Fraîchement nommé chairman de la National Agency for Drug Control (NADC), Kunal Naik hérite d’un dossier parmi les plus sensibles du paysage institutionnel mauricien. Sa prise de fonction intervient peu après la démission de Sam Lauthan, figure engagée de la lutte contre la drogue, et dans un contexte où l’opinion publique attend des réponses rapides face à un phénomène qui continue de fragiliser de nombreuses familles.
Si Kunal Naik annonce que des « résultats tangibles » seront visibles à partir de janvier, il appelle d’emblée à une lecture réaliste du rôle et des capacités de la NADC. Pour lui, une clarification s’impose. « Je pense que nous aurons besoin des médias afin de corriger certaines interprétations », affirme-t-il, rappelant que l’agence n’a pas vocation à se substituer aux acteurs déjà présents sur le terrain. « La NADC a un mandat de coordination, afin de rendre les actions contre la drogue cohérentes, efficaces et efficientes. Ce n’est pas le rôle de l’agence d’être sur le terrain, mais de travailler étroitement avec les acteurs qui sont déjà présents, tels que les ONG », précise-t-il.
Cette mise au point n’est pas anodine. Elle traduit une volonté de repositionner la lutte contre la drogue dans une approche systémique, loin d’une logique exclusivement répressive ou ponctuelle. Kunal Naik insiste sur le temps nécessaire pour inverser une situation profondément enracinée. « La drogue a pris plus d’une décennie à implanter ses tentacules dans toutes les composantes de la population. Un texte légal ne pourra pas faire disparaître cela du jour au lendemain », souligne-t-il, mettant en garde contre des attentes irréalistes.
Consolidation des bases institutionnelles
Dans l’immédiat, les premiers mois de son mandat seront donc consacrés à la consolidation des bases institutionnelles de la NADC. « La NADC se met en place petit à petit », explique-t-il, évoquant la mise en place d’un siège, le lancement prochain d’une identité visuelle officielle, le recrutement de personnel qualifié ainsi que la constitution de sous-comités spécialisés. Autant d’éléments qu’il considère comme indispensables pour permettre à l’agence d’exercer pleinement son rôle de chef d’orchestre de la politique antidrogue. Cette structuration s’inscrit dans le cadre plus large du National Drug Control Masterplan 2025–2029, présenté comme l’outil central de la stratégie nationale. Ce plan marque une rupture avec les approches antérieures en adoptant une vision multisectorielle, qui cherche à équilibrer prévention, santé publique, traitement, réduction des risques et répression. Il place la NADC au cœur du dispositif, avec pour mission d’assurer la coordination entre les ministères concernés, les forces de l’ordre, les services de santé, les ONG et la société civile.
National Drug Observatory
Un autre pilier essentiel de cette nouvelle architecture est le National Drug Observatory, appelé à jouer un rôle stratégique dans la production et l’analyse de données. Pour Kunal Naik, la lutte contre la drogue ne peut être efficace sans une base scientifique solide. Les données recueillies permettront non seulement d’orienter les politiques publiques, mais aussi d’évaluer l’impact des actions menées et d’ajuster les stratégies en temps réel, en fonction de l’évolution des tendances.
Sur le plan institutionnel, le Masterplan devra être validé et officiellement lancé par la National Drug Control Commission, présidée par le Premier ministre. Cette étape vise à conférer au document une légitimité politique forte et à garantir l’adhésion de l’ensemble des parties prenantes à une vision commune.
Gouvernance intégrée
Au-delà des structures et des plans, Kunal Naik met en avant la nécessité d’une gouvernance intégrée. « La lutte contre les drogues exige une gouvernance intégrée et collaborative », affirme-t-il. Cette approche repose sur des mécanismes de concertation réguliers, des plateformes de partage d’informations et des protocoles clairs, afin d’éviter les chevauchements et de renforcer la complémentarité des interventions. Selon lui, cette articulation entre coordination institutionnelle et recherche est la condition d’une efficacité durable, inscrivant la lutte contre la drogue dans une logique de santé publique, de sécurité et de cohésion sociale. À travers ce positionnement, le nouveau chairman de la NADC trace les contours d’une action moins spectaculaire, mais plus structurée. Une stratégie qui, s’il parvient à la traduire en résultats concrets, pourrait redéfinir en profondeur la réponse nationale face au fléau de la drogue.





