’artisane fabrique ses créations. 

Elle accroche son sac sur un clou et en retire une Thermos d’eau chaude. De sa cuisine improvisée, elle nous offre à boire. Nous acceptons volontiers. Puis, elle tire une caisse, à la fois banc et boîte de rangement, et nous invite à prendre place. Nous réalisons que nous sommes assis sur l’une de ses créations. « C’est top, non », dit-elle avec un large sourire. 

Clothilde Bhogaloo, qui habite Mont-Roches, confie que son mari Paul est électromécanicien. Elle est la fière maman de trois enfants : Emmanuel ainsi que les jumeaux Loïc et Mary-Kate. Elle a occupé le poste de présidente d’Autisme Maurice pendant quatre ans. Maintenant, elle gagne sa vie en travaillant le bois pour créer des meubles ou des objets décoratifs.

Passion pour la décoration

Clothilde Bhogaloo nourrit une passion pour la décoration depuis son plus jeune âge. « Je m’amusais à créer à la main des décorations uniques, telles que des bougies et des boîtes en bois ornées de fleurs naturelles, pour les fiançailles et les premières communions célébrées au sein de ma famille. »

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La créativité de l’artisane n’a pas de limites.

En autodidacte, elle utilise avec ingéniosité tout ce qui lui tombe sous la main pour créer ses chefs-d’œuvre. Du papier mousseline aux journaux, en passant par les branches sèches, elle donne une seconde vie à ces matériaux grâce à sa créativité débordante. Passionnée par le dessin, elle réalise également ses propres crèches, aux couleurs et aux motifs qui lui plaisent, pour illuminer les fêtes de Noël en famille. 

Elle travaille le bois avec ses propres mains. D’où lui vient ce talent ? Nous apprenons alors que Serge, son père, exerçait le métier de chauffeur et s’adonnait à la menuiserie pendant son temps libre. « Enfant, je passais du temps dans son atelier. Je pense que c’est ça qui a suscité en moi ce vif intérêt pour le travail du bois », indique l’artisane. De plus, comme sa mère Jocelyne est couturière, cela a éveillé chez elle une passion précoce pour la mode et la créativité. 

Aujourd’hui, cette passion se reflète dans ses créations. Dans son atelier, nous retrouvons des boîtes et des plateaux de rangement, des lanternes, sa carte de visite, des bancs, des tables, des bougeoirs, bref toute une panoplie de babioles faites de bois et joliment décorées. 

Clothilde Bhogaloo vend ses produits au marché de Quatre-Bornes grâce à l’inscription de Deuxième Vie à SME Mauritius. Sa page Facebook Deuxième Vie, créée par sa nièce Mélanie Moutou, diplômée en Marketing, est la vitrine de ses créations. Les commandes affluent. « Des fois, je n’ai même pas le temps de respirer qu’il faut recommencer à créer des décorations », lance-t-elle dans un éclat de rire.

Cela n’est pas pour déplaire à l’artisane. Son époux et elle travaillent dur pour pouvoir se construire une maison au lieu de continuer à payer la location. « C’est mon plus grand rêve. »

Depuis qu’elle a lancé Deuxième Vie, de nombreuses portes se sont ouvertes à elle. Désormais, elle peut offrir un meilleur confort de vie à ses enfants et à son mari Paul. « Avant je ne pouvais pas faire tout cela. Maintenant, je peux travailler à mon rythme et même prendre le temps de m’asseoir pour prendre mon petit déjeuner tranquille après avoir accompli mes devoirs de maman et d’épouse chaque matin », sourit-elle. 

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Les créations de Clothilde.

Elle ne prend rien pour acquis. Car elle en a vu de toutes les couleurs avant de commencer cette deuxième vie. Issue d’une fratrie de cinq enfants, Clothilde Bhogaloo quitte les bancs du collège pour aider sa mère à la maison. Sa famille étant très soudée, elle grandit dans un environnement des plus chaleureux. Aujourd’hui, à son tour, elle veille à maintenir cette harmonie au sein de son propre foyer. 

À 16 ans, elle commence à travailler comme « Time Keeper » dans une usine textile. Puis, à 18 ans, elle suit des cours pour devenir guide touristique, bien qu’elle n’ait pas choisi cette profession. À 22 ans, maman d’un enfant, elle travaille dans la restauration tout en s’efforçant de vivre pleinement sa vie. Elle puise sa force dans l’amour et le soutien de ses parents. Grâce à sa persévérance, elle parvient à louer un appartement tout en veillant à l’éducation de son enfant. Ce dernier réussit brillamment ses examens et est admis au collège.

Maman d’un enfant autiste 

À l’âge de 37 ans, Clothilde Bhogaloo attend des jumeaux, un garçon et une fille. Loïc et Mary Kate viennent au monde. Tout semble se dérouler sans encombre jusqu’à ce qu’elle réalise que Loïc, âgé de deux ans et demi, ne parle pas et ne marche pas. Paul et elle décident de consulter un pédiatre. Ce dernier leur annonce que Loïc présente des signes d’autisme non-verbal. 

Elle ne sait pas ce que cela signifie, mais Paul, lui, le sait. Elle se renseigne sur le sujet en se rendant à l’Association de Parents d’Enfants Inadaptés de l’Île Maurice (Apeim) afin d’obtenir une éducation spécialisée pour son enfant et l’aide d’un orthophoniste.

En 2010, Géraldine Aliphon a l’idée de fonder Autisme Maurice. Clothilde Bhogaloo se joint à elle ainsi que d’autres parents d’enfants autistes. Une école est créée. Elle suit des formations dispensées par des Réunionnaises venues à Maurice, tout en s’occupant des aspects administratifs de l’association. En tant qu’éducatrice, elle donne le meilleur d’elle-même pour aider les enfants autistes, qu’ils présentent une forme légère ou sévère, étant elle-même la mère d’un enfant autiste.

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Ses créations faites main remportent un franc succès.

« Ma première formation a été avec Loïc, donc cette expérience acquise m’a permis de mieux comprendre ces enfants et de les accompagner en tant qu’éducatrice », confie-t-elle. Elle a eu l’occasion de prendre l’avion pour participer à deux rencontres annuelles du Pôle Autisme Océan Indien (PAOI) pour échanger avec d’autres parents sur ce qui est fait à Maurice en matière d’autisme, notamment au Kenya et aux Seychelles.

À l’âge de 7 ans, Loïc fait sa première crise d’épilepsie. Il en a d’autres par la suite. Clothilde Bhogaloo ne dort plus et se consacre entièrement à son bien-être. Elle est exténuée. Bien qu’elle touche un bon salaire, elle décide de quitter son travail pour se consacrer à son enfant. 

Pendant que Loïc est à l’école, elle utilise des palettes en bois pour créer des décorations pour les baptêmes et les premières communions. Un sculpteur lui demande même de préparer un cocktail de bienvenue pour lui. Grâce à son talent pour la décoration, elle crée des amuse-bouche et des cocktails auxquels elle donne le nom de ses enfants. Les invités sont satisfaits et elle est payée pour le travail fourni. 

En tant que cofondatrice d’Autisme Maurice, elle continue d’apporter son soutien à l’association. « Lorsqu’il y a une fête ou un mini-fair, je fabrique des décorations en bois que je vends et je reverse l’argent à l’association. Quand on fait appel à mon aide, je suis toujours là. »

Un jour, lors de l’anniversaire d’Autisme Maurice, elle aperçoit une palette en bois abandonnée sur le chemin. Elle la récupère et décide de fabriquer une première boîte, puis d’autres qu’elle garnit de fleurs pour en faire des décorations. En cherchant des idées sur Pinterest, elle découvre l’art de créer des décorations à partir des bouteilles et des capsules. Ses créations séduisent et son activité commence à se développer grâce au bouche-à-oreille. 

Elle reçoit des commandes. Elle réalise une chaise pour une dame, puis un bar pour une autre. Son esprit créatif ne cesse de s’épanouir. Après son inscription à SME Mauritius, son entreprise Deuxième Vie prend un nouveau tournant. Elle obtient un étal dans le marché de Quatre-Bornes, une opportunité qu’elle saisit pour mettre en valeur ses créations. Avec l’argent qu’elle gagne, elle se paie un taxi sans se soucier du coût de trajet pour la première fois et rentre chez elle. 

À partir de ce moment-là, elle gagne en confiance en soi et développe davantage son entreprise. En novembre 2022, elle est même sollicitée pour vendre ses produits dans un centre commercial. Après avoir passé quatre ans à faire des décorations en bois à domicile, elle a récemment emménagé son entreprise dans cet atelier à Médine sis au cœur de la nature qu’elle partage avec son neveu qui est, lui, électromécanicien. 

C’est l’histoire de Clothilde Bhogaloo. L’histoire d’un choix. L’histoire d’une femme qui a choisi une seconde vie, celle d’entreprendre pour pouvoir être au chevet de son fils. « Mon fils ne m’appellera jamais ‘maman’ mais le lien entre nous est bien plus profond que les mots. »

Adepte du travail 

Outre sa passion pour l’artisanat, Clothilde Bhogaloo en nourrit une autre. En effet, l’artisane est une véritable adepte du trail. Elle privilégie les parcours de 15, 20 et 25 kilomètres. Sacrée sportive, hein ? « Be ti bizin mars bokou pou al lekol, akoz saem », réplique-t-elle en riant.

Animée par le désir profond de changer le monde

Clothilde Bhogaloo dit être animée depuis l’enfance par le désir profond de changer le monde. D’ailleurs, elle nourrissait le rêve de devenir médecin sans frontières car elle éprouve une grande satisfaction à aider les autres. Pourquoi ? « Je ne sais pas. J’ai toujours eu cette empathie. » 

 

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