
À la demande de Maurice, l’Inde envisage un investissement stratégique dans Air Mauritius, en grande difficulté financière. Des discussions sont en cours avec des compagnies indiennes, sur fond d’enjeux économiques et géopolitiques croissants dans l’océan Indien.
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Maurice cherche un sauvetage indien pour sa compagnie nationale. Le gouvernement indien a récemment sollicité plusieurs compagnies aériennes indiennes pour examiner la possibilité d’un investissement stratégique dans Air Mauritius, en proie à de graves difficultés financières. Selon des sources gouvernementales citées par The Economic Times, publication réputée en Inde, ainsi que d’autres titres de presse indiens, cette demande interviendrait à la suite d’un appel lancé par les autorités mauriciennes pour attirer des investissements étrangers et intensifier les liaisons aériennes vers Maurice, mais aussi et surtout pour sauver Air Mauritius du crash. La presse indienne n’identifie cependant pas quelles sont ces « autorités mauriciennes ».
Dans le contexte de cette crise, Air Mauritius a réduit significativement ses vols à destination de l’Inde, notamment en limitant sa liaison Delhi-Port-Louis à un vol hebdomadaire, tout en augmentant fortement ses tarifs. Le gouvernement mauricien demanderait à présent, selon la presse indienne, aux compagnies indiennes – dont Air India et IndiGo – de combler ce manque en augmentant leur propre offre vers Port-Louis.
L’idée d’un partenariat stratégique avec une ou plusieurs compagnies indiennes pourrait prendre différentes formes : codeshare, joint-venture, voire prise de participation au capital. Air India, qui appartenait auparavant à l’État indien avant sa privatisation en 2022 par le groupe Tata, avait détenu jusqu’à 8 % des parts d’Air Mauritius. Avec la création d’Airport Holdings Ltd (AHL), qui a racheté toutes les actions d’Air Mauritius, Air India s’était totalement désengagée en 2021. C’était aussi le cas pour Air France et Rogers, qui étaient de gros actionnaires d’Air Mauritius. British Airways, qui détenait 10,5 % des actions d’Air Mauritius depuis 1973, avait pour sa part vendu la totalité de ses actions en 2008.
Réserves du secteur aérien indien
Du côté des transporteurs indiens, les réactions sont prudentes. Des dirigeants de compagnies interrogés par la presse indienne évoquent un potentiel limité du marché mauricien en termes de passagers, préférant concentrer leurs ressources sur leur propre développement interne et sur des marchés plus porteurs.
Enjeu géopolitique pour New Delhi
Au-delà des considérations économiques, la situation revêt un enjeu stratégique pour l’Inde. L’île Maurice, située dans l’océan Indien occidental, occupe une position clé sur les routes maritimes entre l’Asie et l’Afrique. Le Premier ministre indien, Narendra Modi, a d’ailleurs assisté en mars dernier aux célébrations de la fête nationale mauricienne, en tant qu’invité d’honneur. Il avait alors souligné le rôle central des investissements indiens dans le développement économique de Maurice.
Cette initiative s’inscrit également dans la continuité de la coopération bilatérale renforcée : l’Inde a récemment construit une piste d’atterrissage et un débarcadère sur l’île mauricienne d’Agaléga, un projet critiqué dans certains milieux comme un avant-poste militaire déguisé.
Air Mauritius peine à se positionner en tant que hub de transit entre l’Afrique et l’Asie. La concurrence accrue d’acteurs régionaux puissants, tels qu’Emirates ou Qatar Airways, mais aussi des compagnies indiennes elles-mêmes, complique sa relance. Pourtant, l’île conserve un fort potentiel géographique pour capter des flux aériens régionaux.
Dans ce contexte, la semaine dernière, Air India et Air Mauritius ont annoncé l’expansion de leur accord de partage de code (codeshare) afin d’améliorer les connexions entre l’Inde, l’Afrique du Sud, La Réunion et Madagascar via Port-Louis. Cette annonce, bien que distincte d’un éventuel investissement en capital, illustre une volonté de coopération accrue.
Toute éventuelle prise de participation par une compagnie indienne nécessitera une évaluation approfondie, un alignement stratégique et l’approbation des autorités des deux pays. Reste à savoir si les intérêts géopolitiques suffiront à surmonter les réticences économiques du secteur aérien indien.

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