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La démocratisation énergétique : enjeux et perspectives pour Maurice

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L’obtention de l’EIA par Corex Solar ravive le débat sur l’énergie à Maurice. Entre accusations de « scandale » et craintes d’un monopole, la question de la démocratisation énergétique revient sur le devant de la scène. Quelles alternatives pour un avenir plus équitable ?

Dr Khalil Elahee, président de MARENA : « La sécurité énergétique ne passe plus par le charbon »

La sécurité énergétique est un enjeu crucial pour Maurice. Pour le Dr Khalil Elahee, président de la Mauritius Renewable Energy Agency (MARENA), la transition énergétique doit se faire en misant sur l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Selon lui, le charbon ne représente plus une option viable, comme l’ont démontré plusieurs études et la défunte National Energy Commission en 2013.

« Cette commission avait déjà montré qu’avec une bonne gestion de l’énergie, nous pouvions éviter des projets comme CT Power. Aujourd’hui encore, la maîtrise de la demande nous permet de gérer les pics de consommation. La campagne du Central Electricity Board (CEB) a été un succès, mais il est essentiel de poursuivre ces efforts », explique-t-il.

Un réseau vieillissant 

Il met également en avant les défis liés à l’état du réseau électrique mauricien, devenu vétuste avec le temps. « Les tempêtes électriques récentes et les surcharges sur les réseaux de basse tension en raison de l’installation massive de climatiseurs – plus de 100 000 en un an, souvent sans déclaration préalable – illustrent bien cette problématique », souligne-t-il.

Pour garantir une sécurité énergétique à moyen et long terme, Dr Khalil Elahee plaide pour une gouvernance efficace et un plan d’action structuré. Selon lui, celui-ci devrait s’appuyer sur deux piliers : une approche holistique et le concept des 4Ds (Décentralisation, Démocratisation, Décarbonation et Digitalisation).

Selon lui, la transition énergétique doit être inclusive. « Avec la décentralisation des sources d’énergie, il est impératif de démocratiser l’accès à l’électricité et de favoriser la digitalisation du secteur. Cela n’exclut pas la participation des grands producteurs ni l’utilisation d’une part d’énergies non renouvelables à court terme. Toutefois, il est hors de question de remettre en cause cette transition pour préserver des intérêts particuliers au détriment du bien commun », insiste-t-il.


Karim Jaufeerally : « L’électricité ne doit pas être confondue avec l’énergie »

Observateur attentif des problématiques environnementales, Karim Jaufeerally souligne une confusion récurrente dans les débats sur l’énergie à Maurice : celle entre l’énergie dans son ensemble et la production d’électricité. « On a tendance à les considérer comme synonymes, alors que l’électricité n’est qu’une composante du secteur énergétique », précise-t-il.

Un contrôle accru du CEB sur la production électrique

Pour lui, la production d’électricité ne devrait pas être dominée par le secteur privé. « Il est clair que la production électrique ne doit pas être contrôlée par les grands acteurs du privé. Le Central Electricity Board (CEB) doit conserver un rôle central et un intérêt prépondérant dans ce domaine », affirme-t-il.

Il estime également que la réglementation actuelle limite le développement des petites et moyennes installations de production électrique. « Le seuil de 5 MW pour ces installations devrait être relevé en fonction des limites techniques, afin d’encourager davantage de producteurs indépendants », soutient-il.

L’État et le secteur privé doivent montrer l’exemple

Karim Jaufeerally insiste sur l’importance de l’exemplarité des institutions publiques en matière d’énergie renouvelable. « Le gouvernement doit montrer la voie en installant des panneaux photovoltaïques sur ses bâtiments, notamment les hôpitaux, les administrations et autres infrastructures publiques », explique-t-il.

Il suggère également que les grands bâtiments privés, tels que les centres commerciaux, adoptent cette démarche en intégrant le solaire dans leur consommation énergétique.

Une démocratisation de l’invest+issement dans l’électricité

Une autre proposition mise en avant par Karim Jaufeerally est la création d’une maison d’investissement énergétique. Celle-ci permettrait aux citoyens d’acheter des parts dans des entreprises locales de production électrique. « L’idée serait de donner à tout un chacun l’opportunité d’investir dans un secteur très rentable et de bénéficier des retombées financières », explique-t-il.

Pourparlers avec les IPP

Au niveau du ministère de tutelle, on explique que des pourparlers ont déjà commencé avec les Independent Power Producers (IPP) pour renégocier leur contrat. « En effet, les négociations sont en cours », précise une source proche du dossier. Qu’est-ce qui va en ressortir ?  L’avenir nous le dira.

La production de l'électricité par l'énergie renouvelable reste à un niveau minimal.
La production de l'électricité par l'énergie renouvelable reste à un niveau minimal.

Pourparlers avec les IPP

Au niveau du ministère de tutelle, on explique que des pourparlers ont déjà commencé avec les Independent Power Producers (IPP) pour renégocier leur contrat. « En effet, les négociations sont en cours », précise une source proche du dossier. Qu’est-ce qui va en ressortir ?  L’avenir nous le dira.


Michel Chiffonne : « La privatisation de l’électricité à Maurice est une aberration »

Michel Chiffonne, membre du comité national et responsable du dossier énergie chez ReA, ne cache pas sa frustration après 10 ans de combat pour la transition énergétique à Maurice. Selon lui, le précédent gouvernement a pris un retard considérable depuis son arrivée au pouvoir en 2014, particulièrement en ce qui concerne l’adoption des énergies renouvelables.

« Depuis 2014, ReA, en collaboration avec des alliés, a poussé pour une transition énergétique, afin de sortir des énergies fossiles et vers les renouvelables, dans le but de garantir une souveraineté énergétique.

Cependant, en 10 ans, on n’a pas avancé. L’ancien gouvernement n’a même pas pris de mesures sérieuses. Il a accordé quelques contrats pour la production d’énergie solaire, mais ceux-ci ne représentent même pas 2 % de nos besoins énergétiques », déplore-t-il.

La privatisation, un pas dans la mauvaise direction

Michel Chiffonne met également en garde contre la privatisation de la production d’électricité. « Aujourd’hui, nous nous retrouvons dans une situation où l’électricité est privatisée, avec les IPP (Independent Power Producers) qui dominent le secteur. Le CEB, autrefois acteur majeur, peine à améliorer ses centrales, certaines datant de plus de 30 ans. Le problème est que les moteurs vieillissants du CEB ne peuvent plus supporter les pics de consommation, et cela entraîne des coupures », explique-t-il.

« Le contrat des IPP devait arriver à échéance. Nous avons eu 10 ans pour amorcer une transition, mais rien n’a été fait », déplore-t-il.

L’illusion d’une transition vers le charbon

Michel Chiffonne évoque aussi l’incapacité de l’ex-gouvernement à sortir du charbon de manière responsable. « Le prix du charbon a grimpé sur le marché mondial, ce qui a rendu l’approvisionnement trop coûteux. Toutefois, au lieu de s’orienter vers une réelle transition, les IPP souhaitent que l’État investisse à modifier les centrales au charbon pour les faire fonctionner avec des pellets de bois. C’est une option dangereuse qui met en péril nos ressources forestières », avertit-il.

Il met en garde Patrick Assirvaden, ministre de l’Énergie, sur ce choix. « Il est extrêmement dangereux d’investir dans une telle direction, car cela entraînera la destruction de nos forêts », souligne-t-il.

La nécessité d’une gouvernance plus transparente 

Il plaide également pour un modèle énergétique plus démocratique et transparent. « Nous avons besoin d’un plan holistique pour l’énergie, qui prenne en compte la transition vers les énergies renouvelables. La transparence est essentielle. Comme l’a dit Joanna Berenger, nous devons laisser les institutions prendre les décisions, sans ingérence politique », fait-il ressortir.

En ce qui concerne la démocratisation de l’énergie, Michel Chiffonne propose un modèle où chaque citoyen pourrait investir dans la production d’énergie solaire, notamment à travers des coopératives avec les petits planteurs. « Si l’État investit et que les citoyens peuvent acheter des parts dans des projets solaires, cela permettrait à chacun de bénéficier de l’excédent d’énergie produite », affirme-t-il. En outre, les fermes agricoles sont aussi des solutions plausibles étant donné que plusieurs arpents de terre ont été abandonnés.

Corex Solar : la Commission Développement Durable du MMM dénonce « le scandale »

Le scandale Corex Solar est loin d’être clos. C’est ce qu’affirme la Commission Développement Durable (CDD) du MMM dans une publication sur Facebook, en date de lundi dernier. 

« L’obtention d’un permis EIA pour un projet de 10 MW à Plaine-des-Papayes ne doit pas faire oublier les irrégularités majeures concernant les deux autres projets de 30 MW initialement prévus à Belle-Vue-Harel.

Une situation qui avait fait polémique. Corex Solar a obtenu ces deux derniers contrats en affirmant avoir sécurisé un terrain, ce qui était faux. Pourtant, le CEB a permis, malgré tout, que l’entreprise puisse chercher un terrain après coup, en violation des conditions de l’appel d’offres », peut-on lire. 

Mention est également faite que malgré un avis juridique recommandant l’annulation du contrat, le CEB a accepté le changement de site, faussant le « business plan » initial et générant un « windfall gain » pour Corex Solar. 

La CDD fait ressortir que la mise en opération du projet de 10 MW à Plaine-des-Papayes était initialement fixée au 14 août 2024. Celle des projets de 30 MW était prévue pour février 2025, selon le contrat signé avec le CEB. Aussi, des pénalités de retard censées s’élever à Rs 420 000 par jour semblent mal appliquées, les chiffres annoncés dépassant même le plafond contractuel. 

« Cette affaire, dévoilée par la Commission Développement Durable du MMM, et reprise ensuite par Patrick Assirvaden, soulève des questions graves sur la transparence, le respect des règles et la complaisance de l’ancien gouvernement MSM. Tant que ces zones d’ombre ne sont pas dissipées et les responsables sanctionnés, cette affaire reste un scandale d’État », rappelle-t-elle.

Joanna Bérenger exige des sanctions

Joanna Bérenger réagit après l’octroi du permis EIA (Environmental Impact Assessment) à CorexSolar International pour son projet de ferme photovoltaïque à Bon-Air, Plaine-des-Papayes. La Junior Minister de l’Environnement estime que cette approbation ne doit pas faire oublier les allégations d’irrégularités entourant la société réunionnaise l’année dernière.

Elle rappelle les zones d’ombre liées à un autre projet de ferme photovoltaïque estimé à Rs 5 milliards, alors que CorexSolar n’avait pas rempli les conditions requises. « C’est un scandale d’État », affirme la présidente de la Commission Développement Durable du MMM, qui exige des sanctions contre les responsables du dossier au Central Electricity Board (CEB). 

Nita Deerpalsing fustige le monopole  

L’observatrice Nita Deerpalsing, ayant suivi le dossier des IPP (Independent Power Producers) de 2006 à 2014, a soulevé plusieurs questions sur l’avenir de la production énergétique à Maurice. 

Sur Facebook, elle interroge la Commission Développement Durable (CDD) du MMM sur plusieurs aspects du dossier, à commencer par les accusations de « scandale » lancées par cette dernière à l’égard d’une compagnie solaire ayant obtenu un Engagement d’Investissement (EIA). « Est-ce que la CDD peut éclairer la population sur ce qu’ils entendent par scandale ? », demande-t-elle, précisant qu’elle n’a aucun intérêt particulier dans ce dossier.

Elle s’interroge aussi sur les conditions dans lesquelles la compagnie solaire aurait acquis un terrain. Selon ses informations, un groupe « tabissman » aurait initialement donné son engagement pour louer un terrain à cette compagnie. Toutefois, un autre groupe aurait retiré son engagement, suscitant ainsi des interrogations. « Est-ce que c’est vrai que la compagnie solaire a eu un engagement pour un terrain avec un groupe “tabissman” et qu’un autre “tabissman” est en colère de ne pas avoir eu le contrat, entraînant finalement un retrait de l’engagement ? » s’interroge-t-elle.

Elle souligne également la question de la concentration de la production d’énergie entre les mains de quelques acteurs. À Maurice, seuls trois IPP dominent le marché : Omnicane, qui détient la plus grande part avec 26 %, Terragen avec 13 %, et Alteo avec une part plus modeste. Nita Deerpalsing se demande si la CDD considère que la concentration de cette production entre les mains de trois grandes entreprises est bénéfique pour le pays. « Ces trois IPP détiennent-elles un monopole de la production d’électricité à Maurice ? Est-ce que la CDD pense qu’il est juste de continuer avec cette situation ? », indique-t-elle.

Les contrats de ces trois IPP arrivant bientôt à expiration, l’observatrice pose la question cruciale de leur renouvellement. Faut-il relancer un appel d’offres pour permettre à d’autres acteurs de participer à la production d’énergie, ou bien renouveler les contrats de manière aveugle, permettant ainsi à ces trois IPP de maintenir leur monopole ? Elle insiste également sur la transparence des prix pratiqués par ces trois IPP : « Est-ce que la CDD va exercer une pression pour que la population ait enfin accès à la structure des prix de ces IPP en toute transparence ? », indique-t-elle.

Elle poursuit ses interrogations sur la question des marges bénéficiaires de ces entreprises et l’opportunité de réduire les subventions accordées à ces trois IPP. « Est-ce que la CDD a mené une étude sur les marges de profit de ces IPP ? Va-t-elle enfin exercer une pression pour que l’on cesse de subventionner ces entreprises ? », dit-elle.

La question de la dépendance aux trois IPP et de la diversification de la production énergétique est également au cœur de ses préoccupations. « Est-ce que la CDD est d’accord qu’on ne doit plus dépendre uniquement de ces trois IPP pour la production d’énergie ? », souligne notre interlocutrice. Cette dernière plaide pour une diversification des acteurs et des sources d’énergie à Maurice, et propose de lever toutes les restrictions sur les producteurs particuliers.

Nita Deerpalsing se demande si la CDD a des propositions à faire pour un modèle énergétique plus diversifié et transparent, afin de garantir une production d’énergie équitable et durable pour tous les Mauriciens.

 

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